Elections générales en 2023 en RDC: Pas un long fleuve tranquille d’ici la fin d’année

Afriquinfos Editeur
6 Min de Lecture

A six mois des élections, la campagne s’annonce très tendue en République démocratique du Congo, avec une opposition qui fulmine contre un régime bien décidé à rester au pouvoir, sur fond de conflit dans l’est et de crise sociale.

La présidentielle, à un seul tour, est prévue le 20 décembre dans l’immense pays de quelque 100 millions d’habitants, couplée à l’élection des députés nationaux et provinciaux ainsi que des conseillers communaux. Félix Tshisekedi, président depuis janvier 2019, est candidat à un second mandat de cinq ans. Pour l’avoir vécu lors des précédentes élections, repoussées de deux ans, certains Congolais doutent encore de l’organisation du vote en temps et en heure et s’attendent à ce qu’ils appellent un « glissement« .

Mais les autorités affirment que les élections auront bien lieu en décembre et, surtout, la Commission électorale nationale (Céni) a jusqu’à présent respecté son calendrier.

Elle a « enrôlé » (enregistré) les électeurs et leur a délivré des cartes. Cela lui a permis de refaire le fichier électoral, qui a été toiletté par un « audit externe » et a servi de base à la loi de « répartition des sièges« , promptement votée et promulguée. Techniquement, « la Céni a démontré qu’elle pouvait tenir les échéances… Un glissement est de moins en moins envisageable« , constate Trésor Kibangula, analyste politique à l’Institut de recherche Ebuteli.

- Advertisement -

En ce qui concerne la confiance et la transparence, c’est une autre histoire. En fin d’année dernière, Ebuteli s’était inquiété d’un processus « mal embarqué« , porteur de risques de « violentes manifestations« . En cause: les compositions hautement controversées de la Céni elle-même et de la Cour constitutionnelle, dernier verrou électoral. « Au niveau juridique, le pouvoir a tous les leviers« , relève sous couvert d’anonymat un autre observateur de la politique congolaise. Depuis quelques semaines, les formations de quatre opposants, candidats déclarés à la présidentielle, organisent des manifestations pour réclamer une refonte de ces organes qui, selon eux, vont mener à la fraude et au chaos.

Ces opposants – Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Matata Ponyo et Delly Sesanga – considèrent aussi que le fichier électoral est « fantaisiste« , notamment parce que « l’enrôlement » n’a pu avoir lieu dans des territoires en proie aux violences armées et que l' »audit » a été réalisé en un temps record de cinq jours. « Nous avons décidé de ne pas déposer les candidatures de nos membres à tous les niveaux des élections tant que le fichier électoral (…) ne sera pas refait dans la transparence« , a affirmé ce 19 juin devant la presse Martin Fayulu, parlant en son nom et non en celui des autres opposants.

Candidat à la présidentielle de 2018, M. Fayulu affirme qu’il était arrivé en tête et que sa victoire lui a été volée.

– « Explosifs » –

La police a violemment réprimé une marche de l’opposition le 20 mai dernier, entraînant de nombreuses protestations, de la puissante Eglise catholique, de la Société civile ou de la communauté internationale. Et une quinzaine d’ambassades ont appelé dans une déclaration à des élections « compétitives, pacifiques, inclusives et transparentes« . Le camp de l’ancien président Joseph Kabila (2001-2019), quant à lui, a jusqu’à présent demandé à ses militants de boycotter le processus électoral.

Selon Trésor Kibangula, il reste « une chance de regagner la confiance« , c’est d’organiser « un nouvel audit indépendant et transparent du fichier électoral« . Cela « pourrait contribuer à faire baisser les tensions politiques« , sans avoir à repousser le vote, estime l’analyste. Le professeur en Science politique Alphonse Maindo est de ceux qui pensent que de « bonnes élections » le 20 décembre sont impossibles. Il préconise plutôt une « transition » qui permettrait de bien s’y préparer, y compris en « mobilisant les ressources nécessaires« . « Les prochains mois vont être explosifs, avec des manifestations, des arrestations, des procès… », craint l’Universitaire, qui avait été l’an dernier parmi les signataires d’une déclaration appelant Denis Mukwege à se présenter à la présidentielle. Le célèbre docteur, Prix Nobel de la paix 2018 pour son action en faveur des femmes violées, n’a encore rien dit autour de ses intentions.

Les observateurs s’attendent par ailleurs à une forte abstention, à cause du manque de confiance dans le processus électoral et la classe politique en général, mais aussi parce que la préoccupation de beaucoup de Congolais, pris à la gorge par le chômage et l’inflation, est surtout de nourrir leurs familles.

La RDC a un sous-sol très riche, mais les deux tiers de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté.