Soudan: Occupation croissante de logements par des combattants, pillages et exactions en hausse, visage de la guerre atroce depuis ce 21 juin

Afriquinfos Editeur
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Le général Abdel Fattah al-Burhane (à droite) et le général Mohamed Hamdane Daglo.

Les habitants de Khartoum se sont de nouveau réveillés au son des tirs et des explosions ce 22 juin, plus de deux mois après le début de la guerre au Soudan entre l’armée et les paramilitaires qui s’accusent mutuellement de violations à l’encontre des civils.

La violence des explosions fait « trembler les murs des maisons« , ont indiqué des témoins à l’AFP, évoquant des « tirs d’artillerie » dans l’est de la capitale et d’autres, cette fois à « l’artillerie lourde« , provenant des casernes de l’armée dans la banlieue nord.

Des combats ont également lieu dans le centre de la capitale, survolé par des « avions de combats« , ont affirmé d’autres témoins. Les combats se concentrent également au Darfour, une vaste région frontalière du Tchad déjà meurtrie par une guerre civile dans les années 2000 et théâtre des violences les plus meurtrières. Le conflit oppose depuis le 15 avril l’armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo.

Autrefois alliés, les deux généraux se disputent désormais le pouvoir et semblent déterminés à l’obtenir par les armes. Leur guerre a plongé le pays –parmi les plus pauvres du monde– dans le chaos, a fait plus de 2.000 morts selon l’ONG ACLED. Et forcé plus de deux millions et demi de personnes à quitter leur foyer, déplacées à l’intérieur du Soudan ou réfugiées dans les pays voisins, selon l’ONU.

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Des témoignages sur l’occupation de logements par des combattants, sur des pillages et autres exactions se multiplient. Après un court répit à la faveur d’une trêve de 72 heures, les combats ont repris mercredi matin et les deux camps se sont une nouvelle fois accusés mutuellement de commettre des violations à l’encontre des civils.

L’armée accuse les FSR d’avoir « profité de la trêve pour mobiliser ses forces et de commettre plusieurs violations contre des civils« . Les forces paramilitaires accusent elles l’armée d’avoir « fabriqué une fausse vidéo » mettant en scène « un viol » qu’elle a imputé aux FSR.

– « Catastrophe » en vue –

Un nuage de fumée s’élève au-dessus du quartier de Bahri, à Khartoum, le 21 juin 2023.

Au Darfour, l’armée et les paramilitaires s’affrontent « avec tous types d’armes« , ont raconté mercredi soir à l’AFP des habitants de Nyala, capitale du Darfour-Sud. Dans cette région de l’ouest du pays où vivent des populations issues d’ethnies africaines ainsi que de tribus arabes, « le conflit a désormais une dimension ethnique« , ont averti l’ONU, l’Union africaine et l’IGAD, le bloc de l’Afrique de l’Est. Les violences commises au Darfour pourraient constituer des « crimes contre l’humanité« , juge l’ONU.

A El-Obeid, dans la région du Kordofan-Nord, limitrophe du Darfour, des témoins ont également fait état de « tirs d’artillerie« . Mercredi soir, l’armée a accusé le principal groupe rebelle du Kordofan-Sud d’avoir « attaqué la brigade d’infanterie de Kadugli, en violation du cessez-le-feu » conclu entre Khartoum et ce mouvement armé, l’un des deux à avoir refusé de rejoindre l’accord de paix historique de Juba signé en 2020, avec les autres groupes rebelles du pays.

Avec la poursuite des hostilités, les deux tiers environ des établissements de santé dans les zones de combat sont désormais hors service, a indiqué l’Organisation mondiale de la santé, évoquant « 46 attaques contre des établissements de santé depuis le début des combats« . La situation humanitaire devrait encore s’aggraver avec la saison des pluies, synonyme de recrudescence du paludisme, d’insécurité alimentaire et de malnutrition infantile. Selon l’OMS, 11 millions de personnes ont besoin d’une assistance sanitaire.

Et l’ONU estime que 25 des 48 millions de Soudanais ne peuvent survivre sans aide humanitaire. Lundi 19 juin, la communauté internationale a promis 1,5 milliard de dollars d’aides, soit la moitié des besoins avancés par les agences humanitaires. Des promesses insuffisantes face « à la catastrophe qui se profile« , a prévenu William Carter, directeur au Soudan de l’ONG Norwegian Refugee Council dans une tribune. Près de 600.000 personnes ont trouvé refuge dans les pays voisins, a annoncé mardi 20 juin l’Organisation internationale pour les migrations, tandis que plus de deux millions de Soudanais sont déplacés dans leur propre pays, selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés.