Quelle maison pour demain ? À Douala, un panel interroge les préférences et réalités du logement en Afrique francophone

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Participants au panel autour du thème "Quelle est aujourd’hui la maison idéale en Afrique francophone?" (DR, forwardglobal-newsroom)

Douala (© 2025 Afriquinfos)- Alors que le continent africain connaît l’une des plus fortes croissances démographiques au monde, couplée à une urbanisation croissante, la pression sur le logement ne cesse de s’intensifier. Dans ce contexte, un panel s’est tenu le jeudi 5 juin 2025 à Douala, autour d’une question centrale, à la croisée de l’économie, de la société et de la culture : Quelle est aujourd’hui la maison idéale en Afrique francophone?

Organisé à l’initiative de la communauté des diplômés HEC Paris basés au Cameroun, ce panel a mis en lumière les résultats d’une étude menée par le cabinet NAAM Advisory, conseil en stratégie, représenté pour l’occasion par Yannick Nkembe, statisticien-économiste et fondateur de NAAM Insights.

“Les pays africains ont connu une vague d’urbanisation rapide au cours de ces dernières années et font face à des déficits de logements importants, qui continuent de se creuser avec la croissance urbaine”, a expliqué l’intervenant. “L’étude que nous avons menée vise à comprendre les profils, préférences et capacités financières des acquéreurs potentiels, afin de définir des modèles de logements permettant de combler la demande résidentielle en Afrique francophone”.

L’étude, conduite au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Gabon, repose sur une série de groupes de discussion et une analyse comparative des données socio-économiques dans les trois pays. Elle met en évidence un déficit de logement préoccupant, estimé entre 2 et 2, 5millions d’habitations au Cameroun. En l’absence d’une offre accessible, auto-construction  demeure le principal mode d’accès à la propriété pour une large part de la population. Les logements les plus abordables proposés par les promoteurs publics au Cameroun atteignent 17 millions de FCFA, mais seuls 15% des ménages peuvent prétendre au financement bancaire nécessaire. Au Gabon, les prix planchers avoisinent 23 millions de FCFA,  avec une proportion d’acheteurs éligibles qui atteint 27 %.

Dans ce contexte de fortes contraintes financières, l’étude révèle que pour la grande majorité des populations urbaines francophones, la maison idéale demeure associée au duplex, symbole de réussite sociale et de confort. Cette aspiration entre cependant en contradiction avec les réalités financières : près de 50% de la population camerounaise vit avec moins de 100 000 FCFA par mois,  un revenu qui rend l’accès au logement formel particulièrement difficile. 

Par ailleurs, cette dynamique d’auto-construction alimente un étalement urbain souvent non planifié- voire non maîtrisé – générant des coûts importants pour les collectivités. Le raccordement aux services de base – eau, électricité – devient complexe et coûteux à mesure que les zones d’habitat s’étendent de façon diffuse. Un modèle d’urbanisation dispersée qui pose la question de l’optimisation et de la soutenabilité à long terme du développement des villes africaines.

Autre enseignement significatif de l’étude: les futurs acquéreurs sont prêts à payer un premium, non pas pour des options de confort superflu, mais pour sécuriser l’accès à des services essentiels face aux carences des services publics. Groupes électrogènes et transformateurs, autant d’équipements que les ménages acceptent de financer. 

Ces choix traduisent des aspirations façonnées par l’environnement urbain et traduisent une adaptation face à l’absence de services fiables. L’étude appelle dès lors à repenser l’offre immobilière et les politiques urbaines autour de modèles plus accessibles, durables, verticaux et adaptés aux réalités locales.

Elle plaide pour une mobilisation et une action coordonnée des architectes, promoteurs, urbanistes et acteurs publics, afin de proposer des logements en phase avec les capacités de financement des populations, tout en répondant à des enjeux collectifs. Il devient donc essentiel d’intégrer des critères de réalisme économique et de densité maîtrisée, afin de limiter l’étalement urbain et de construire des villes plus résilientes.

C’est dans cette volonté d’apporter un éclairage concret de nourrir la réflexion collective que s’inscrit cette initiative portée par les Alumni de HEC Paris au Cameroun.

“Notre ambition est de créer de nouveaux espaces d’échange, de mise en réseau et de partage de savoirs. Le rendez-vous de jeudi dernier n’était qu’une première étape. D’autres rencontres suivront, autour de thématiques clés comme l’économie, l’éducation, ou encore la promotion des arts et de la culture. La force du réseau HEC, son exigence académique et son ancrage dans l’entrepreneuriat, nous donne les moyens de faire vivre cette dynamique”, a conclu Guylaine Zafack, organisatrice de l’événement et diplômée de l’école en 2013.   

En lançant ce cycle de rencontres, les Alumni d’HEC Paris au Cameroun entendent ainsi contribuer aux grands débats économiques du pays et créer un espace de réflexion collective, accessible au grand public comme aux décideurs. L’ambition est claire : faciliter l’accès à une information fiable, à des analyses structurantes, et mettre en lumière les réflexions d’experts africains. 

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