Chaos en Libye depuis 2011: Argument itératif des opposants à l’intervention de la CEDEAO au Niger

Afriquinfos Editeur
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Carte de la Libye.

Niamey (© 2023 Afriquinfos)- Depuis l’annonce d’une intervention de la CEDEAO pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger suite au coup d’Etat du 26 juillet, les réactions affluent. Nombreuses s’opposent à cette intervention estimant qu’elle risque de déstabiliser encore plus une région qui subit toujours les affres de l’intervention de l’OTAN en 2011 en Libye.

«Dans quelles situations se trouvent aujourd’hui les pays qui ont connu une intervention militaire? Regardez où en est la Libye, la Syrie» s’est questionné le Président algérien dont le pays est fermement opposé à une intervention au Niger avec lequel il partage une longue frontière. Abdelmajid Tebboune a de ce fait mandaté son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, pour des visites de travail au Nigeria, au Bénin et au Ghana.

Ces consultations dans ces trois pays qui sont favorables à l’intervention militaire au Niger visent selon Alger à trouver les moyens de faire face à la crise qui prévaut dans le pays et de «contribuer à une solution politique qui évitera à ce pays et à la région toute entière les retombées d’une éventuelle escalade de la situation».

En Turquie, le Président Recep Tayyip Erdogan a également fait part de sa préoccupation quant à une éventuelle intervention de la CEDEAO au Niger. Le numéro 1 turc s’inquiète notamment des répercussions dévastatrices d’une telle action sur les pays voisins et sur le continent dans son ensemble. Il dit privilégier la recherche d’une solution pacifique en soutenant les efforts diplomatiques et en favorisant le dialogue entre toutes les parties concernées.

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A Niamey, de nombreuses voix s’élèvent contre cette option militaire, que ce soit les responsables du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), des anciens Chefs d’Etat et de Gouvernement ou des acteurs politiques qui outre les conséquences dramatiques sur les populations civiles craignent le syndrome libyen. Les nouveaux maîtres de Niamey ont mis en garde la CEDEAO contre toute ingérence dans les affaires intérieures du Niger ainsi que sur les conséquences désastreuses de cette virée militaire sur la sécurité de la région.

Les militaires au pouvoir accusent notamment les puissances occidentales, particulièrement la France, d’instrumentaliser la CEDEAO pour reprendre la main dans le pays. La présence des forces françaises est désormais contestée par les nouveaux dirigeants nigériens mais aussi par les populations à travers des manifestations cycliques et quotidiennes.

Pour Nicolas Sarkozy (ex Président français), cette aversion grandissante pour la France dans la région est née de la «présence prolongée de notre Armée dans nos anciennes colonies». «Aussi bonnes et généreuses soient nos intentions, toute mission qui s’éternise finit par nous faire apparaître (…) comme une force d’occupation», ajoute-t-il. En guise d’exemple, l’ex-Président évoque la présence française au Mali et charge son successeur à l’Elysée (le socialiste François Hollande). Nicolas Sarkozy voit dans «le maintien de notre Armée au Mali» après l’intervention militaire décidée en 2013 «une double erreur». Militaire «parce qu’on ne peut pas tenir un territoire grand comme trois fois la France avec 4.000 hommes». Et politique «comme on le constate aujourd’hui».

Libye et encore Libye

Emmanuel Macron, l’actuel Président français, a lui aussi qualifié d’erreur l’intervention de 2011 en Libye. «L’Europe, les Etats-Unis et quelques autres ont une responsabilité dans la situation actuelle en Libye. Je n’oublie pas que plusieurs ont décidé qu’il fallait en finir avec le dirigeant libyen sans qu’il y ait pour autant de projet pour la suite». Avant de poursuivre: «Quoi qu’on pense d’un dirigeant, cette responsabilité a consisté à imaginer qu’on pouvait se substituer à la souveraineté d’un peuple pour décider de son futur […] Nous avons collectivement plongé la Libye depuis ces années dans l’anomie sans pouvoir régler la situation».

Depuis cette intervention de 2011, la situation s’est fortement dégradée en Libye – et dans toute la région aujourd’hui. La situation en Libye est toujours instable: une partie des djihadistes de l’Etat islamique ont tenté de s’installer dans le pays; la fin du régime de Kadhafi a exacerbé les tensions entre tribus et la crise des migrants a empiré depuis l’aggravation de la guerre en Syrie. Un scénario que de nombreux pays veulent éviter au Niger.

Boniface T.