Embrouillamini autour de l’organisation du prochain scrutin présidentiel à Madagascar qui s’annonce heurté

Afriquinfos Editeur
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Antananarivo (© 2023 Afriquinfos)- Alors que le premier tour du scrutin présidentiel à Madagascar doit avoir lieu dans une semaine, le 16 novembre prochain, des centaines de personnes d’horizons différents se sont réunies ce 10 novembre, pour demander «la suspension de l’élection». Un geste qui décrit des malaises profonds.

Le rassemblement de ce 10 novembre faisait suite à la demande de la présidente de l’Assemblée nationale. Elle  demandait ce jeudi 9 novembre 2023, «la suspension de l’élection», dans un contexte tendu de manifestations régulières de l’opposition depuis plus d’un mois. La plateforme de médiation dirigée par la cheffe de la Chambre basse et le Conseil des églises chrétiennes avait appelé «toutes les forces vives de la nation» à se réunir ce vendredi matin.

Plus de 700 personnes venues d’horizons différents ont répondu présentes. La concertation a duré six heures et s’est achevée à la mi-journée. «Il est urgent, urgent, urgent de prendre une décision et pour cela, nous vous faisons passer une pétition pour récolter des signatures et c’est ce qui fera notre force», a mobilisé Christine Razanamahasoa, la présidente de l’Assemblée nationale, face à un parterre de participants. Anciennes personnalités politiques, notables, ‘’sages’’ et figures reconnues du pays, forces religieuses et traditionnelles, organisations de la Société civile, syndicats, représentants des femmes, des jeunes… Tous étaient d’accord sur une chose ce 10 novembre: il faut absolument suspendre l’élection dont le premier tour est prévu le 16 novembre.

Différentes personnalités se sont succédé à la tribune montée à la hâte dans la cafétéria de l’Assemblée nationale, pour exprimer leur avis sur l’impossible tenue de l’élection 2023. Une pétition a circulé et les organisateurs ont procédé au comptage des signatures. Plusieurs centaines déjà récoltées. Les signataires exhortent les autorités à accepter la suspension du processus électoral et un report.

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Une résolution présentée à la Ceni

À la fin de la concertation de ce 10 novembre, la présidente de l’Assemblée nationale a annoncé face à la presse officiellement que ‘’les participants ont décidé de demander le report de l’élection présidentielle qui doit se tenir le 16 novembre’’.

‘’Nous n’avons rien créé, nous n’avons fait que transcrire le souhait élémentaire de toutes les personnes. La tenue de ces élections le 16 novembre relève du non-sens’’, a rappelé le juriste international Raymond Ranjeva. La résolution devrait être présentée dans les prochains jours à la Ceni, aux instances décisionnaires du pays. Toutefois, le porte-parole du groupe parlementaire majoritaire et pro-pouvoir a affirmé que les députés de l’IRD, la coalition politique qui soutient le Président sortant Andry Rajoelina, n’appuie pas du tout la démarche de la présidente de l’Assemblée nationale. Et il souligne que cette dernière a outrepassé ses fonctions en organisant cette grande consultation!

Le 16 novembre prochain, près de 12 millions de Malgaches sont appelés à élire leur Président, mais l’opposition exige le report du scrutin en raison d’irrégularités qui se dessinent.

Un premier report déjà opéré

Le scrutin présidentiel de 2023 devait initialement avoir lieu ce jeudi 9 novembre, mais a été reporté par la Haute cour constitutionnelle de Madagascar, le 12 octobre dernier, à la suite de la requête d’un des candidats. Celui-ci avait été blessé lors d’une manifestation dispersée par des forces de l’ordre.

La campagne électorale en vue de cette présidentielle du 16 novembre est émaillée de violences. Samedi 4 novembre, des forces de l’ordre ont de nouveau dispersé une manifestation de l’opposition à coups de gaz lacrymogène dans la capitale Antananarivo. Onze des douze candidats qui affrontent dans les urnes le Président sortant, Andry Rajoelina, dénoncent ce qu’ils appellent les « machinations »  de la Commission électorale nationale indépendante, visant à favoriser, selon eux, le Président sortant.

« Le Collectif des 11 » demande aussi à la Haute cour constitutionnelle d’invalider la candidature du Président sortant accusé de détenir, alors que la loi le proscrit, la double-nationalité malgache et française. Un débat clos par la Haute cour constitutionnelle qui a récemment déclaré éligible Andry Rajoelina.

À une semaine du premier tour de l’élection présidentielle, une nouvelle enquête de Transparency International Initiative Madagascar, publiée il y a quelques jours, dénonce un système de corruption électorale mis en place pendant la campagne électorale par le Président sortant Andry Rajoelina.

L’ONG a également dénoncé l’utilisation de sommes importantes d’argent par les candidats Andry Rajoelina et Siteny Randrianasoloniaiko alors que la majorité du pays vit encore dans une grande pauvreté.

V. A.