« A vos ordres mon capitaine! », répondent en chœur des agents des Eaux et forêts au garde-à-vous: dans la forêt classée de la Téné, dans le centre de la Côte d’Ivoire, la « guerre » pour la reforestation est déclarée.
La déforestation due à la culture du cacao, dont le pays est le premier producteur mondial de fèves, a réduit de seize millions d’hectares, en 1960, à deux millions d’hectares actuellement la superficie de la forêt ivoirienne, selon les experts de l’environnement.
Les 234 forêts classées de Côte d’Ivoire sont toutes détruites par endroits, en raison du réchauffement climatique, des catastrophes naturelles, de l’appauvrissement des sols et de la migration des populations.
Située dans la région d’Oumé, la forêt classée de la Téné, d’une superficie de 30.000 hectares, abrite le plus grand centre de bouturage de la Société de développement des plantations forestières (Sodefor), entreprise d’Etat spécialisée dans le reboisement.
Dans la luxuriante forêt d’arbres d’acajou et de teck, la journée de travail commence par le salut au drapeau, à l’issue duquel une feuille de route est transmise à des agents des Eaux et Forêts sanglés dans des treillis militaires vert-olive. Peu après, des dizaines d’ouvriers, sous leur supervision, se ruent sur le verger à graines pour récolter les éléments essentiels pour les croisements et la mise en bouture.
Téné se présente comme le plus important chantier de reboisement du pays, où sont conçus, à partir des graines récoltées, des pépinières de teck, gmelina, samba, sraké et franiré, des essences de bois destinées à être plantées sur des parcelles qui, vues du ciel, ressemblent à la peau d’un zèbre, signe d’une importante destruction.
« Le reboisement concerne toute l’étendue du territoire de Côte d’Ivoire. C’est à partir de ce centre de bouturage que nous élevons les plants pour le reboisement », explique le colonel des Eaux et Forêts Mathieu Ouléa.
– Les boutures pour sauver la forêt –
D’ici sont acheminées chaque année des millions de boutures vers des zones à reboiser, la seule alternative pour sauver « ce qu’il reste encore de la forêt ivoirienne », note ce spécialiste qui parle de « problématique nationale ». « D’ici 2030 à 2035, la Côte d’Ivoire n’aura plus de forêts si nous ne luttons pas contre l’exploitation abusive de nos forêts », a alerté auprès de l’AFP le ministre ivoirien des Eaux et forêts, Alain Richard Donwahi.
Pour y faire face, le pays s’est doté d’une nouvelle politique forestière qui fait une large place au secteur privé, nécessitant 616 milliards de FCFA (environ 940 millions d’euros) d’investissements sur dix ans dans un partenariat privé-public.
Pour atteindre cet objectif, les autorités ivoiriennes ont instauré depuis deux années « une journée de l’arbre », phase pratique de cette nouvelle politique forestière qui vise à recouvrer « six millions d’hectares en 2030, soit 20% du territoire national et un accroissement de 3 millions d’hectares de forêts ».
« Pour combler le déficit de trois millions d’hectares de forêts, ce sont environ trois milliards d’arbres à planter en 10 ans », selon M. Donwahi.
– « Un jour, 50 millions d’arbres » –
Pour 2021, le pays vient de lancer une ambitieuse opération de reboisement baptisée « Un jour, 50 millions d’arbres ». « Ce n’est pas une option, c’est une nécessité pour sauver la Côte d’Ivoire », a expliqué le ministre ivoirien. « Le gouvernement seul ne peut y arriver, il faut que chaque Ivoirien soit planteur d’arbres ou de forêts, il faudra que chacun participe à la reforestation en Côte d’Ivoire » car « nous avons détruit plus de 80% de notre couvert forestier », a-t-il rappelé.
En 1960, à l’indépendance de la Côte d’Ivoire, plus de 50% du territoire était couvert de forêts contre moins de 11%, actuellement. Or, le pays doit recouvrer un couvert forestier de 20% au moins pour être considéré comme pays forestier, selon les données officielles.
Le gouvernement a lancé en mai l’opération « Un jour, 50 millions d’arbres », invitant les Ivoiriens à participer à la reforestation en plantant. En 2020, il a adopté un système de surveillance satellitaire national de la déforestation et a créé une première « armée verte », une brigade de 650 soldats dédiés à la lutte contre la déforestation et la criminalité forestière.
La déforestation poussée en Côte d’Ivoire a également détruit l’habitat naturel d’une faune en voie d’extinction, notamment les éléphants, emblèmes du pays, qui ont vu leur nombre baisser de moitié en 30 ans: il en reste mois de 500 aujourd’hui.
Selon le ministre des Eaux et forêts, la nouvelle politique forestière a prévu « un couloir pour permettre aux éléphants de se déplacer d’un endroit à un autre et la création de sanctuaires pour que les pachydermes y vivent protégés ».