Pour son image, Kinshasa, la plus grande ville francophone au monde, relève le pari de tenir les 9e Jeux de la Francophonie

Afriquinfos Editeur
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Une affiche des 9e Jeux de la Francophonie dans une rue de Kinshasa, le 25 juillet 2023 en RDC.

Avec rumba revisitée et ambiance très kinoise, une cérémonie à grand spectacle a donné vendredi soir 28 juillet à Kinshasa le coup d’envoi des 9e Jeux de la Francophonie, que les Congolais veulent voir comme un message d’espoir dans un océan de problèmes.

Quatre-vingt mille spectateurs, capacité maximale de l’immense stade des Martyrs, étaient venus voir défiler les quelque 3.000 jeunes sportifs et artistes, d’une trentaine de pays, engagés dans les compétitions et concours prévus pendant dix jours à Kinshasa, plus grande ville francophone du monde avec environ quinze millions d’habitants.

Dans le public, très bruyant et enthousiaste, Bonheur, 24 ans, étudiant en communication audiovisuelle, trouve qu’organiser les jeux en République démocratique du Congo « permet au pays de se développer ». « Si on n’est focus que sur les problèmes, on n’avance pas », appuie son collègue Epaphrodit, 24 ans.

Après la parade des délégations et les discours, un spectacle son et lumière a brossé un tableau du Congo, avec ses peuples et animaux de la forêt, ses taxis jaunes, ses « sapeurs » aux tenues extravagantes et ses « performeurs » aux costumes en canettes, sacs plastique ou autres matériaux récupérés dans les poubelles. Avec en bouquet final une prestation de Fally Ipupa, parmi les stars de la musique congolaise et dignes héritiers du roi de la rumba Papa Wemba.

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Les jeux commencent tout juste, mais le fait qu’ils aient démarré est déjà considéré comme un succès à Kinshasa. Car ce n’était pas gagné. Attribués en 2019 à la RDC, ils auraient dû avoir lieu en 2021, quatre ans après ceux d’Abidjan. Mais ils ont été reportés à cause de la pandémie de la Covid-19, puis de nouveau en 2022 parce que les équipements nécessaires n’étaient pas prêts.

Car pour accueillir les sportifs, le pays, riche en minerais mais pauvre en niveau de vie et en infrastructures, a dû dépenser des dizaines de millions de dollars pour réhabiliter ou construire de nouvelles installations. Ces dépenses se sont ajoutées à l’effort de guerre contre les groupes armés et rébellions dans l’est du pays, notamment contre le « M23 » qui, soutenu par le Rwanda, occupe une partie de la province du Nord-Kivu.

– Symboles et sécurité –

La crise rwando-congolaise engendrée par ce conflit s’est d’ailleurs invitée aux Jeux de Kinshasa, avec une polémique autour de la présence à la cérémonie d’ouverture de la Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo, ancienne ministre rwandaise des Affaires étrangères. Lundi, le Gouvernement congolais l’avait annoncée présente. Mais sa porte-parole indiquait le lendemain qu’elle ne viendrait pas parce qu’elle n’avait pas été invitée. Elle a été remplacée par l’administratrice de l’OIF, Caroline St-Hilaire.

Ces Jeux, a déclaré le Président Félix Tshisekedi, sont « forts en symbole« , entre autres parce qu’ils marquent « la solidarité des Francophones avec les Congolais, victimes d’une agression injuste » dans l’est de leur pays. Victimes aussi « du pillage massif de nos ressources naturelles par des groupes armés et des terroristes de tous bords, avec l’appui de certains pays voisins« , a-t-il ajouté.

En plus des dépenses engagées pour le renforcement de son armée, l’Etat congolais doit aussi assurer le financement des élections prévues en décembre 2023, dans un climat tendu et alourdi par l’assassinat d’un opposant, le 13 juillet. Le Gouvernement présente le coût des Jeux comme un investissement pour l’avenir du pays et de sa jeunesse, qui pourra par exemple profiter de gymnases tout neufs. Même chose pour les ambulances qui iront ensuite à des structures de santé ou pour la formation dont ont bénéficié des policiers pour la gestion des foules.

Les craintes pour la sécurité des délégations ont conduit certains pays, comme le Québec, à réduire leur participation ou carrément renoncer à venir.

Les organisateurs ont très mal accueilli ces décisions et affirment que toutes les mesures nécessaires sont prises. Quelque 4.500 policiers et des éléments de la garde républicaine sont déployés, assurent-ils, et une entreprise privée est chargée de la sécurité des aires de jeux. Le dispositif était effectivement très visible pour la cérémonie d’ouverture.

Jusqu’au 6 août, les Jeux de la Francophonie vont donner lieu à neuf compétitions sportives et onze Concours culturels, auxquels participent des jeunes de 18 à 35 ans.