La Gambienne Fatou Bensouda au cœur d’une nouvelle passe d’armes entre Washington et la CPI

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Fatou Bensouda

Washington (© 2020 Afriquinfos)- La CPI (Cour pénale internationale) est vue comme «corrompue» par le Secrétaire d’État américain, Mike Pompeo qui dénonce en outre les enquêtes de l’institution visant des militaires américains déployés en Afghanistan. Pour Mike Pompeo, il était «nécessaire de passer de la parole à l’action contre la CPI». 

 «Aujourd’hui, nous passons au stade supérieur ! Les États-Unis n’ont jamais ratifié l’accord de Rome qui a créé la Cour, et nous ne tolérerons pas ses tentatives illégitimes pour soumettre les Américains à sa juridiction», dixit Mike Pompeo ce 02 septembre.Washington a pour ce faire décidé d’inscrire la procureure de la CPI, la Gambienne Fatou Bensouda, ainsi que l’un de ses collaborateurs, Phakiso Mochochoko (originaire du Lesotho), sur sa liste noire. Des sanctions économiques sont également mises en place. Des mesures qui pourraient également concerner toute personne qui collaborerait avec la procureure, a averti sur un ton comminatoire Mike Pompeo. 

Washington avait auparavant déjà interdit d’entrée aux Etats-Unis des responsables de la Cour et révoqué le visa américain de Fatou Bensouda. Son collaborateur incriminé et elle-même n’auront dorénavant plus accès au système bancaire américain, et les biens qu’elle pourrait avoir aux États-Unis seront donc gelés. Cette décision américaine de ce 2 septembre est la suite logique d’une offensive sans précédent engagée contre la CPI. Le président américain, Donald Trump, avait déjà autorisé en juin dernier des sanctions économiques contre les responsables de la Cour pour dissuader la juridiction de poursuivre des militaires américains pour leur implication dans le conflit en Afghanistan. La CPI avait déploré «une série d’attaques sans précédent» à son encontre, soulignant son indépendance. 

 La CPI  dénonce des «actes coercitifs» 

 Dans un communiqué publié mercredi soir, la CPI a condamné «ces actes coercitifs, dirigés contre une institution judiciaire internationale et ses fonctionnaires, des actes qui sont sans précédent et constituent de graves attaques contre la Cour, le système de justice pénale internationale du statut de Rome et l’Etat de droit en général».  

Les menaces du gouvernement américain à l’encontre de la CPI, proférées ouvertement depuis 2018, inquiètent très sérieusement les 123 États qui ont adhéré à cette juridiction internationale. De par leur adhésion, ces Etats membres ont l’obligation de coopérer avec cette Cour et la financent. Ils craignent donc de subir, eux aussi, les sanctions-représailles de Washington. Conformément à son mandat, la Cour ambitionne de continuer d’appuyer fermement son personnel et sa mission qui est de lutter contre l’impunité pour les crimes les plus graves au monde au regard du droit international, de manière indépendante et impartiale. Elle bénéficie dans ce sens du soutien et de l’engagement résolus des deux tiers des États du monde qui sont parties au Statut de Rome. 

 Les Nations Unies, Human Rights Watch et Amnesty protestent 

 Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a dit «prendre acte» des sanctions américaines, assurant «suivre de près les développements de ce dossier», selon son porte-parole.Ces mesures punitives «constituent une perversion ahurissante des sanctions américaines, censées pénaliser ceux qui violent les droits humains et les kleptocrates, sanctions utilisées ici pour persécuter ceux qui sont chargés de juger les crimes internationaux», a vivement réagi Richard Dicker, de l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch.Amnesty International a pour sa part condamné «une nouvelle attaque éhontée contre la justice internationale». «Les actes de la Maison Blanche risquent de dissuader les rescapés de violations des droits humains de réclamer justice, ce qui est ubuesque», a critiqué Daniel Balson, l’un des dirigeants de cette organisation. Il accuse ouvertement l’Administration Trump de pratiquer «le harcèlement et l’intimidation». 

 

V. A.