LOME (© 2025 Afriquinfos)- La première édition des BDD (BOAD Development Days 2025) s’est achevée ce 13 juin 2025 à Lomé (Togo) sur une note d’optimisme après 48H d’intenses échanges et activités autour de l’indispensable changement de paradigme dans le financement de la «sécurité alimentaire et énergétique» dans l’espace UEMOA.
Une disruption dans le financement des secteurs «agro-alimentaire et énergétique» est attendue dans l’espace UEMOA (regroupant 8 huit Etats ayant en commun l’usage du FCFA). C’est l’optimisme qui transparaît des travaux de l’édition 1 des BOAD Development Days ces 12 et 13 juin à Lomé.
A la clôture de ce Forum ayant réuni environ 200 participants provenant de 25 pays, 16 experts et 50 institutions internationales, Serge Ekue (Président de la BOAD, bras financier de l’UEMOA) a confié que «les participants se sont mutuellement enrichis. Conceptuellement, il y a eu une avancée, surtout sur la question du nucléaire. Nous devons réfléchir autrement. La BOAD demeure naturellement contracyclique, et sera disposée à courir des risques sur le terrain financier, car elle a vocation à échanger». Ces BDD «vont être approfondis à l’avenir parce que nous croyons beaucoup en l’expertise sous-régionale. L’avenir de notre sous-région continuera à nous importer», a encore assuré le PCA de cette Banque de développement.
Toussaint Badolo (Directeur de l’Agriculture et de l’Agro-industrie à la BOAD) a souligné singulièrement, au sujet du secteur agro-alimentaire, que les échanges de ce Forum 2025 ont convergé autour de la nécessité de «dérisquer le plus possible le financement du secteur de l’agriculture, et de mobiliser davantage les acteurs de la finance-climat qui s’intéressent à l’Afrique, d’ici 2030».
BDD 2025, deux keynotes instructifs appelés à faire date!
Deux keynotes servis par deux ex-Premiers ministres africains ont marqué cette première édition des BOAD Development Days. Ils ont abordé avec originalité la question d’une nécessaire nouvelle approche dans le financement des secteurs de la «sécurité alimentaire et énergétique» dans l’UEMOA.
«Le nucléaire doit être le complémentaire du solaire et de l’éolien. L’Afrique doit choisir le nucléaire et l’agriculture, choisir le nucléaire modulaire hic et nunc. Il faut agir, car c’est le moment de l’Afrique. L’avenir de l’Afrique est vert et numérique, les Africains doivent maintenant le choisir», a clairement exhorté Pr Lassina Zerbo, dernier Premier ministre sous la gouvernance de Roch Kaboré, au Burkina Faso. Ce scientifique ouest-africain a motivé l’urgence de son exhortation par des statistiques mondiales autour de la finance-climat largement en défaveur du continent africain.
«A l’heure actuelle, l’Afrique ne représente que 2% dans la captation des investissements mondiaux dans le financement international lié à la transition énergétique. 200 milliards de dollars/an sont nécessaires à mobiliser pour supporter les besoins en énergie en Afrique (…)», a partagé dans ce sens ce diplomate-scientifique.
«Il faut des institutions financières africaines à même de financer le nucléaire bas carbone sur le continent, dans le prolongement de la COP 28 tenu à Dubaï (aux Emirats arabes unis)», a détaillé celui qui est aussi l’actuel responsable du ‘Rwanda Nuclear Board’.
Dans la pratique et au quotidien, a détaillé Pr Lassina Zerbo, «les MSR (réacteurs modulaires nucléaires) sont à même d’aider les Etats africains à s’industrialiser; elles sont à faible émission de carbone et fournissent de l’énergie 24H/24. Ils sont transportables, et faciles à installation rapide».
Namibie, Afrique du Sud et Niger comptent parmi les meilleurs producteurs africains d’uranium à l’échelle mondiale. «Il faut financer autrement en s’inspirant des modèles éprouvés, en utilisant différents véhicules comme le Regulate Access Grade, la tokenisation (blockchain) des ressources naturelles pour lever des fonds et financer l’installation d’infrastructures nucléaires», a rajouté l’ex-patron de la Primature au Faso.
«La formation est clé pour garantir un cadre nucléaire civil dans les Etats africains. Il est possible de lancer un Fonds nucléaire bas carbone en Afrique occidentale. Il faut concilier nucléaire et agriculture en milieu rural, former une nouvelle génération d’Africains pour réguler le domaine nucléaire (Sciences et technologies nucléaires), car l’avenir de l’Afrique en dépend», a encore insisté et conclu Pr Lassina Zerbo.

Pour sa part, et dans le même élan disruptif, Lionel Zinsou (ex Premier ministre béninois) a suggéré lors de ces BDD 2025 diverses pistes d’actions pratiques en cohérence avec les réalités quotidiennes de l’écosystème de la finance dans la zone UEMOA. «A l’image de l’Asie, il faut guérir les pathologies du système financier en finançant autrement, en appuyant la démarche disruptive de la BOAD».
«(…) L’Afrique reçoit moins de 2% de produits de la finance climat à l’heure actuelle (…) C’est une anomalie de sous-financer les secteurs de l’agriculture et de l’énergie dans l’UEMOA, et de ne pas presque financer le secteur du logement, contrairement à ce qui se fait au Maroc et en Afrique du Sud», a critiqué cet économiste du Bénin.
«Il faut que les Banques Centrales et les ministères des Finances soient embarqués dans cette dynamique disruptive. Nous pouvons aussi recourir au leasing dans nos Etats face à la rareté du capital. Les banquiers multilatéraux d’Afrique doivent créer entre eux une nouvelle dynamique», a encouragé cet ancien Premier ministre sous Thomas Yayi Boni.
«Nos actifs, ceux de nos économies valent de plus en plus chers, alors que ce n’était pas le cas quelques décennies plus tôt. Via le crédit carbone, les mangroves, les savanes représentent aujourd’hui dans nos Etats des gains patrimoniaux. Ces actifs portent en eux des gains de révolution en matière de productivité. A condition que le financement existe. A titre d’exemple, nous pouvons passer à l’assurance-récolte et les agritechs pour doper la productivité dans le secteur agricole», a proposé Lionel Zinsou.
«L’autre révolution en Afrique occidentale sera celle des ressources humaines (…) Le secteur informel assure 50% de la production du PIB dans les pays de l’UEMOA malgré le fait que le consentement à l’impôt soit encore faible dans ces Etats; cette donne peut être inversée avec le numérique», a encore précisé le politique et universitaire L. Zinsou.

«Le financement de la transition énergétique et de l’agriculture durable: défis, opportunités et solutions» dans la zone UEMOA a été le thème central de ces «BOAD Development Days 2025». La direction de cette Banque de développement promet une organisation annuelle de ce type de Forum.
Edem G.