Sénégal : Pas d’état de grâce pour Macky Sall, nouveau président

Afriquinfos Editeur
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C'est d'abord dans le camp même du nouveau leader que l'on admet que la tâche est immense et appelle de se mettre très vite au travail. "Parce que la fin a été laborieuse, beaucoup de choses sont à remmetre à l'endroit. Macky Sall a un immense chantier avec énormément de problèmes urgents", a relevé à Xinhua Cheih Tidiane Gadio, candidat malheureux du premier tour allié de Sall au second tour.

Au rang des urgences, l'ex-ministre des Affaires étrangères ayant rejoint la coalition du Rassemblement des forces du changement composée de l'ensemble des douze autres adversaires du président sortant Abdoulaye Wade le 26 février, "la Casamance ne peut pas attendre, il faut rapidement ramaner la paix. La cherté de la vie, on ne peut pas attendre".

"La crise à l'université, qui est en grève depuis des mois, il faut sauver l'année. Les travailleurs sont mécontents. Il y a des problèmes partout", enchaîne-t-il, appelant les Sénégalais à "donner quand même à Macky Sall 48 heures pour qu'il aille dormir et qu'il reprenne ses esprits, et qu'il vienne pour qu'on attaque maintenant les chantiers".

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M. Gadio, qui est apparu avec les autres leaders d'opposition aux côtés du nouveau président élu lors de sa première déclaration publique à la presse peu après minuit dans la nuit de dimanche à lundi, insiste que celui-ci "n'aura pas d'état de grâce malheureusement". Aussi appelle-t-il à l'indulgence du peuple pour lui donner "la chance au moins de s'asseoir sur le fauteuil avant de commencer à traiter les dossiers".

Ancien Premier ministre (de 2004 à 2007) avant de devenir par la suite président de l'Assemblée nationale pendant un an, Macky Sall, bientôt 51 ans, contre près de 86 ans pour le chef de l'Etat sortant et ex-mentor, se montre conscient de l'ampleur de la tâche à accomplir pour redonner confiance à un peuple ayant perdu foi en ses dirigeants et institutions.

"L'ampleur de cette victoire aux allures de plébiscite exprime l'immensité des attentes des populations. J'en prends toute la mesure. Ce soir, une ère nouvelle commence pour le Sénégal", a-t-il déclaré, se déclarant le président de tous les Sénégalais, y compris du camp des perdants.

Et d'indiquer : "Ensemble, nous allons rapidement nous atteler au travail de redressement attendu par chacun et attendu de chacun".

Pour le juriste Ababacar Guèye, enseignant de droit public à l'Université d'Etat Cheikh Anta Diop de Dakar, le premier défi de Macky Sall est de prouver aux Sénégalais qu'il est à la hauteur des espoirs de changement exprimés. Certes, il a été élu par un score sans appel, mais aux yeux de nombre d'observateurs, en tant que rival du président sortant il a surtout bénéficié du rejet du régimme Wade qui exaspérait la population.

"Il y a une confiance limitée des Sénégalais en Macky Sall, parce que les gens ne croient pas qu'il soit capable de tenir le pays, qu'il ait suffisamment de poigne, de charisme et de rigueur pour pouvoir le Sénégal", analyse Guèye. Ce n'est pas peu de dire que cette appréciation place l'ex-Premier ministre dans une posture encore plus délicate vis-à-vis de son peuple dont le soutien est, à lobservation, loin d'être synonyme de blanc-seing.

"Dire que Macky Sall symbolise le changement, moi je pense qu'il relativiser cette affirmation. Parce que de par son passé, Macky Sall c'est un produit du régime libéral. Abdoulaye Wade a l'habitude de dire que c'est moi qui ai fait Macky Sall. Il a eu à occuper les plus hautes fonctions au niveau de l'Etat sauf la fonction de président de la République. ça ne m'étonnerait pas qu'il s'appuie sur ce système pour gouverner", rappelle Guèye.

Le juriste estime également que "Macky Sall n'a pas le même charisme qu'Abdoulaye Wade quand il est arrivé au pouvoir. Ce qui fait qu'il n'aura pas les coudées aussi franches qu'Abdoulaye Wade quand il est arrivé au pouvoir. Ensuite, il y a la coalition de Benno Bokk Yaakaar qui soutient Macky Sall. Cette coalition est composée de personnalités qui, sur le plan politique, ont eu quand même un vécu.

Et c'est des personnes qui, je pense, sont en mesure de pouvoir rappeler Macky Sall à l'ordre en cas de dérive".

L'élection de Macky Sall a tout même l'avantage que, pour sa relativse jeunesse du nouveau leader, elle symbolise un renouvellement des idées et le fait qu'il a accepté de puiser des idées au niveau de tous ses soutiens va nous permettre aussi de renouveler un peu le personnel politique sénégalais réputé vieillisant, reconnaît cependant l'universtaire.

Au plan pratique à présent, "même s'il ne va pas dans le sens de réduire le caractère hypertrophié du pouvoir de la République, il a un discours allant au moins dans le sens d'un début de réduction, même s'il réduit pas totalement. Par exemple, il a accepté de faire passer le mandat à cinq ans. Il va essayer d'initier des réformes institutionnelles dont on a besoin, mais à mon avis ce sont des réformes qui doivent être approfondies".

Concernant la question sensible de la vie chère due à la flamblée des prix des produits de première nécessité, plus grand cauchemar des Sénégalais et véritable cancer social de la plupart des pays d'Afrique subsaharienne à l'heure actuelle, Macky Sall a promis dès le lendemain du premier tour une série de mesures visant à contenir ces prix au profit de la population sénégalaise.

"Dans ses discours, il promet surtout de réduire le train de vie de l'Etat. Aujourd'hui, l'Etat du Sénégal absorbe énormément de ressources publiques et en réduisant ce train de vie de l'Etat, il pourrait subventionner, dans une certaine mesure, les prix des produits de certaines denrées. Donc, ce qu'il va réussir à économiser en réduisant le train de vie de l'Etat, il pourra le réinjecter dans la subvention des prix des produits", entrevoit Ababacar Guèye.

Ce serait un réel soulagement pour ces millions de Sénégalais pour qui, au-delà des analyses d'observateurs, Macky Sall passe pour le libérateur venu bouter dehors le régime d'Abdoulaye Wade qui, acueilli avec la même euphorie en 2000, est aujourd'hui assimilé à un échec pour la transformation du pays en termes d'amélioration des conditions des populations.