Abidjan (© 2024 Afriquinfos)- La scène musicale ivoirienne est en ébullition depuis plusieurs semaines. Deux figures majeures du rap ivoire, Didi B et Himra, s’affrontent indirectement dans un clash pour le trône du genre musical le plus en vogue du moment au pays d’Houphouët-Boigny. Si cette rivalité alimente débats et passions, elle soulève surtout des questions sur son impact global. Tant pour les artistes eux-mêmes que pour ce genre musical en Côte d’Ivoire.
Didi B, membre du célèbre groupe ‘Kiff No Beat’ qu’il avait formé en 2009 avec Black K, Elow’n, Eljay et Joochar, mène depuis quelques années une carrière solo. C’est en 2021 que l’artiste a entamé une carrière solo avec la sortie de son single «Assinie».
Il a su transformer cette nouvelle vie artistique en un véritable succès. Avec des concerts à guichets fermés au Parc des expositions d’Abidjan, des trophées qu’il ne cesse d’accumuler et une visibilité internationale croissante. De son vrai nom Bassa Zérehoué Diyilem, Didi B (né le 3 avril 1992) est au sommet de son art. De l’autre côté, Rahim Bakayoko dit Himra (étoile montante du rap ivoirien au style plutôt badboy), connaît une ascension fulgurante. Après avoir remporté le prestigieux ‘Prix du Primud’, l’artiste vient de franchir une nouvelle étape de sa carrière en décrochant le Disque d’or pour son album «Jeune & Riche».
Propulsé par une fanbase jeune et dynamique, il est aussi soutenu par des figures influentes comme Booba. Le rappeur français ne cache pas son admiration pour l’artiste et n’hésite pas à poster ses vidéos sur ses réseaux sociaux de plusieurs millions d’abonnés. Le ‘nouchi ivoirien’ le plus américain est réellement en vogue.
Dans les nuits chaudes et les endroits les ‘plus in’ d’Abidjan, sa musique passe en boucle. Sur la toile, il fait l’objet de débats dans lesquels plusieurs le considèrent comme le nouveau ‘patron du rap ivoirien’.
Cependant, cette montée en puissance n’est pas sans tensions. La rivalité entre Didi B et Himra s’est déplacée des réseaux sociaux vers les médias traditionnels. Elle divise les fans et alimente un climat tendu de compétition dans le milieu du showbiz ivoirien. Si certains y voient un moteur pour stimuler la créativité artistique ou une simple stratégie de vente musicale, d’autres plus sceptiques, redoutent une fracture plus profonde.
Au-delà de la simple concurrence artistique
La concurrence entre Didi B et Himra pourrait être perçue comme bénéfique à plusieurs niveaux. Sur le plan artistique, elle pousse les deux rappeurs à se dépasser, à innover et à produire des œuvres de belles factures pour repositionner la Côte d’Ivoire sur l’échiquier du rap africain. Cette dynamique profite à l’ensemble de la scène rap ivoire, qui gagne en visibilité nationale et internationale.
Feu Dj Arafat, grâce à son talent, mais aussi aux nombreux clashs et piques qu’il lançait continuellement à une litanie d’artistes locaux avait réussi à donner une visibilité impressionnante au Coupé Décalé. «C’est le game, c’est comme cela que ça marche», avait d’ailleurs reconnu Hirma lors de son passage sur une chaîne télé lorsqu’on qu’il lui a été demandé l’origine de son clash avec Didi B, son ‘ami’ d’avant.
Grâce à leurs différends musicaux, Didi B et Himra captivent l’audience, ils boostent les streams, les vues et par conséquent ventes et prestations. Cet intérêt accru pour le rap ivoirien peut ouvrir des portes à d’autres artistes du pays, en quête de reconnaissance.
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Sur le plan économique, à quelques jours des fêtes de fin d’année 2025, cette opposition crée des opportunités pour les promoteurs de spectacles, les marques et les sponsors qui n’hésitent pas à capitaliser sur la polarisation des fans. Chaque camp organise des événements pour soutenir son favori, générant ainsi une activité économique autour de ces artistes.
Cependant, il faut être réaliste: cette rivalité n’est pas exempte de dangers ! Le clash entre les deux rappeurs exacerbe des divisions sociales. Les fans de Didi B, souvent perçus comme plus «choco» et issus de classes moyennes ou aisées, s’opposent aux supporters de Himra qualifiés parfois, de manière stigmatisante, de «voyous» ou issus de bas quartiers.
Ces stéréotypes, relayés par certains internautes sur les réseaux sociaux, risquent de renforcer des préjugés nuisibles au sein de la société ivoirienne à quelques mois de l’élection présidentielle d’octobre 2025 dont les contours restent encore flous. De plus, l’intensité des tensions sus-décrites pourrait dégénérer en violences physiques entre les fans, notamment lors de concerts ou autres évènements publics.
S’inspirer d’un passé récent rempli de leçons
L’histoire du rap mondial regorge d’exemples où des rivalités purement artistiques ont basculé vers des tragédies personnelles et sociales. Le mercredi 1er aout 2018 à l’aéroport d’Orly (Paris), une bagarre, résultante des clashs musicaux, avait éclaté dans la salle d’embarquement du hall 1 entre les rappeurs Kaaris et Booba avant de se déporter dans une parfumerie du Duty-Free. Une rixe mortelle motivée par des clashs musicaux et qui a couté au rappeur MHD sa carrière.
La posture adoptée par la star française du rap, Booba, soutenant ouvertement Himra tout en critiquant sévèrement son ex-collaborateur Didi B, ajoute une dimension internationale au différend et le rend encore plus sensible. Si ce soutien confère une visibilité supplémentaire au ‘game’, il pourrait aussi envenimer les relations entre les deux artistes et leurs fans !
Au-delà des tensions, cette volonté de domination devrait être une opportunité pour les deux artistes de prouver leur maturité artistique, et aussi personnelle. Plutôt que de se concentrer sur les clashs, Didi B et Himra pourraient collaborer pour porter le rap ivoirien à des sommets encore inexplorés. Le public ivoirien doit également jouer un rôle crucial dans cette dynamique en valorisant les talents des deux rappeurs sans tomber dans les divisions et querelles contre-productives pour la Culture ivoirienne.
DOH Bi Tah Augustin
