Lomé (© 2024 Afriquinfos)- La déclaration de politique générale du Premier ministre Victoire Dogbé reconduite le 1er aout 2024 par Faure E. Gnassingbé a été expédiée comme une lettre à la poste ce 23 aout 2024 devant un Parlement largement acquis au parti présidentiel (UNIR, disposant de 108 députés sur les 113 sièges). Une formalité qui n’oblitère pas les énormes attentes de la majorité des plus de 8 millions du peuple togolais.
Le 19 aout 2024, la classe politique togolaise a commémoré les 7 ans d’une profonde crise interne qui avait débouché sur de géantes contestations populaires dans plusieurs villes du pays, et parfois synchronisées avec la diaspora. Ces manifestations ont duré d’aout 2017 jusqu’à la mi-février 2018 et ont abouti à la tenue d’un énième «dialogue national» qui n’aura jamais permis de tenir des élections consensuelles et très peu contestables en République togolaise. Les législatives du 20 décembre 2018 qui ont suivi ce dialogue de février 2018 ont eu pour résultante des législatives boycottées par l’Opposition. Et le Parlement issu de ces législatives, dominé largement par UNIR, va procéder à une modification profonde et vivement contestée de la Constitution de 1992. Un acte qui a fait changer de régime politique au Togo. En passant d’un régime semi-parlementaire à un régime parlementaire.
Signe de la permanence des tensions politiques dans ce pays ouest-africain, les populations togolaises ont été très peu présentes dans les BV (Bureaux de vote) lors des premières élections couplées (régionales et législatives du 29 avril 2024) de l’ère démocratique au Togo. Avec pour principale explication une «profonde désaffection à l’égard de la chose politique» locale.
Répondre hic et nunc à des aspirations légitimes et républicaines
«La sécurité, la stabilité et la paix pour permettre à tout citoyen où qu’il soit sur le territoire national de vaquer dans la quiétude à ses occupations quotidiennes; la satisfaction des besoins sociaux de base tels que les soins de santé de qualité accessibles à tous, l’éducation pour tous et de qualité, l’eau potable et l’électricité accessibles à tous; l’emploi pour les jeunes; l’accessibilité aux intrants, aux crédits et aux marchés pour nos agriculteurs, tout en poursuivant la réforme foncière et une meilleure réglementation de la transhumance, la modernisation de la vie publique avec une plus grande redevabilité serviront de lignes conductrices» au nouveau Gouvernement formé le 20 aout aout 2024, a indiqué la PM Victoire Dogbé devant les parlementaires ce 23 aout.
Une manière subliminale pour la Cheffe de Gouvernement (au cœur de l’appareil gouvernemental depuis 2008 sans discontinuité) de reconnaître l’immensité de la tâche multisectorielle qui attend la quarantaine de membres de sa nouvelle équipe gouvernementale.
Si sur le plan politique, un nouveau cadre, creuset politique existe depuis 2020 (Cadre de concertation élargi à l’Opposition extra-parlementaire, et boycottée par certains opposants) sous la coupole du ministère de l’Administration territoriale pour espérer de nouveaux marchandages politiques, la manière concrète et rapide de répondre à l’attente des Togolais serait de commencer à ouvrir de manière visible une lutte objective contre les détournements publics.
Des dossiers existent à profusion, de cas connus et célèbres comme des dossiers méconnus depuis l’arrivée de Faure E. Gnassingbé au pouvoir le 03 mai 2005. Des affaires comme le «pétrole gate», la gestion des dépenses liées à la Covid-19 sont considérées, à titre d’exemple, comme des feux mal éteints que la Justice et le Parlement n’ont pas pu éclairer. Idem pour la survivance de la redevabilité de comptes autour des fonds affectés par le contribuable pour la participation des Eperviers du Togo à plusieurs phases finales de CAN, de 1998 à 2017, etc.
Autre chantier à ouvrir ou à parachever à même d’être connecté au quotidien des habitants de ce pays ouest-africain, c’est le dossier des infrastructures. Elles sont obsolètes à l’échelle nationale ou ont besoin d’un coup de rajeunissement.
Ou encore ont été soumises à des malfaçons qui n’ont jamais été sanctionnées. Le FER (Fonds d’entretien routier) dissout et restructuré sans audit depuis près de 20 ans, la route Lomé-Kpalimé dont le chantier ne progresse pas convenablement depuis près de 4 ans, le non-assainissement de la lagune de Lomé, la mauvaise valorisation de la cote togolaise, l’absence d’échangeurs à l’échelle nationale, le non-dédoublement des voies d’accès à l’intérieur du pays (en quittant Lomé) sont des sujets qui font dorénavant honte aux Togolais.
Tout autant comme le rachat à tour de bras de possessions immobilières immenses par des étrangers au détriment des autochtones (en violation des textes légaux nationaux) et même dans plusieurs quartiers phares du vieux Lomé, le manque d’espaces modernes de loisirs suffisants dans les principales communes du pays.
Ou encore le défaut du lancement de travaux à haute intensité de main d’œuvre dans toutes les cinq Régions économiques du pays au même moment pour réduire le chômage juvénile, l’inexistence de villes modernes à même de concurrencer Lomé dont les capacités d’accueil attendent toujours une cure de rajeunissement, le manque d’adressage et de bitume sur les voies secondaires dans les villes et communes phares du pays sont d’autres urgences autour desquelles les Togolais ne transigent plus. Quelle que soit la couleur politique du gouvernant en place.
Dans le même lot, il faut classer l’urgence de remettre sur pied les chemins de fer à l’échelle nationale pour vertébrer dans le concret le Togo et ses 56 mille km², du nord au sud, de l’est à l’ouest. Et la prise en charge idoine des accidentés dans les hôpitaux togolais, quel que soit leur statut social, pour éviter des pertes répétitives en vies humaines.
La vraie effectivité de l’opérationnalisation de l’AMU (Assurance maladie-universelle) sur toute l’étendue du territoire national pour être en phase avec les promesses étatiques datant de janvier 2024 sur ce dossier n’est plus à rappeler, tant elle suscite la colère de beaucoup de Togolais. Au point d’exaspérer un grand nombre de retraités qui n’arrivent plus à se prendre en charge pour leurs soins, contrairement à la palette d’offres que mettait à leur disposition l’INAM (Institut national d’assurance-maladie).
Kodzo-S. T. Adedze (actuel Président du Parlement togolais), au regard de la survivance de tous ces défis multisectoriels, a cru bon et utile de faire cet important rappel à la PM Dogbé: «Je voudrais vous assurer que la Représentation nationale, tout en restant dans une posture lui permettant de jouer, sans complaisance, son rôle régalien de contrôle de l’action du Gouvernement, vous accompagnera dans la mise en œuvre de votre politique générale du Gouvernement, dans un esprit patriotique.
Cependant, ne vous méprenez pas, conformément à leur mission, les élus du peuple seront bien regardants sur toutes les actions et tous les projets de votre Gouvernement dont dépendent le bien-être individuel et collectif de nos concitoyens, la stabilité politique et le développement économique et social de notre pays».
Qualifié de Gouvernement transitoire destiné à mettre en place progressivement les institutions de la Vè République togolaise, l’équipe de Mme Dogbé aura très peu de répit, après avoir mis en œuvre la «Feuille de route gouvernementale 2020-2025 adossé au PND (Plan national de développement 2018-2022, bâti sur des ambitions chiffrées à un peu plus de 7 milliards d’euros).
La paix politique et sociale durables au Togo sera au prix de la satisfaction de ces urgences qui n’ont aucun lien avec la typologie de régime politique appliquée dans ce pays.
Par GGKE