Un dirigeant à l’écoute de son peuple et un monarque défenseur du nationalisme de la terre qui l’a vu naître. Ce sont les deux messages majeurs que le jeune Mohammed VI a voulu faire passer ces dernières heures dans le dossier du pédophile Galvan.
Le Maroc est certes une monarchie constitutionnelle, mais ses gouvernants ont besoin de l’assentiment du peuple pour mieux faire passer leurs décisions. Illustration en a été donnée après le tollé suscité par la grâce accordée par le Roi Mohammed VI à Daniel Galvan. Même après la machine arrière faite par le roi autour de cette grâce qui a mis le feu aux poudres, des Marocains ont maintenu leurs manifestations, ces dernières heures, pour exprimer leur désapprobation à l’égard de la décision du "chef et guide religieux" qu’est leur souverain… Preuve que le gouvernant a nécessairement besoin du gouverné pour la cohésion, dans toute vie en société. Qu’on soit ou non dans une République.
Le choix du fils du regretté Hassan II de faire machine arrière sur une décision impopulaire est "atypique" aussi bien en Afrique blanche que noire; et même en dehors du continent noir. Même si la rue ne doit pas dicter sa loi aux gouvernants dans l’organisation de la vie en société. Les contestations répétitives au Maghreb depuis le début du printemps arabe en 2011 témoignent à suffisance de l’autisme qu’opposent généralement les pouvoirs centraux à leurs administrés, quand sonne l’heure d’opérer des réformes idoines ou d’abandonner des décisions impopulaires !
Car d’une manière générale, en matière de gestion des affaires publiques, la règle est que ceux qui ont le pouvoir ont tendance à en abuser. Mohamed Morsi n’aurait probablement pas été victime d’un coup de force s’il avait, à un moment donné, cédé aux incessantes revendications légitimes du peuple égyptien. Il y aurait moins de tensions politiques en ce moment au Burkina Faso si le CDP (au pouvoir) reconsidérait sa position sur le Sénat, et surtout modérait ses velléités de modification constitutionnelle visant à offrir un nouveau mandat à Blaise Compaore, dans un climat de contestation qui se généralise.
Autant d’exemples qui illustrent le poids de toute décision populaire/impopulaire dans la vie d’un Etat ou d’une monarchie. Même si la monarchie constitutionnelle marocaine n’a toujours pas réintégré le giron de l’Ua (Union africaine), ses faits et gestes retiennent souvent l’attention de plus d’un en Afrique sub-saharienne. Les démocraties paresseuses au Sud du Sahara gagneraient à imiter de temps en temps la position adoptée par Rabat dans « le dossier Galvan ».
Le Maroc est aussi fier et souverain
En Afrique sub-saharienne, le Maroc fait partie généralement des Etats maghrébins perçus comme étant trop proches de l’autre rive de la Méditerranée ; au détriment de l’Afrique noire. Vu comme tel, ce rapport entre Rabat et ses partenaires privilégiés d’Occident signifie que les deux parties peuvent facilement arrondir les angles des sujets qui fâchent. C’est le cas dans « l’affaire Galvan ». D’autant plus que les démêlés judiciaires de M. Galvan interviennent moins d’un mois après le séjour du Roi Juan Carlos sur le sol marocain.
En annulant la grâce accordée au sieur Galvan, en justifiant sa volte-face et en ouvrant même la porte à un nouveau transfert de ce pédophile vers le Maroc pour continuer à purger sa peine, Mohammed VI renvoie indirectement à la face du monde, le message selon lequel son pays est et demeurera souverain ! Sur un certain nombre de sujets de fierté qui chauffent à blanc le nationalisme. Ceci, quels que soient ses rapports privilégiés entretenus avec l’étranger.
L’héritier du trône d’Hassan II ne pouvait pas, dans le cas présent, afficher une autre posture que celle de retirer sa grâce ; dans la mesure où, d’un côté, planait déjà sur les rapports marocains-espagnols, l’ombre de l’affaire d’un vaste réseau de trafics de bébés, via les enclaves de l’Espagne aux portes du Royaume chérifien. De l’autre, le Maroc est essentiellement un pays musulman, contrairement à l’Espagne, bastion du catholicisme en Europe centrale. Il n’est certes pas question d’opposition religieuse dans ce débat passionné, mais la donne de la religion demeure un important élément d’ajustement dans les relations diplomatiques autour du pourtour méditerranéen.
Afriquinfos