COTONOU (©2025 Afriquinfos)Oba et ODD forment, chacun, trois lettres. Cela pourrait-il expliquer l’engagement de Razack pour les Objectifs de Développement Durable ? Quoi qu’il en soit, cet engagement est l’essence même de son parcours, de Cotonou à Paris. Atterri sur le sol parisien au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Razack Oba s’est entièrement dévoué, au fil des années, aux causes sociales. Nonobstant un début d’aventure ardu dans la diaspora, il a fini par se sortir d’affaire. Lumière sur une vie de militantisme et de leadership, entre le Bénin et la France.
«Le sacerdoce n’est pas une carrière, c’est un appel», dit-on. Cet appel, Razack Oba, 50 ans, l’a entendu et à une vocation supérieure, il a répondu: être utile à sa communauté. Né au Bénin d’une famille polygame, il a fait ses études primaires et secondaires à Cotonou. Après l’obtention d’un baccalauréat série D en 1994, il a poursuivi ses études supérieures en CBG (Chimie, Biologie, Géologie) à l’Université d’Abomey-Calavi (au Bénin). «Le nombre d’étudiants et les conditions d’études m’ont très tôt découragé, et j’ai saisi l’opportunité d’un test d’entrée à l’INE (Institut national d’économie), aujourd’hui ENEAM».
En 1998, il sort de l’INE, diplômé, technicien supérieur en Marketing et Action commerciale. Alors qu’il était toujours à l’Université, il appuyait simultanément son père dans ses activités professionnelles. «Très tôt, j’ai commencé par travailler», raconte-t-il, en enchainant de petits jobs de commercial dans des entreprises locales. Trois ans plus tard, soit en 2001, Razack Oba a pris une décision délicate qui va changer le cours de sa vie: partir en France pour poursuivre ses études en Marketing.
«Je n’ai rien dit à mes parents quand j’ai commencé à opérer les démarches jusqu’à l’obtention du visa. Trois semaines avant le départ, j’ai brandi mon passeport et le visa à mon père». Ce dernier, un peu surpris et curieux, ne s’est pas opposé au choix de son fils, mais il a notifié clairement ne pas avoir les moyens de ce rêve, à part le billet d’avion. Razack était prêt à se battre pour matérialiser ses ambitions. «J’ai pris le dernier vol de Brussels Airlines au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. J’atterris à Paris dans le froid glacial et le périple commence» !
De l’installation en France à la fin des études jusqu’au niveau Master à l’IAE (Institut d’administration des entreprises), la vie du jeune homme n’a pas été un pain béni. «C’est une tante qui m’a envoyé 500 euros une seule fois; il fallait se débrouiller, travailler, aller en cours pour pouvoir joindre les deux bouts. Ce n’était pas facile du tout, mais j’ai essayé de m’en sortir heureusement». Et depuis plus de deux décennies, Razack Oba travaille et vit en France sans couper le lien de sang qui le fusionne avec sa terre natale, le Bénin.
Razack, soldat du développement durable
Razack Oba ne vit pas que pour lui. Déjà impliqué dans des actions sociales et communautaires avant son départ pour la France, il a décuplé son engagement depuis la diaspora. Durant ses deux premières années en Occident, il a milité dans des organisations d’étudiants. De 2008 à 2012, Razack a présidé l’Association des ressortissants béninois en France dont il a été le vice-président. Membre fondateur de l’Association «Les tresseurs de corde», il a contribué à la mise en place d’actions citoyennes de grandes envergures.
C’est le cas du «camp éco-citoyen» organisé chaque année à l’époque dans les Communes de Savalou, Ouessè, Adjohoun et Bantè. Le but, sensibiliser les enfants à l’écocitoyenneté et au respect des biens publics. «Cela nous a aussi permis de participer à des COP (Conférence des parties). On a été à Marrakech, à Madrid, à Bonn et à Katowice avec les enfants. C’était une expérience formidable ! Ces enfants font aujourd’hui la fierté du Bénin», se réjouit le président de l’APODD (Association pour la promotion des ODD).
