Propos haineux et racistes en Tunisie: Des départs de Sub-sahariens se poursuivent, des résidents légaux craignent pour leur vie

Afriquinfos Editeur
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Des migrants originaires d'Afrique subsaharienne campent devant le QG de l'Office international des migrations (OIM), à Tunis, le 2 mars 2023.

Près de 300 Maliens et Ivoiriens ont rejoint samedi 04 mars 2023 leurs pays après avoir été rapatriés en avion de Tunisie pour fuir des agressions et des manifestations d’hostilité après une violente charge du président Kais Saied contre les migrants en situation irrégulière.

 

Le 21 février, M. Saied a affirmé que la présence en Tunisie de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays. Samedi en fin de journée, 135 ressortissants maliens sont arrivés à Bamako, a constaté un journaliste de l’AFP. Ils ont été accueillis par le ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Sadio Camara, et le ministre des Maliens établis à l’étranger, Alhamdou Ag Ilyene, qui a expliqué que le gouvernement malien avait affrété cet avion.

Selon le ministre, 97 hommes, 25 femmes et 13 enfants étaient à bord de l’appareil. A Abidjan, un vol de 145 passagers a également atterri en fin de journée. Ils ont été accueillis par le Premier ministre Patrick Achi et plusieurs ministres, selon une journaliste de l’AFP. Ils ont été conduits dans un centre d’accueil où ils passeront trois jours pour une prise en charge médicale et psychologique, avant de retrouver leurs familles.

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Le discours du président tunisien, condamné par des ONG comme « raciste et haineux », a provoqué un tollé dans ce pays du Maghreb où les personnes d’Afrique subsaharienne font état depuis d’une recrudescence des agressions les visant et se sont précipitées par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriées. Devant l’ambassade du Mali, surchargés de valises et ballots, tous ont dit fuir un climat lourd de menaces. « Les Tunisiens ne nous aiment pas, donc on est obligé de partir mais les Tunisiens qui sont chez nous doivent partir aussi« , a dit à l’AFP Bagresou Sego, samedi, avant de grimper dans un bus affrété par l’ambassade pour l’aéroport. Arrivé il y a 4 ans, Abdrahmen Dombia a interrompu ses études de Master en pleine année universitaire: « La situation est critique ici, je rentre parce que je ne suis pas en sécurité« .

Baril, un « migrant légal », s’est dit inquiet pour ceux qui restent: « On demande au président Kais Saied avec beaucoup de respect de penser à nos frères et de bien les traiter« .

– « Actes racistes » –

Des migrants originaires d’Afrique subsaharienne campent devant le QG de l’Office international des migrations (OIM), à Tunis, le 2 mars 2023.

Selon le gouvernement ivoirien, 1.300 ressortissants ont été recensés en Tunisie pour un retour volontaire. Un chiffre significatif pour cette communauté qui, avec environ 7.000 personnes, est la plus importante d’Afrique subsaharienne en Tunisie, à la faveur d’une exemption de visa à l’arrivée. Issus souvent de familles aisées, des dizaines d’étudiants d’Afrique subsaharienne étaient inscrits dans des Universités ou Centres de formation en Tunisie.

Apeurés, beaucoup sont déjà repartis par leurs propres moyens, selon leurs représentants. L’Association des étudiants étrangers AESAT a documenté l’agression, le 26 février 2023, de « quatre étudiantes ivoiriennes à la sortie de leur foyer universitaire » et d' »une étudiante gabonaise devant son domicile ».

Dès le lendemain du discours de M. Saied, l’AESAT avait donné comme consigne aux étudiants subsahariens « de rester chez eux » et de ne plus « aller en cours ». Une directive prolongée au moins jusqu’au 6 mars.

– Pas de pénalités –

Des Guinéens rentrés par le tout premier vol de rapatriement mercredi dernier ont témoigné auprès de l’AFP d’un « déferlement de haine » après le discours de M. Saied. Bon nombre des 21.000 ressortissants d’Afrique subsaharienne recensés officiellement en Tunisie, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail et leur logement.

Des dizaines ont été arrêtés lors de contrôles policiers, certains sont encore en détention. D’autres ont témoigné auprès d’ONG de l’existence de « milices » qui les pourchassent et les détroussent. Cette situation a provoqué l’afflux de centaines de personnes à leurs ambassades pour être rapatriées.

D’autres, encore plus vulnérables car issues de pays sans ambassade à Tunis, ont rejoint un campement improvisé devant le siège de l’Office international des migrations (OIM), où elles dorment dans des conditions insalubres.

La Tunisie a décidé samedi 04 mars d’exonérer les ressortissants d’Afrique subsaharienne qui veulent retourner volontairement dans leur pays des pénalités imposées aux personnes en situation irrégulière (80 dinars, 25 euros par mois de séjour irrégulier) qui, pour certains, dépassaient les 1.000 euros.

Des migrants subsahariens se dirigent avec leurs affaires vers un bus qui les emmène à l’aéroport de Tunis pour être rapatriés dans leur pays d’origine, le 4 mars 2023.