Cameroun: John Fru Ndi, de la lignée des opposants historiques en Afrique, passe de vie à trépas sans avoir vu l’alternance

Afriquinfos Editeur
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John Fru Ndi (photo, Blog TONFACK)

Yaoundé (© 2023 Afriquinfos)- John Fru Ndi est décédé dans la nuit du lundi au mardi 13 juin dans sa 82è année «des suites d’une longue maladie», selon une annonce officielle faite ce 13 juin par son parti, le SDF (Social Democratic Front). Figure incontournable de la scène politique africaine depuis le début des années 1990, il s’apprêtait à passer la main à la tête de son parti.

C’est un personnage de la trempe d’Alpha Condé, Alpha O. Konaré, Issoufou Mahamadou, Abdoulaye Wade, Gilchrist Olympio, Zéphirin Diabré, Nana Akufo-Addo, Bruno Amoussou, Adrien Houngbedji, O. Darboe, etc. Bref, de la lignée des acteurs qui ont mené une lutte entêtée pour une alternance pacifique dans leurs pays depuis le début des années 1990, avec plus ou moins de la réussite pour les uns et les autres dans la pratique.

Transfuge du RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, au pouvoir), le natif de Bamenda John Fru Ndi envisageait de passer la main à la tête de son parti avant la fin de cette année 2023. Opposant issu de la partie anglophone du Cameroun, John Fru Ndi a marqué à jamais le paysage politique de sa terre natale et en Afrique en participant à trois scrutins présidentiels: en 1992, 2004 et 2011. Des élections au terme desquelles il a officiellement été classé 2è, une place rejetée par le SDF. A trois reprises, le courageux opposant a officiellement été battu par Paul Biya (90 ans, au pouvoir depuis 1982).

Le déclic de la chute de l’aura politique de John Fru Ndi va débuter en 2018. Miné par des dissensions en interne et affaibli physiquement par un début de maladie, J. Fru Ndi, positionna le numéro 2 du parti, Joshua Osih (vice-président du SDF) comme candidat contre P. Biya (lors de la présidentielle de 2018). Les résultats issus de ce scrutin proclameront Maurice Kamto (chef de file du MRC -Mouvement pour la Renaissance du Cameroun-) en deuxième position, reléguant le SDF à une étonnante quatrième position ! Un revers pour Fru Ndi et une bonne partie de ses soutiens.

Surnommé «le Chairman» pour son approche de la politique au Cameroun, celui qui a été tour à tour marchand de fruits, de légumes puis libraire, a aussi payé un lourd tribut ces six dernières années (en termes de popularité) à la crise meurtrière entre pouvoir central et rebelles dans le nord-ouest et sud-ouest anglophones du Cameroun. Les rebelles séparatistes qui défendent la cause de l’Ambazonie ont reproché au leader du SDF sa position pacifique et fédéraliste dans la résolution de ce différend interne. Sa maison sera incendiée et il sera brièvement kidnappé en 2019 par un groupe armé qui avait affirmé «avoir voulu le convaincre de retirer les députés SDF de l’Assemblée nationale» via ce kidnapping.

John Fru Ndi a fait ses premières armes en politique dans les années 1980 au sein du RDPC (parti présidentiel) dont il deviendra un transfuge en 1990 à l’orée du multipartisme au Cameroun. Une posture dont il ne se départira plus jusqu’à sa mort biologique, en dépit des kyrielles d’accusations politiques qui l’ont présenté ces dernières années comme un opposant ayant mangé son chapeau contre de l’argent.

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