49 Afrikaners aux USA comme ‘réfugiés’ pour Trump, des ‘citoyens marginaux’ pour Pretoria

Afriquinfos Editeur
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Des Afrikaners d'Afrique du Sud accueillis à un aéroport de Washington par des responsables américains, le 12 mai 2025.

Une cinquantaine d’Afrikaners, des descendants des premiers colons européens en Afrique du Sud qui se disent « persécutés », ont été accueillis lundi, 12 mai 2025, aux Etats-Unis en tant que réfugiés, une initiative vigoureusement contestée par Pretoria.

Des Sud-Africains blancs manifestent en soutien au Président américain Donald Trump, le 15 février 2025 devant l’ambassade américaine à Pretoria.

Un premier groupe de 49 personnes, principalement des familles d’agriculteurs issus de la minorité blanche d’Afrique du Sud, dont certains brandissant des drapeaux américains, a atterri à l’aéroport international de la capitale Washington, a constaté l’AFP. Pour marquer le coup, ils ont été reçus par le numéro deux du Département d’Etat, Christopher Landau, et son homologue au ministère de la Sécurité intérieure, Troy Edgar.

Des Sud-Africains blancs manifestent en soutien au Président américain Donald Trump, le 15 février 2025 devant l’Ambassade américaine à Pretoria.

« Bienvenue aux Etats-Unis d’Amérique, la terre de la liberté », a lancé M. Landau, selon qui ils ont été la « cible d’une persécution flagrante à cause de leur race ». Les Afrikaners constituent la majorité de la population blanche du pays. C’est de cette frange de la population dont sont issus les dirigeants politiques qui ont institué l’apartheid, système de ségrégation raciale ayant privé la population noire – très majoritaire – de la plupart de ses droits de 1948 jusqu’au début des années 1990. Peu avant l’arrivée lundi, 12 mai, de cette cinquantaine d’Afrikaners, Donald Trump a justifié leur accueil par leur « situation terrible », évoquant une nouvelle fois un « génocide ».

Le Président américain a pris un décret le 7 février qui les prétend « spoliés de leur terre », leur accordant le statut de réfugiés. Cet accueil soigneusement mis en scène tranche avec le raidissement de la politique d’immigration depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, non seulement d’expulsion massive des immigrés clandestins, mais aussi de restriction quasi-totale de toute arrivée de demandeurs d’asile.

« C’est un génocide », a réaffirmé le Président américain à la Maison Blanche ce 12 mai 2025. « Des agriculteurs se font tuer. Il se trouve qu’ils sont blancs, mais qu’ils soient blancs ou noirs ne fait aucune différence pour moi », a-t-il assuré. « La situation en Afrique du Sud est terrible », a insisté Donald Trump. « Nous avons donc proposé la nationalité (américaine) à ces gens pour leur permettre d’échapper à cette violence et de venir ici », a-t-il précisé, en soulignant qu’il pourrait rencontrer « le leadership sud-africain » la semaine prochaine.

– « Groupe marginal » de Sud-Africains-

Le Président sud-africain Cyril Ramaphosa s’est inscrit ce 12 mai en faux contre cette présentation des 49 Afrikaners. « Un réfugié est quelqu’un qui doit quitter son pays par peur de persécution politique, religieuse ou économique. Ils ne correspondent pas à cette définition », a-t-il déclaré lors d’un forum économique africain à Abidjan, en Côte d’Ivoire.

« C’est un groupe marginal qui n’a pas beaucoup de soutien, qui est contre la transformation et le changement. Et qui préférerait voir l’Afrique du Sud revenir à des politiques d’apartheid », a-t-il accusé. L’Administration républicaine cible particulièrement depuis des mois l’Afrique du Sud, dont est originaire Elon Musk, membre du premier cercle de Donald Trump dans le cadre de la mise en oeuvre du MAGA.

Parmi les principaux griefs, cité nommément par le Président américain dans son décret coupant toute aide à Pretoria, figure aussi la plainte pour « génocide » visant Israël pour sa guerre menée à Gaza depuis le 07 octobre 2023, plainte que l’Afrique du Sud a déposée devant la CIJ (Cour internationale de justice).

– « Déconcertant » –

L’Ambassade américaine à Pretoria a publié ce 12 mai 2025 ses critères concernant la procédure de demande d’asile: les candidats doivent « être en mesure de faire état d’une expérience passée de persécution ou d’une crainte de persécution future ». Le groupe identitaire afrikaner AfriForum avait recensé 49 meurtres d’agriculteurs en 2023 et 50 l’année précédente. Des statistiques à comparer avec les 75 meurtres enregistrés par jour en moyenne en Afrique du Sud. Un Etat qui affiche l’un des taux d’homicide les plus élevés de la planète.

« Les blancs sont victimes de crimes, comme tout le monde en Afrique du Sud, mais y a-t-il des blancs spécifiquement visés? Absolument aucun », balaie auprès de l’AFP Loren Landau, à la tête de l’Observatoire des violences xénophobes Xenowatch. La minorité blanche représente un peu plus de 7% de la population, mais possédait 72% des terres agricoles en 2017, selon des statistiques gouvernementales – l’héritage d’une politique d’expropriation de la population noire pendant la colonisation puis l’apartheid, que des lois votées depuis 1994 visent à réviser.

Des Sud-Africains blancs manifestent en soutien au Président américain Donald Trump, le 15 février 2025 devant l’Ambassade américaine à Pretoria.

« Il est déconcertant de voir l’Administration Trump admettre des Afrikaners pour leur réinstallation tout en maintenant une suspension indéfinie pour des milliers de demandeurs d’asile légitimes qui ont fui la persécution, souvent parce que leur vie était en danger », a déploré et comparé la Sénatrice démocrate Jeanne Shaheen dans un communiqué.

© Afriquinfos & Agence France-Presse