Par Raphaël MVOGO
D'après les estimations, un cinquième des ressources minières mondiales se trouve sur ce continent. C'est la principale de devises pour environ 40 pays sur 54.
Par exemple au Nigeria, deuxième puissance économie africaine après l'Afrique du Sud, les revenus du pétrole représentent 95% des recettes d'exportation.
Comme le témoignent l'escalade armée entre le Soudan et son voisin du Sud nouvellement indépendant, puis l'instabilité sociopolitique persistante en République démocratique du Congo ( RDC) ou encore les attaques contre les installations pétrolières au Nigeria, des enjeux stratégiques s'entrecroisent et s' entrechoquent autour de l'exploitation de ces ressources.
"Le continent est très riche. Les investisseurs étrangers se bousculent en Afrique, profitant de la demande mondiale croissante des minerais", a observé lors du 22e Forum économique mondial sur l'Afrique tenu jeudi et vendredi à Addis Abeba en Ethiopie à l' initiative du World Economic Forum (WEF), le professeur Paul Collier, de l'Université d'Oxford.
Mais paradoxe, "les minerais n'ont pas été une chance mais une malédiction pour l'Afrique", a déploré l'économiste pointant le pillage de ces ressources du sous-sol à la fois par les exploitants et les gouvernants.
"Ça risque d'être une des plus grandes opportunités manquées", a-t-il présagé.
Concernant une fois encore l'exemple du Nigeria, un quart des 167 millions d'habitants de ce pays d'Afrique de l'Ouest vit en- dessous du seuil de pauvreté.
Les tensions sociales exacerbées par les plaintes de marginalisation des communautés locales créent un environnement d' insécurité dans le delta du Niger, principale zone d'exploitation pétrolière du Sud-Est.
Plus de 50 ans après les indépendances, la tentation persiste de se focaliser sur les minerais sortis du sous-sol, regrette Collier.
Le débat lors du Forum économique mondial d'Addis Abeba sur le devenir de l'économie africaine sans les ressources minérales a suggéré de nouvelles options d'investissement tout à fait aussi porteuses de croissance économique.
Des services aux infrastructures de transport en passant par l' agriculture et les télécommunications, l'Afrique reste une terre d' opportunités d'affaires en friche qui demandent simplement de faire appel à l'imagination et la créativité pour rendre les économies nationales plus dynamiques, se sont accordé à reconnaître les intervenants à ces discussions.
"Nous sommes face à un immense potentiel agricole qui permettrait de lutter contre l'insécurité alimentaire", a suggéré Sean de Cleene, un des dirigeants de Global Business Initiatives, une compagnie de production d'engrais chimiques.
Relevant un lien étroit entre les secteurs minier et agricole, le businessman opérant sur le continent a jugé le développement des infrastructures comme un élément clé de cette dynamique préconisée.
"Le développement des infrastructures, a-t-il démontré, permettra de créer des corridors pour l'agriculture. Nous avons besoins de renforcer le secteur financier de manière à ce que l' impact soit beaucoup plus fort. Cela suppose de promouvoir des connexions entre les bailleurs de fonds. Beaucoup d'entreprises viennent en Afrique pour chercher des projets à haute valeur ajoutée".
Ce n'est pas un fait nouveau, la réflexion menée vise simplement à approfondir le processus qui jusqu'ici se caractérise par un faible engagement des acteurs institutionnels et privés.
Comme exemple, de Cleene a cité la mise en place d'une ligne de chemin de fer au Mozambique grâce à un accord entre son organisme et des investisseurs chinois, une infrastructure qui, parallèlement au transport du minerai de cuivre, son utilisation d' origine, a aussi servi à l'agriculture.
En dehors des pays, des orientations en faveur de l'intégration régionale sont évoquées dans la perspective de projets de portée transnationale ou transfrontalière.
Mais pour certains opérateurs, de l'assainissement de l' environnement juridique et institutionnel y compris de la disponibilité de la ressource énergétique dépendra l'atteinte de cet objectif.
"Ce n'est pas évident d'opérer en Afrique, à cause des risques à surmonter. L'information géologique n'est pas toujours disponible et les législations ne sont pas toujours claires pour sécuriser l'investissement. Parfois, le déficit énergétique vient compliquer les choses", a remarqué à Xinhua Dan Simelane, responsable d'African Rainbow Minerals, compagnie minière sud- africaine.
Avec au programme des activités diversifiées liées à l'or et d' autres minerais tels le platinium et le manganèse, cette entreprise investie actuellement 400 millions USD pour la construction d'une mine de cuivre en Zambie, en partenariat avec Valley, deuxième plus grande compagnie minière mondiale.
La RDC, le Zimbabwe et le Mozambique sont aussi visés. Pour Arcelor Mittal, l'installation au Liberia en 2005 n'a pas non plus été aisée, a souligné Joseph Matthews, chargé des relations avec les gouvernements et les communautés au sein de cette compagnie.
"Un des défis à relever, c'était d'obtenir un contrat minier. Nous étions dans un pays qui avait tous les défis qui se posent à l'Afrique. Il fallait construire toutes les infrastructures", a-t- il dit.
Face aux investisseurs de plus en plus nombreux, les dirigeants africains se défendent plutôt en annonçant la mise en place de cadres juridiques et institutionnels dans les pays pour garantir la rentabilité des projets industriels à eux présentés.