Maurice : nouvelle crise au sommet de l’Etat (ANALYSE)

Afriquinfos Editeur
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Cette fois, c’est le Premier ministre lui-même qui a déclenché les hostilités quand il a demandé lundi au président de la République, Sir Aneerood Jugnauth de démentir les affirmations de l’opposition à l’effet qu’il va diriger une coalition contre lui aux prochaines élections ou de démissionner.

En fait, la présente crise découle de celle de l’année dernière car après le départ des ministres du Mouvement Socialiste Militant (MSM) de l’ancien ministre des Finances, Pravind Jugnauth, par ailleurs fils du président, la majorité gouvernementale s’est trouvée réduite à une voix. Du coup, le Premier ministre a dû débaucher deux anciens députés du MSM en leur allouant deux portefeuilles ministériels. Une situation qui, si elle a réconforté sa majorité, a provoqué une grogne dans les rangs du principal parti gouvernemental, le Parti Travailliste, où certains se sont sentis frustrés de ne pas pouvoir accéder à ces maroquins ministériels tant convoités.

D’autant plus que dans le même temps, un autre parti minoritaire du gouvernement, le Parti Mauricien Social-Démocrate (PMSD) a vu sa côte grimper et son leader propulsé au poste de ministre des Finances.

Sentant cette frustration, le principal parti de l’opposition, le Mouvement Militant Mauricien (MMM) de Paul Béranger, a commencé une campagne de déstabilisation qui passe à la fois à faire les yeux doux aux aigris du camp gouvernemental et à ratisser large au sein de l’opposition. Ce dernier choix s’est imposé de lui -même, le MSM n’ayant pas un soutien populaire assez fort pour pouvoir prétendre aller aux élections seul. Depuis l’année dernière, l’idée d’une alliance entre le MMM et le MSM a fait son chemin et les pourparlers ont avancé bien vite.

Toutefois, le MMM, nettement en position de force, ne veut pas que le leader actuel du MSM, Pravind Jugnauth, puisse assumer, même en alternance, le poste de Premier ministre. Pour Paul Bérenger, l’homme idéal serait l’actuel président, père de Pravind, qui avait déjà dirigé une telle alliance à la victoire lors des élections en 2000.

Le leader de l’opposition a ainsi proposé à son bureau politique de voter sur cette éventualité samedi dernier. L’issue, qui ne faisait pas de doute, a confirmé la volonté de cette instance pour que les anciens alliés se retrouvent ensemble « pour sauver le pays en ces temps de crise où les scandales politico- financiers se multiplient ».

Cette éventualité n’a tout naturellement pas plu au Premier ministre qui, sentant la menace direct sur son gouvernement alors même que Paul Bérenger évoque une motion de censure à la rentrée parlementaire prévue le 20 mars prochain, a préféré prendre les devants en acculant le président sur son rôle de « garant indépendant de la Constitution ».

En obligeant Sir Aneerood Jugnauth à nier qu’il ait pu donner son accord sur l’éventualité de diriger une alliance de l’opposition aux prochaines élections, il s’assure que celui-ci soutiendra son gouvernement et affaiblira par là-même le MMM mais aussi le MSM de son fils.

Et si le président décide par contre de confirmer son implication dans la stratégie de l’opposition, il quitterait sa fonction au profit d’une personne issue des rangs du Parti Travailliste, qui, à défaut d’être indépendante, soutiendrait sans faille le gouvernement et écarterait la menace d’un changement de Premier ministre en cas de succès d’une motion de censure.

La riposte de Navin Ramgoolam est d’ailleurs largement soutenue par ses ministres qui ont tirés à boulets sur le président mardi. Le plus forte charge a été mise sur le compte du ministre des Administrations régionales qui a interdit aux maires des villes du pays qui avaient rendez-vous avec Sir Aneerod Jugnauth ce mardi de s’y rendre. Un affront sur lequel la présidence n’a pas souhaité réagir comme sur l’ultimatum lancé par le Premier ministre la veille.

Xinhua a appris de source présidentielle qu’à ce stade, Sir Aneerod Jugnauth ne fera aucun commentaire ne voulant pas troubler les célébrations du 44e anniversaire et du 20e anniversaire de l’accession du pays au statut de République. Le président et le Premier ministre cohabiteront donc au moins jusqu’au 12 mars prochain alors que le président des Seychelles sera l’invité d’honneur de ces célébrations. La rencontre hebdomadaire entre les deux hommes est d’ailleurs prévue pour ce jeudi. Mais tout laisse croire que les hostilités vont reprendre le 13 mars, le Premier ministre ayant laissé entendre qu’il fera d’autres commentaires après le départ du président James A. Michel. Affaire à suivre.