Le représentant de l’Onusida invite le Cameroun à rendre facile l’accès à la prévention et la prise en charge (INTERVIEW)

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Dans un entretien à Xinhua vendredi à Yaoundé, le responsable onusien a jugé les résultats obtenus bons mais « pas suffisants pour inverser les tendances d'avenir » et a recommandé de « maintenir la pression, particulièrement les besoins de financement des programmes de lutte contre le Sida, dans beaucoup de secteurs concernant la prévention et la prise en charge ».

Question : les autorités sanitaires du Cameroun viennent de publier un nouveau rapport sur l'épidémie du sida faisait état d'une prévalence en baisse à 4,3% en 2011 contre 5,1% l'année précédente et 5,5% en 2004. Pour vous, c'est une bonne nouvelle ?

Réponse : Oui, c'est une bonne nouvelle. On se réjouit de cette tendance réelle à la baisse. Mais, il faut nuancer par ce que nous appelons l'importance des nouvelles infections par le Vih chaque année au niveau des groupes. C'est très important et très significatif de la mesurer et la comparer annuellement. C'est ce qu'on a vu dans beaucoup de pays. Donc, le Cameroun est sur une bonne tendance lorsqu'il passe de 5,5% à 4,3%. Par contre, l'incidence qu'on appelle les nouvelles infections reconnues annuellement qui est également un indicateur de taille pour comprendre comment évolue l'épidémie, n'est pas donnée.

Q : Comme vous le dites, le nombre de malades sous ARV se situe au-dessus de 100.000. Il y a près du double également en attente de traitement. On peut dire que c'est un défi énorme.

R : Le défi que ça fait dans le système de santé et particulièrement dans le budget d'investissement de ces besoins fondamentaux d'antirétroviraux, de services de médecine, de personnels, les hospitalisations, ces malades qui sont sous antirétroviraux de façon durable parce qu'on ne sait pas quand est- ce que ça s'arrête, ça montre l'impact dans le système de santé, l'impact que encore il est prévisible que les budgets du ministère de Santé soient grevés par le Vih/Sida. C'est là où il ne faut pas trop vite voir les chiffres et de dire que nous sommes très contents, nous avons réglé la question. Non, les conséquences que ça donne méritent d'être analysées, parce que c'est des charges supplémentaires dans le système de santé. Deuxièmement, et le dernier rapport de la Banque mondiale publié le 14 mars a montré le défi de la prévention. Tant qu'on n'a pas réduit les nouvelles infections, les incidences réelles chez les sujets sexuellement actifs, les groupes qui sont vecteurs de l'épidémie, nous n'avons pas encore réglé la question du Vih de façon drastique.

Q : Par rapport aux hommes, il est constaté que la prévalence, bien que par ailleurs en baisse, demeure élevée chez les femmes. Pensez-vous que l'efficacité de la prévention puisse être jugée comme n'étant pas suffisamment convaincante ?

R : Oui, je pense que, pour être raisonnable, les séances d'information, de sensibilisation, toutes les campagnes de prévention ont fait du bon chemin, ont fait des résultats. Mais, les résultats sont disproportionnels par rapport à ce qu'on attendait et par rapport à l'épidémie elle-même. C'est pour cela que nous sommes sûrs que nous devons même redoubler d'efforts, faire plus de durabilité dans la sensibilisation, dans les changements de comportements, dans la réduction de l'épidémie, c'est-à-dire que dans les programmes de prévention nous devons faire plus pour inverser le cours de l'épidémie d'ici 2015. A l'état actuel, on peut dire qu'on est à mi-chemin, mi-figue mi- raisin. De bons résultats sont donnés mais ce n'est pas suffisant pour inverser les tendances d'avenir. Nous devons maintenir la pression, particulièrement les besoins de financement des programmes de lutte contre le Sida, dans beaucoup de secteurs concernant la prévention et la prise en charge. Nous devons surtout voir les conditions d'accès à ces services par rapport aux jeunes filles, aux droits minima que nous devons assurer aux groupes pour que l'accès à ces services soit facile.

Q : Quelle remarque faites-vous au sujet de la prise en compte des maladies opportunistes ?

R : Un élément de plus, les infections sexuellement transmissibles que nous appelons les IST, les infections opportunistes qui sont la tuberculose, les chiguéloses, les encéphalites, etc., sont à considérer dans le lot des conséquences fâcheuses par rapport à cette maladie du Sida. Toutes ces questions devront encore être prises en compte par les services de santé. C'est pour cela que, encore une fois, quand nous publions les chiffres, nous demandons beaucoup plus de nuance, de sérénité, de calme et de lecture positive et responsable pour qu'il n'y ait pas de relâchement. Parce qu'effectivement les chiffres pourraient être interprétés par des acteurs qui ne maîtrisent pas les enquêtes.