Jacob Zuma, ex-prisonnier politique pendant l’apartheid, dirigeant africain au profil atypique

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L'ancien président sud-africain Jacob Zuma danse avant de s'adresser à ses partisans à la suite de l'ajournement de son procès pour corruption à Pietermaritzburg, en Afrique du Sud, le 26 mai 2021.

Il incarne à la fois le meilleur et le pire de l’Afrique du Sud: l’ex-président Jacob Zuma, prisonnier politique pendant la lutte contre l’apartheid aujourd’hui poursuivi pour corruption, a été condamné à la prison ferme.

Forcé à la démission en 2018 à l’issue d’une série de scandales, l’ancien « combattant de la liberté » de 79 ans, gardien de troupeau zoulou qui a gravi les échelons sans être allé à l’école, a toujours continué à bénéficier d’un fervent soutien populaire et conservé une influence au cœur de la machine politique de l’ANC (Congrès national africain, parti au pouvoir).

Au point d’empêcher son successeur Cyril Ramaphosa de s’imposer au sein du parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), en entretenant une guerre de factions fratricide.

Une sorte d’emprise euphorisante, qui a poussé l’ancien chef d’Etat à affirmer « ne pas craindre la justice ». Mardi, la Cour constitutionnelle l’a condamné à 15 mois d’emprisonnement, pour outrage à la justice, le faisant entrer dans le club peu reluisant des anciens chefs d’Etat condamnés à des peines de prison ferme.

Les tribunaux et une Commission anticorruption sont à ses trousses depuis des années, pour avoir pillé l’argent de l’Etat au cours de ses neuf ans au pouvoir (2009-2018). Mais c’est finalement pour avoir déclenché la colère des institutions et rit au nez des enquêteurs, par de multiples stratagèmes pour éviter de témoigner, qu’il a été condamné.

Sauf surprise de dernière minute, le politicien roublard et charismatique devrait effectivement être placé derrière les barreaux dans les jours à venir, après la décision de la Cour qui ne peut pas faire l’objet d’un appel.

– « Celui qui rit » –

Ces derniers mois, Jacob Zuma défiait les autorités depuis sa résidence de Nkandla dans la campagne zouloue, rénovée aux frais du contribuable pour 20 millions d’euros pendant sa présidence sous prétexte de travaux « de sécurité ».

Celui dont le deuxième prénom, Gedleyihlekisa, signifie en zoulou « celui qui rit en broyant ses ennemis », s’est affiché le mois dernier jovial, sur TikTok, dansant avec ses petites-filles. Au temps de l’ANC en exil sous l’apartheid, « JZ » a été le redouté chef des renseignements, sévissant contre les traîtres et les informateurs du régime. Il a aussi passé dix ans au pénitencier de Robben Island comme prisonnier politique.

En 2018, avant la fin de son deuxième mandat de président, il est emporté dans une spirale de scandales, double jeu et abus de pouvoir. Mais il conserve un solide réseau parmi les parlementaires et les responsables politiques. Certains reconnaissent toujours en lui un gardien des traditions, qui arbore de temps à temps la tenue des guerriers zoulous, en peau de léopard, et se lance dans des danses tribales. Jacob Zuma a quatre femmes et au moins 20 enfants.

Selon certains experts, après sa condamnation, sa garde rapprochée au sein de l’ANC préparera sans doute une riposte. L’ancien président est un familier des tribunaux. En 2006, il avait été acquitté du viol de la fille séropositive d’un de ses anciens compagnons de lutte. Il avait scandalisé le pays en affirmant avoir « pris une douche » après un rapport non protégé, pensant éviter ainsi toute contamination au VIH.

Jacob Zuma doit aussi être jugé dans une affaire de pots-de-vin de plus de 20 ans, dans laquelle il est accusé d’avoir empoché plus de quatre millions de rands (soit 235.000 euros au taux actuel) de Thalès, une des entreprises attributaires d’un juteux contrat d’armement d’une valeur globale de 2,8 milliards d’euros.

Mais là aussi, l’ex-président qui a annoncé plaider non coupable, a multiplié les recours et le procès a connu en mai un énième faux départ.