Tripoli (© 2024 Afriquinfos)- 20 octobre 2011- 20 octobre 2024: voici 13 ans jour pour jour que la Libye basculait dans l’incertitude. Le prospère pays d’Afrique du Nord a été étêté par la mort brutale de son «Guide» Mouammar Kadhafi. Une disparition qui a, depuis lors, plongé la Libye dans le chaos en matière de gouvernance. Et déteint sur la sécurité au Sahel.
Depuis 13 ans, les réelles circonstances de la mort de Mouammar Mohammed Abu Minyar Kadhafi n’ont jamais été élucidées. Le pouvoir de Moustafa Abdel Jalil (Président du CNT-Conseil National de Transition) qui lui a succédé n’a jamais fait de l’éclaircissement des circonstances de la mort du leader libyen une priorité. Tout comme les pouvoirs qui se sont succédés depuis aout 2012 dans ce pays du Maghreb. Au point où au fil des années, cette mort subite de Mouammar Kadhafi a été qualifiée «d’assassinat» par plusieurs hauts diplomates en Afrique et en Occident.
Au Sud du Sahara, 13 ans après ce changement brutal de pouvoir en Libye, la grande zone d’ombre et préoccupation demeurent le manque de «service après-vente», pour reprendre l’ex-Président nigérien Mahamadou Issoufou, après l’opération militaire de la coalition occidentale qui a abouti au renversement du pouvoir du Guide libyen. Une position défendue également à maintes reprises par Mossadeck Bally, entrepreneur malien, fondateur du groupe hôtelier «Azalaï».
Certes, à la fin de leurs mandats électifs, des dirigeants comme le Britannique David Cameron (Premier ministre de 2010 à 2016) et Barack Hussein Obama (2008 à 2012, puis de 2012 à 2016) des USA ont reconnu à demi-mot les erreurs commises dans l’intervention de la coalition occidentale qui a agi en Libye contre le pouvoir de Kadhafi.
En outrepassant notamment le mandat donné par l’ONU à l’opération de l’OTAN dans ce pays du Maghreb. Au point de faire pointer un doigt accusateur vers BHL (Bernard-Henri Lévy) et Nicolas Sarkozy comme architectes de cette «guerre» inutile qui est allée au-delà du mandat de «créer une zone d’exclusion aérienne» autour de Benghazi qui était menacée d’une intervention militaire imminente du régime de Kadhafi. Le Guide de la «Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste» avait promis un «torrent de sang» aux leaders de la rébellion libyenne qui deviendront les architectes du CNT sus-mentionné.
Porter durablement les germes du chaos
L’évolution du chaos politique né en Libye après octobre 2011 a révélé que les partisans et soutiens militaires de Moustafa Abdel Jalil étaient pour la plupart un fatras de sinistres djihadistes fabriqués et recyclés dans le monde arabe. Autant de rappels qui éclairent mieux la survivance des démarcations profondes entre l’Est et l’Ouest libyens, deux pouvoirs qui s’opposent sur tout.
Et qui sont maintenus dans cette posture par une myriade de soutiens diplomatiques et financiers occidentaux et au-delà, soutiens eux-mêmes antagonistes. C’est le cas du pouvoir militaire de Khalifa Haftar appuyé par la Russie et plusieurs puissances émergentes du monde arabe, alors que le régime du Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah (reconnu par la communauté internationale) n’a dû sa survie en 2019 qu’à la protection des drones de la Turquie !
Des antagonismes criards qui ne sauraient baliser la voie à une recherche sérieuse de la paix au Sahel dont la déstabilisation est intimement liée à la situation délétère installée en Libye par la démission collective de la communauté internationale en 2011.
Le Mali déjà confronté à des antagonismes régionaux internes a vu s’accélérer à partir de 2012 sur son sol les velléités sécessionnistes et autonomistes, tout comme le réveil du démon des coups d’Etat (sur son territoire). Le Niger et le Burkina Faso ont semblé être épargnés du mal de la contagion durant plusieurs années. Le second sera touché à partir de 2015 par le cycle d’attaques djihadistes meurtrières et qui y ont toujours la vie dure. Le premier surmonte difficilement des phases cycliques de poussée de fièvre terroriste sur son territoire (le plus vaste en Afrique occidentale).
Au-delà des actuels Etats de l’AES (Alliance des Etats du Sahel, née en septembre 2023), l’hydre de l’instabilité au Sahel induite par l’intervention de l’OTAN en Libye est aussi présente dans des pays comme le Tchad, les deux Soudan, la Centrafrique. La naissance subite d’islamistes dans le Cabo Delgado (dans le nord du Mozambique), le déplacement du radicalisme terroriste vers la région des Grands Lacs (en Afrique centrale et orientale) après la naissance du non-Etat en Libye à partir de 2011 ne sont pas non plus neutres. Tout comme la descente effective de terroristes hétéroclites du Sahel vers la côte ouest-africaine. Côte d’Ivoire, Togo, Bénin et Ghana ont déjà payé un lourd tribut à cette donne.
L’UA (Union Africaine) a compris à juste titre l’utilité de s’emparer durablement du dossier libyen pour une recherche de solution endogène qui ne fait pas mystère des implications étrangères permanentes. La mère des institutions panafricaines est l’une des dernières organisations internationales qui s’échine encore à accélérer la recherche d’un consensus inter-Libyens pour aboutir à des élections générales dans ce pays africain qui dispose des plus imposantes réserves d’or noir sur le continent, avec une faible population.
L’acuité du dossier libyen et ses liens intrinsèques avec la sécurité militaire au Sud du Sahara justifie par ailleurs qu’il soit l’un des rares sujets de consensus entre les Etats de la CEDEAO, de l’UEMOA, des pouvoirs de Transition en cours dans plusieurs pays d’Afrique, et aussi au sein des OSC africaines. Vivement un début de solution durable en Libye, d’autant plus que la grande puissance militaire du Maghreb (Algérie) n’assume pas encore valablement son statut, et que l’Egypte (qui dispose des moyens de sa politique militaire en Afrique) est plus tournée vers les Proche et Moyen-Orients.
Par GGKE