Ce mardi, Amnesty International a rendu un nouveau rapport alarmant sur l’usage de la torture à travers le monde. L’organisation a constaté que 144 pays font encore usage de la torture aujourd’hui même si 77 d’entre eux ont ratifié la Convention des Nations unies contre la torture.
Un constat alarmant, d’autant plus que l’ONG affirme que l’usage de la torture se normalise. Ceci serait dû à la lutte anti-terrorisme de ces dernières années mais aussi, et surtout, aux séries télévisées comme 24Heures et Homeland. Une enquête qu’elle a menée dans 21 pays montre que 44% des personnes interrogées pensent pouvoir être soumis à la torture si elles sont placées en garde à vue dans leur pays. En outre, 36% pensent que le recours à la torture peut être nécessaire et justifié dans certaines circonstances.
Ce rapport inaugure la nouvelle campagne d’Amnesty International contre cette pratique : Stop Torture. Celle-ci va principalement cibler cinq pays, où la torture est répandue et les campagnes peuvent avoir de l’impact : le Mexique, les Philippines, le Maroc et le Sahara occidental, le Nigeria et l'Ouzbékistan.
– Le Maroc –
Au Maroc, la torture existe encore, et elle est particulièrement répandue dans la région du Sahara occidental malgré une législation qui l’interdit, notamment par l’article 22 de la Constitution. Amnesty International a recensé de nombreux cas de tortures, et l’utilisation de plusieurs méthodes, allant du passage à tabac au viol en passant par l’isolement et la suspension.
L’organisation dénonce un système judiciaire défaillant, qui ne prend aucune mesure face aux actes de tortures dénoncés et qui n’hésite pas à recourir aux aveux forcés pour rendre un jugement.
L’ONG recommande donc au Maroc d’offrir des garanties de détention, de mettre fin à la détention secrète, de diligenter des enquêtes, de ne pas utiliser les aveux obtenus sous la torture, d’engager des poursuites judiciaires et d’accorder des réparations.
– Le Nigéria –
Au Nigéria, l’usage de la torture est monnaie courante, et il augmente avec les conflits avec Boko Haram. Une possible appartenance à ce groupe ou un lien avec conduisent presque systématiquement à la torture.
Amnesty International déplore que deux ans après sa présentation à l’Assemblée Nationale, le projet de loi contre la torture n’ai toujours pas été débattu. Pourtant, le Nigéria est partie à plusieurs traités internationaux qui interdissent l’usage de la torture.
Un responsable de l’armée nigérienne a indiqué à Amnesty International que : « Les militaires pratiquent toutes sortes de tortures, utilisant tous les moyens qu'ils ont à leur disposition. Ils pendent les gens, parfois jusqu'à ce que mort s'ensuive. Ils les tapent à coups de crosse de fusil et de bâton. Ils leur tirent aussi des balles dans les jambes et les laissent saigner. Ils leur attachent les mains dans le dos avec des cordes, au point que beaucoup perdent l'usage de leurs mains une fois libérés. Certains meurent même après avoir été libérés. »
Au Nigéria, l’ONG constate en effet de nombreuses formes de torture : passage à tabac, viols et violences sexuelles, blessure par balle, suspension par les pieds, torture à l’eau, etc.
Une situation qu’Amnesty International essaie de combattre par sa campagne Stop Torture. Face à une justice inactive sur le sujet, l’organisation recommande au Nigéria d’adopter le projet de loi qui érigerait la torture comme infraction, d’ « autoriser les observateurs de la Commission nationale des droits humains et les défenseurs des droits humains à accéder sans restriction à tous les lieux de détention du Nigeria », de mener des enquêtes indépendantes, d’offrir des réparations aux victimes de torture et d’assurer un certain nombre de garanties minimales aux détenues, comme le droit à un avocat ou aux soins médicaux.