Vers la vérité autour des massacres de Matabeleland au Zimbabwe?

Afriquinfos Editeur
5 Min de Lecture

Bulawayo (© 2024 Afriquinfos)-Un  « pèlerinage vers la guérison », la «volonté d’aplanir les divisions qui nous séparent depuis trop longtemps » : Ce sont les mots employés par le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa pour lancer ce 14 juillet 2024, le processus de réconciliation, suite aux massacres perpétrés dans la région du Matabeleland (sud-ouest), dans les années 1980.

« Aujourd’hui est un moment charnière dans notre histoire. Le jour où nous démontrons qu’en tant que pays, nous sommes capables de résoudre nos conflits en tant que Zimbabwéens », a déclaré le dirigeant en lançant cette initiative très attendue et qui intervient plus de 40 ans après les faits.

Le désir de guérison dont fait mention le président Zimbabwéen, renvoie à des faits ayant eu lieu entre 1983 et 1987. Ils se sont déroulés dans la région du Matabeleland, à l’ouest de Bulawayo, au cœur de la minorité ndébélé, connue à l’époque pour avoir été dissidente à l’homme fort du Zimbabwe d’alors, Robert Mugabe.

Les massacres ont eu lieu quelques années après l’indépendance du Zimbabwe à l’égard du Royaume-Uni, période où l’ancien président Robert Mugabe, décédé en 2019, affirmait son pouvoir. A partir de 1983, il a déployé une unité militaire d’élite formée par la Corée du Nord pour réprimer des opposants dans la région du Matabeleland, à l’ouest de Bulawayo, au cœur de la minorité ndébélé.

20 000 personnes tuées entre 1983 et 1987

Les soldats y ont tué environ 20 000 personnes entre 1983 et 1987, selon la Commission catholique du Zimbabwe pour la justice et la paix, un bilan corroboré par l’ONG Amnesty International. L’opération fut baptisée «Gukurahundi», terme de la langue majoritaire shona qui peut être traduit par «la première pluie qui lave l’ivraie».

L’opération visait les dissidents fidèles au rival de Robert Mugabe, son compagnon de lutte pour l’indépendance Joshua Nkomo, la plupart de la minorité ndébélé. M. Mugabe n’a jamais reconnu sa responsabilité, qualifiant les preuves apportées par Amnesty International de «tas de mensonges».

Jusqu’à ce jour, le gouvernement n’a d’ailleurs jamais reconnu sa responsabilité, ne s’est jamais excusé et il n’y a jamais eu d’enquête. Cela reste une plaie ouverte pour de nombreux Zimbabwéens.

D’autant plus qu’à l’époque, l’actuel président Emmerson Mnangagwa était ministre de la Sécurité nationale, un des architectes de la répression.

 « Sans excuse, cela démarre mal »

Mais les familles des victimes sont très critiques face à ce processus de réconciliation : elles réclament depuis longtemps une reconnaissance de la responsabilité de l’État, des compensations. « Pourquoi lancer ce processus, dit de réconciliation, seulement maintenant ? », disent-elles. « Sans excuse, cela démarre mal ».

« D’autant plus, ajoutent-elles, que ce processus est organisé par ceux-là même qui ont du sang sur les mains ».

«Le lancement était une excellente occasion de s’excuser, mais (Mnangagwa) ne l’a pas fait. Il aurait dû mettre à profit cette opportunité», estime Buster Magwizi, porte-parole des vétérans du ZPRA, un ancien groupe armé de libération fidèle à Joshua Nkomo.

Après avoir pris le pouvoir en 2017, M. Mnangagwa, 81 ans, a promis un processus de réconciliation et mis en place des groupes de chefs traditionnels locaux pour enquêter sur ces massacres. Les 72 chefs vont désormais présider les audiences des villages.

Mis en cause alors qu’il était à l’époque des faits ministre de la Sécurité du pays, M. Mnangagwa a lui aussi toujours nié toute responsabilité dans ce qu’il a ensuite qualifié de «mauvaise passe» dans l’histoire du Zimbabwe.

Ce processus de réconciliation a été lancé par le président depuis Bulawayo, au cœur du Matabeleland qui est également le fief de l’opposition.

V.A.