La poussée jihadiste au Mozambique met à l’épreuve les Etats d’Afrique australe

Afriquinfos Editeur
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Carte du Mozambique localisant le port de Mocimboa da Praia (AFP).

L’audacieuse attaque qui a permis à des jihadistes de s’emparer d’un port stratégique du nord du Mozambique, riche en gaz, met à l’épreuve les capacités de réaction des pays d’Afrique australe, selon des analystes.

Pour la troisième fois cette année, des jihadistes affiliés au groupe Etat islamique (EI) ont attaqué la petite ville de Mocimboa da Praia, s’emparant mercredi de son port stratégique pour l’immense projet de gaz naturel liquéfié (GNL) de la région, l’un des plus gros investissements en Afrique, auquel participe notamment le groupe français Total.

La province de Cabo Delgado, la plus septentrionale du pays, limitrophe de la Tanzanie, est la cible depuis octobre 2017 d’attaques jihadistes qui ont fait plus de 1.500 morts et de 250.000 déplacés. Le gouvernement mozambicain n’a fini par reconnaître la présence de ces jihadistes sur son sol qu’en avril 2020.

Un sommet virtuel des chefs d’Etat des pays de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) est prévu lundi et les analystes espèrent que cette présence jihadiste sera au coeur de la rencontre, d’autant plus que le Mozambique doit prendre la présidence tournante de la SADC.

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Cette organisation devrait « d’urgence aider le Mozambique à endiguer cette rébellion violente », selon l’Institut d’études de la sécurité (ISS) basé à Pretoria, qui voit dans ce sommet « une occasion majeure de prendre des actions décisives pour aider à mettre fin à la crise ».

En mai, la division chargée de la sécurité de la SADC a promis d’aider le Mozambique à s’attaquer à la rébellion jihadiste, l’un des plus grands défis que l’Afrique australe ait eu à relever ces dernières années. « Il est vraiment temps pour la SADC d’intervenir », estime l’activiste Adriano Nuvunga, directeur du Centre pour la démocratie et le développement du Mozambique, basé à Maputo.

– Mercenaires russes et sud-africains –

Jusqu’à présent, le Mozambique a fait appel à des sociétés de sécurité privées pour tenter de reprendre le contrôle de ses régions du nord, dont la russe Wagner et la sud-africaine Dyck Advisory Group, selon plusieurs spécialistes des questions de sécurité. Mais « l’action militaire du gouvernement, y compris le recours à des mercenaires, n’a pas mis un terme aux attaques », note l’ISS.

Jeudi, lors d’une réunion préparatoire au sommet régional, la ministre mozambicaine des Affaires étrangères, Veronica Macamo, a affirmé que « si le terrorisme et l’extrémisme violent n’étaient pas contenus, ils pouvaient s’étendre » à toute l’Afrique australe.

En 2008, la SADC a créé une brigade prête à intervenir dans des situations de conflit qui a pour la dernière fois été déployée au Lesotho en 2017, à la suite du meurtre du chef de l’armée de ce petit royaume. Si elle était envoyée au Mozambique, il s’agirait de la première confrontation de cette brigade avec des jihadistes. « Il ne semble pas que la SADC aille pour l’instant au-delà des déclarations d’affichage », a déclaré à l’AFP l’analyste Jasmine Opperman, doutant de la capacité militaire et financière de l’organisation régionale à envoyer des forces dans la province de Cabo Delgado.

Une puissance régionale comme l’Afrique du Sud, qui pourrait envoyer des troupes chez son voisin mozambicain, est bien trop occupée actuellement à utiliser son armée pour faire respecter les mesures destinées à lutter contre la pandémie de coronavirus. Elle participe en outre à hauteur d’un millier de soldats à la mission de l’ONU dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Et même si des forces régionales étaient déployées au Mozambique, ce ne serait « qu’un cautère sur une jambe de bois » si, en parallèle, on ne s’attaque pas « à court ou moyen terme » au sous-développement et aux frustrations des populations qui alimentent les groupes jihadistes, selon Mme Opperman.

Or, chaque attaque sur Mocimboa da Praia est un obstacle au développement du projet de GNL, qui selon les experts pourrait transformer ce pays pauvre en une sorte de Qatar africain et l’un des premiers exportateurs mondiaux de gaz naturel. Le port est essentiel au ravitaillement du projet, situé à environ 60 km plus au nord, sur la péninsule d’Afungi.