Comme les premières comparutions des 20 et 21 juillet derniers, l’ancien homme fort du Tchad a fait feu de tout bois allant jusqu’à lancer des slogans «à bas le colonialisme», «à bas le néocolonialisme». Il a fallu l’intervention musclée des forces de l’ordre pour le maintenir sur son siège. Cette fois encore, il n’a pas dérogé à ses diatribes contre la justice qui à ses yeux est à la solde de l’impérialisme. «Vous êtes hors la loi», a-t-il fulminé à l’endroit des juges.
L’audience a duré deux heures au cours desquelles les forces de l’ordre se sont employées à maintenir par force Hissène Habré sur la chaise. Ce dernier a tempêté sur son siège à l’issue de la lecture des charges retenues contre lui. Crimes, tortures, exécutions constituent entre autres l’essentiel de l’ordonnance qui a été lue. L’ancien homme fort du Tchad peut toutefois compter sur ses maigres soutiens qui ont assisté au procès.
Pour les victimes, l’audience qui s’ouvre est un soulagement. Car, elle permettra de faire la lumière sur les exactions commises par Hissène Habré. «Hissène Habré était le souverain absolu au Tchad, jetant les gens en prison, les torturant à sa guise, et maintenant, il agit comme un enfant capricieux qui refuse de prendre son médicament. Il a seulement peur de nous et peur de la vérité», a déclaré une victime.
A en croire Jacqueline Moudéina, présidente du Collectif des avocats des victimes des tortures d’Hissène Habré, l’ouverture du procès est une victoire sur les pages sombres du Tchad. «Ce qui s’est passé aujourd’hui à Dakar est d’une importance considérable. La lecture de l’acte d’accusation d’Hissène Habré pour crimes de guerre, crimes de torture et crimes contre l’humanité a été lue», a-t-elle déclaré. Et d’ajouter: «Pour les victimes présentes aujourd’hui dans la salle d’audience, pour les milliers de victimes qui ne sont pas ici aujourd’hui, mais attendaient ce moment depuis des années, pour toutes celles, hélas, qui n’ont pas survécu jusqu’à ce jour, cette heure est solennelle. La lecture de l’ordonnance de mise en accusation, l’acte d’accusation, c’est le cœur du procès. C’est ici et maintenant que tout commence. Le procès d’Hissène Habré a commencé. Plus rien ne peut arrêter la marche de la justice». Ce qui se résume à cet adage: «On est toujours rattrapé par son passé».
Anani GALLEY