L’APODD a vu le jour pour promouvoir l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de Développement Durable en France, au Bénin, en Afrique et partout dans le monde. Elle est l’œuvre de Razack Oba qui a réussi à ressembler autour d’un idéal durable plusieurs ONG (Organisations non gouvernementales). A travers une pédagogie ludique et la mise en œuvre de projets novateurs liés à l’éradication de la pauvreté et de la faim, à la réduction des inégalités et la lutte contre le changement climatique.
L’un des résultats évocateurs de l’association en termes de sensibilisation et d’impacts est la création d’une roue ODD automatisée. Grâce à celle-ci, «chaque citoyen peut choisir de s’engager sur trois ODD au maximum. Nous avons plus de 15 mille personnes qui ont aujourd’hui une roue à travers le monde». De plus, via le projet «Un voyageur, un livre», l’APODD entend apporter une solution à la problématique de la fracture numérique. Elle se positionne également dans la formation des jeunes et le soutien aux couches marginalisées.
Un engagement désintéressé au profit des ‘’oubliés’’
Ne laisser personne de côté, c’est ce pour quoi Razack Oba milite. «Le Bénin m’a tout donné, avoue-t-il, et quand moi j’arrive ici et que je vois comment les gens vivent, ainsi que ce que j’ai laissé sur place, c’est un devoir, c’est un sacerdoce» de penser aux autres. A travers parrainage, collaboration, appuis techniques et financiers, ce Béninois de la diaspora apporte sa pierre à la construction du Bénin. «On n’est pas riche, mais on peut aussi soutenir de temps en temps nos frères et sœurs qui sont dans des organisations là-bas», déclare-t-il.
A en croire Razack Oba, le projet le plus inspirant de son engagement au profit des plus vulnérables est «la Noël solidaire». Il consiste à parcourir chaque année, les bras chargés de présents, plus de 20 orphelinats au Bénin, pour communiquer la joie de vivre aux enfants.
«Nous faisons beaucoup d’heureux et d’heureuses. Les orphelins sont contents à Noël», s’en réjouit l’homme d’impact qui bénéficie de l’appui de la «Fondation Margaretha & Pierre». Il réfléchit à assurer la durabilité de cette action et surtout à autonomiser des orphelinats. Ainsi, des négociations sont en cours avec des partenaires pour parrainer ces structures et les aider à s’autogérer, à s’autofinancer avec des activités génératrices de revenus.
Une expérience riche, un appel aux jeunes
Bientôt 23 ans qu’il vit en France. Et pour Razack Oba, l’immigration est un atout pour le Bénin. Autant sur le plan des compétences qu’en matière d’apport économique, les Béninois de la diaspora contribuent énormément au développement national.
Par exemple, illustre ce Consultant en développement territorial, le CBF (Conseil des Béninois de France) accompagne des porteurs de projets en collaboration avec l’AFD (Agence française de développement). «En 25 ans, le CBF a apporté plus de 1,6 milliard de fonds à des projets sur toute l’étendue du territoire béninois», se félicite celui qui est le Délégué à l’organisation au sein du CBF.
Actuellement, Razack Oba pilote le «projet CBF Tour» dans le cadre duquel il parcourt des villes de la France pour échanger avec des Béninois qui y vivent. Il s’agit de leur présenter les activités du Conseil et de donner un nouveau souffle à l’organisation, grâce à l’implication des jeunes. Pour lui, «il n’y pas plus valorisant que d’impacter sa communauté».
Aussi, exhorte-t-il les jeunes à être des acteurs de changement, même s’ils ne gagnent pas forcément de l’argent. «On gagne beaucoup en étant solidaire, on apprend des autres et on réfléchit à impacter sa communauté», soutient-il. Les métiers du numérique, conclut-il, sont de véritables alliés de cette jeunesse capable de créer des solutions innovantes pour le changement. Hic et nunc.
Emmanuel M. Loconon