“Quand mes filles étaient petites, j’essayais de leur lire des passages de la Bible. Mais ça les ennuyait, notamment parce qu’il y a des redondances, des incohérences”, explique Philippe Lechermeier, un Alsacien de 46 ans, qui a intitulé son ouvrage: “Une bible”, sans majuscule, pour bien signifier qu’il s’agissait d’une adaptation et non d’une nouvelle traduction.
L’idée étant de rendre le Livre saint “plus accessible”, à travers une réécriture synthétique, au style soigné, et qui mélange les genres littéraires. L’ouvrage, déjà traduit en espagnol, italien, allemand et néerlandais, a été tiré à 60.000 exemplaires au total et distribué dans le monde entier dont 2000 en Afrique.
Une histoire recréée
Souvent poétique, parfois surprenante, la narration crée l’impasse sur les nombreux épisodes guerriers et les prophéties apocalyptiques, mais s’attache à souligner la profondeur des personnages, en décrivant leurs émotions ou sensations, par exemple celles de Jésus lorsqu’il marche sur l’eau.
La vie de Moïse y est racontée par un moucheron, Goliath est dessiné sous les traits d’un catcheur, l’ange Gabriel devient un “homme-oiseau”: L’ouvrage est “sans message de foi, mais lisible par tous, athées ou religieux”, revendique l’éditeur, Gautier-Languereau. Car “la Bible n’appartient pas qu’à la religion”, précise de son coté l’auteur.
“Ces textes sont le fondement de notre culture et de notre civilisation, que l’on soit croyant ou pas. On y trouve l’essentiel des passions humaines”, explique l’écrivain qui assure avoir pris garde à ne pas tomber dans une “caricature” ou une “parodie de Bible sans Dieu”: “C’est un livre qui parle de Dieu, mais qui s’adresse aux hommes”,a-t-il tenu à préciser.
Série de commentaires
Pour des responsables religieux et spécialistes de la Bible contactés par l’AFP, cet ouvrage na rien d’illégitime.
“Créer, à partir de la Bible, une œuvre personnelle, réaménagée, réinventée, ça a toujours existé, ça ne me dérange pas”, commente Michel Wackenheim, l’archiprêtre de la cathédrale de Strasbourg. “C’est un exercice littéraire intéressant”,felicite t il. “Peut-être que Dieu, à travers ce texte, va parler d’une autre manière à des personnes éloignées de la religion”, espère le prélat.
“Tout ce qui peut intéresser les gens à la Bible est une bonne chose”, se félicite de son côté le bibliste et professeur de théologie protestante Michael Langlois. “Très agréable à lire”, l’ouvrage “peut amener le lecteur à se poser des questions sur Dieu ou sur la foi”, estime-t-il. Pour autant, “il serait dommage que les gens s’arrêtent là, qu’ils croient avoir lu un reflet fidèle de la Bible”, ajoute l’universitaire. Selon lui, “supprimer les incohérences entre les récits bibliques conduit forcément à un appauvrissement”.
Pour Jérôme Benarroch, docteur en philosophie et enseignant du judaïsme, le livre de Philippe Lechermeier relève d’une “démarche légitime et intéressante” qui s’apparente à un “commentaire” ou à une “traduction interprétante, ce qui est courant dans l’univers de la tradition juive”. Il regrette toutefois que le livre s’adresse surtout à l'”imaginaire” du lecteur, au risque de devenir un “divertissement sympathique et léger” qui fasse obstacle à une “transmission de pensée, de sens et d’intelligible”.
“L’original a précisément cette qualité d’être ambigu et obscur, plein d’anomalies linguistiques et signifiantes”, qu’on ne retrouve pas dans cette adaptation, déplore le professeur juif.
L’auteur, de son côté, assume ses choix: “Je n’ai pas fait œuvre de théologien ou d’exégète, je suis un raconteur d’histoires”.
L’ouvrage est désormais disponible au prix de 45 euros.
Ambrosine LAMY