Paris (© 2016 Afriquinfos) – La juge congolaise Chantale Ramazani Wazuri affirmait avoir été «obligée» de condamner l’opposant Moïse Katumbi à trois ans de prison le 25 juillet 2016. Réfugiée en France par craintes de représailles, elle attend une réaction des Nations unies.
Début août 2016, la magistrate quadragénaire s’est réfugiée en France, dans la région parisienne, aidée par les équipes de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) après, assure-t-elle, avoir subi des pressions de la part du gouvernement de Joseph Kabila.
Des «contraintes physiques et morales»
Dans un courrier intitulé «Extorsion de ma signature et menace sur ma personne», Chantale Ramazani Wazuri s’adresse au ministre de la Justice, au président de la République et au Premier ministre de son pays mais aussi à l’ONU, à l’Union européenne, à l’Union africaine et à la FIDH.
Dans sa lettre, la juge dénonce «les contraintes physiques et morales» exercées sur sa personne «avant l’audience et pendant le délibéré», et accuse: «J’ai été obligée par M. Kalev Mutond, administrateur général de l’ANR, la présidence de la République, le premier président de la Cour d’appel de Lubumbashi (mon chef hiérarchique et inspecteur de l’ANR, accompagné de 12 éléments de la Garde républicaine) et le procureur général près de la cour d’appel de Lubumbashi, de condamner M. Moïse Katumbi Chapwe ». Et la juge enfonce le clou: «Cette condamnation avait notamment comme objectif d’obtenir son inéligibilité en cas de présentation de sa candidature à la présidence de la République».
Dans l’attente d’une condamnation de l’ONU
Pour Chantale Ramazani Wazuri, retourner RD Congo n’est pas envisageable, selon la FIDH qui est en contact quotidien avec elle. Mais la juge s’inquiète plus pour sa famille restée sur place.
Le 19 août 2016, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, le programme d’alerte piloté par la FIDH et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a saisi la rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats ainsi que le rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme. «L’objectif est que les Nations unies se prononcent publiquement sur les dysfonctionnements de la justice congolaise et que les autorités nationales soient interpellées sur les pressions visant à rendre inéligible Moïse Katumbi», explique Hugo Gabbero, responsable de l’Observatoire. La réaction des Nations unies devrait intervenir dans les semaines à venir sur ce dossier. «Chantale Ramazani Wazuri y tient beaucoup», selon la FIDH qui dit continuer à faire preuve de « vigilance » sur la sécurité de la magistrate.
VIGNIKPO AKPENE