Niger: Le pouvoir de Tchiani poursuit son bras de fer avec Paris sur des accusations stratégiques

Afriquinfos Editeur
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Rassemblement de soutien aux militaires putschistes ayant renversé le Président élu Mohamed Bazoum au Niger, le 30 juillet 2023 devant l'ambassade de France à Niamey.

Les militaires qui ont pris le pouvoir par un coup d’Etat à Niamey ont accusé mercredi 9 aout la France, normalement un allié du Niger, d’avoir libéré des jihadistes et violé l’espace aérien du pays.

Les dirigeants des pays membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), opposés au coup d’Etat au Niger, donnent toujours la priorité à la diplomatie, tout en maintenant la menace d’intervention armée. Mercredi soir, un ex-émir de l’Etat de Kano (nord du Nigeria) et proche du Président nigérian Bola Tinubu, qui dirige actuellement la Cedeao, a tenté une médiation avec le régime militaire à Niamey.

Mercredi, le régime militaire a accusé la France d’avoir violé dans la matinée l’espace arien nigérien, fermé depuis dimanche, avec un avion de l’armée française venu du Tchad, et d’avoir « libéré des terroristes ». Sans faire de lien direct avec cette « libération » de jihadistes, mais dans un même communiqué, le régime nigérien a annoncé que, mercredi matin, « la position de la Garde nationale de Boukou », dans la zone des trois frontières entre Niger, Burkina Faso et Mali, « a fait l’objet d’une attaque » dont « le bilan n’est pas encore établi ». « Nous assistons à un véritable plan de déstabilisation de notre pays », affirme le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) au pouvoir à Niamey, dont le but est de le « discréditer » et de « créer une rupture avec le peuple qui le soutient, de créer un sentiment d’insécurité généralisée ».

Des accusations aussitôt démenties par Paris. « Le vol effectué ce matin (mercredi) a été autorisé et coordonné avec l’armée nigérienne », a indiqué à l’AFP une source gouvernementale française. « Et aucun terroriste n’a été libéré par les forces françaises ».

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« Nous avons parlé avec le Chef de l’Etat », le général Abdourahamane Tiani, nouvel homme fort du Niger, et « nous allons retourner au Nigeria pour transmettre au Président » Bola Tinubu un « message » du général, a déclaré l’ex-émir, Sanusi Lamido Sanusi, à la télévision nationale nigérienne. Mardi 8 aout, une délégation conjointe de la Cedeao, de l’Union africaine (UA) et de l’ONU n’avait pu se rendre à Niamey, sa mission ayant été annulée par les militaires pour des raisons de « sécurité », face à la « colère » des « populations ». Le report de la visite de cette délégation s’ajoutait à un autre signe de défiance des nouveaux dirigeants nigériens: la nomination lundi soir d’un Premier ministre civil, Ali Mahaman Lamine Zeine et la formation d’un nouveau Gouvernement ce 9 aout.

S’envolant pour Abuja mercredi soir, le Président de la Guinée-Bissau Umaro Sissoco Embalo a lancé: « Le seul Président que nous reconnaissons (au Niger), c’est (le Président renversé Mohamed) Bazoum ». « Si vous ne voulez pas d’un Gouvernement ou d’un Président, sanctionnez-le par les urnes (…) Les coups d’Etat doivent être bannis », a-t-il ajouté, estimant que la Cedeao, dont son pays et le Niger font partie, jouait son existence après les putschs dans trois autres Etats membres (Mali, Guinée, Burkina Faso) depuis 2020.

– Inquiétudes pour Bazoum –

Les Etats-Unis ont exprimé mercredi leur inquiétude à propos des conditions de détention du Président Bazoum, détenu depuis le coup d’Etat du 26 juillet dans sa résidence présidentielle. « Nous sommes fortement inquiets pour sa santé et sa sécurité ainsi que celle de sa famille », a déclaré le porte-parole du Département d’Etat Matthew Miller, à la suite d’un appel entre le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et M. Bazoum.

Selon M. Miller, les inquiétudes des Etats-Unis sur la santé du dirigeant étaient l’une des raisons pour lesquelles l’adjointe par intérim du Secrétaire d’Etat, Victoria Nuland, avait cherché à rencontrer le Président Bazoum, lors d’un déplacement inopiné au Niger lundi – en vain. Mme Nuland avait rencontré certains auteurs du coup d’Etat, une réunion à laquelle n’a pas participé le général Abdourahamane Tchiani. Les discussions « ont été extrêmement franches et par moment assez difficiles », avait-elle reconnu.

Le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) de M. Bazoum a affirmé que le Président était séquestré sans eau ni électricité, et vivait sur des réserves.

© Agence France-Presse