Sahara Occidental : Le Maroc a menti

Afriquinfos Editeur
4 Min de Lecture

Aba Ali Said Daf avait 13 ans quand il a entendu des soldats marocains exécuter son père et son frère aîné. Aujourd’hui, 37 ans après, il n’a rien oublié. Le père et le fils viennent tout juste d’être retrouvés avec six autres cadavres dans une fosse commune découverte par l’équipe espagnole d’investigation menée par Francisco Etxeberria.

« Vers les 8 heures du soir, un militaire marocain est arrivé en jeep » raconte Aba Ali Said Daf. « Il a appelé Mohamed Mouloud en premier. Il lui a demandé : « Où se cache le Polisario ? » Mohamed Mouloud a dit qu’il ne savait rien du Polisario. Alors le soldat, sans rien ajouter, lui a tiré une balle en plein cœur. Puis il a appelé Abdelahe Ramdane, il lui a posé la même question, et il l’a exécuté pareil. Celui qui les a exécutés avait un pistolet, mais il utilisait un fusil pour les tuer ».

Le fusil en question a été retrouvé dans la fosse, de même que des papiers d’identité espagnols appartenant aux victimes au nombre de huit, dont deux avaient moins de 18 ans. Victimes qui, selon l’Etat marocain, sont décédées après avoir été emmenées en prison.

- Advertisement -

Les mensonges de la couronne

Durant des décennies, le Maroc avait ignoré les familles des Sahraouis disparus. Et puis, en 2004, l’actuel roi du Maroc Mohammed VI a créé l’Instance Equité et Réconciliation, pour indemniser les familles et faire amende honorable des crimes commis sous le règne de son père, Hassan II.

En 2006, un rapport de cette même Instance présente une liste des victimes, sur laquelle ne figurent que quatre des huit victimes retrouvées dans cette fosse. De plus, le rapport affirme que ces quatre personnes en question avaient été amenées en prison, où elles y avaient trouvé la mort.

Que justice soit faite

L’enquête d’investigation, répondant à une pétition de l’Association des familles des prisonniers et disparus Sahraouis, est venue chercher la vérité, et l’a trouvée en juin dernier : le Maroc a menti. Cette semaine, Francisco Etxeberria et son équipe se sont rendus au Conseil des Droits de l’Homme à Genève pour présenter à l’ONU les preuves accablantes contre le Royaume.

« Ce mensonge sur ces quatre victimes remet en question la crédibilité du document officiel publié par le Maroc dans son ensemble » souligne Francisco Etxeberria. « C’est pourquoi nous nous rendons jeudi (12 septembre) à Genève, à l’ONU, pour leur demander d’intervenir ».

Tout ce qu’ils veulent, c’est que justice soit faite. Etxeberria a mené des fouilles similaires dans bien des points du globe, mais il ne se remet pas pour autant de ce qu’il a déterré en même temps que ces corps : « le sentiment de l’injustice perpétuelle au fil du temps, la nécessité de savoir ce qui est arrivé aux êtres chers, le deuil qui ne s’arrête jamais… ».

Pour cela, le Maroc est responsable. Et son mensonge est maintenant manifeste.

Afriquinfos