ABIDJAN (© 2025 Afriquinfos)- Candidat déclaré à l’élection présidentielle d’octobre 2020 en Côte d’Ivoire, Djè Bi Djè Olivier Vamy revient sur son parcours, sa vision pour la Côte d’Ivoire, et les piliers de son programme politique.
Ancien maire et actuel député de Zuénoula, il se présente comme un homme de conviction et de terrain. Le concepteur de l’«ivoiroyauté» est porté par une volonté de rupture constructive. Dans cet entretien exclusif (accordé à Afriquinfos.com) qui sera publié en deux parties, «le blanc de Zuenoula», aborde les grands enjeux économiques, sociaux et institutionnels du pays. Et plaide pour une gouvernance fondée sur la compétence, la proximité et la responsabilité. Le député indépendant, qui a officiellement annoncé sa candidature ce samedi 31 mai 2025, appelle les ‘Ivoirois’ à faire un choix éclairé, au-delà de leurs appartenances ethniques ou partisanes classiques pour bâtir une nation prospère et souveraine. Entretien !
Comment jugez-vous l’évolution politique et socio-économique de la Côte d’Ivoire depuis la dernière élection présidentielle ?
L’évolution politique de notre pays reste marquée par de nombreuses insuffisances. Les élections continuent d’être entachées par des fraudes massives, ce qui empêche la volonté réelle du peuple de s’exprimer librement. Cette situation concerne aussi bien les politiciens que les citoyens ordinaires. Pour ma part, j’avais souhaité de tous mes vœux des élections véritablement inclusives.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que je me suis opposé à la proposition de limitation d’âge pour les candidats à la présidentielle. Après les différentes crises que nous avons traversées, il me semblait essentiel d’ouvrir le jeu démocratique à toutes les sensibilités politiques. Plus il y a de candidatures, plus les citoyens ont le choix, et plus la démocratie est vivante. L’histoire récente nous montre que chaque fois qu’un groupe politique est exclu du processus électoral, la participation chute drastiquement. Cela engendre un véritable problème de légitimité, tant pour les élus à l’Assemblée nationale que pour ceux à la tête de l’exécutif.
Sur le plan économique, il faut reconnaître qu’il y a eu une croissance certaine. Mais cette croissance reste malheureusement non inclusive. Les fruits du développement n’ont pas profité aux populations, notamment aux Ivoirois eux-mêmes. C’est justement l’une des raisons qui motive ma candidature. Mon ambition est de faire en sorte que les Ivoireines et les Ivoirois deviennent riches et prospères, qu’ils bénéficient réellement des potentialités que regorge notre pays.
En matière de développement durable, les défis restent importants. Le système éducatif souffre encore de nombreuses carences. De nouveaux hôpitaux ont certes été construits, mais beaucoup ne sont pas opérationnels faute de personnel qualifié. L’accès aux soins de santé primaires demeure difficile pour une grande partie de la population. Et bien que la santé soit officiellement gratuite dans certains cas, la réalité sur le terrain est tout autre.
Tous ces problèmes trouvent leurs racines dans des maux profonds et anciens de notre société : le tribalisme, l’incivisme, et l’absence d’une réelle volonté de changement structurel.
Ne pensez-vous pas que laisser tout le monde se présenter à une élection présidentielle constitue un risque important ?
Non, je ne le pense pas. Il existe déjà des conditions d’éligibilité clairement définies par la loi, comme le parrainage citoyen, qui permettent de crédibiliser les candidatures. D’ailleurs, je ne suis pas opposé au principe du parrainage citoyen. Je l’ai toujours dit. Le véritable problème réside dans le manque de transparence du processus et dans la gestion des doublons.
Prenons un exemple : selon la règle actuelle, si deux candidats présentent des parrains identiques, celui qui dépose son dossier en second voit ses parrainages annulés. Or, les rendez-vous pour le dépôt des dossiers sont fixés par convocation. Si un candidat se présente après un autre, sans en avoir le contrôle, et que leurs listes de parrainage se recoupent, c’est lui qui est pénalisé. Ce système n’est ni équitable ni rassurant.
De plus, je considère qu’un électeur peut souhaiter soutenir plusieurs candidats. Cela reflète simplement sa volonté de voir un vrai débat démocratique avec plusieurs options. Supprimer la règle des doublons permettrait donc une meilleure lisibilité et un climat plus apaisé autour du processus électoral.
Dans une démocratie, c’est au peuple qu’appartient le dernier mot. Restreindre son choix, c’est restreindre la démocratie elle-même. Des élections véritablement inclusives évitent les frustrations et renforcent la légitimité des institutions. Aujourd’hui déjà, certains appellent au report des élections. Ce n’est pas un hasard : c’est le signe d’un malaise qu’il ne faut pas ignorer.
Expliquez-nous votre concept « Ivoirois » et « Ivoireine ».
Ce concept s’inscrit dans une démarche de transformation des mentalités. Vous savez, peu importe la qualité des politiques économiques mises en place, si ceux qui sont censés les appliquer sont corrompus ou manquent de patriotisme, ces politiques échoueront. Le changement des mentalités est donc un pilier fondamental du développement.
Le concept d’« Ivoirois » et d’« Ivoireine » est avant tout symbolique, mais il porte une charge émotionnelle et psychologique très forte. Il ne s’agit pas simplement de changer un mot ou une appellation. Bien sûr, ce n’est pas suffisant à lui seul pour régler tous les problèmes du pays — comme on dirait en mathématiques, c’est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Toutefois, c’est un levier gratuit et puissant pour impulser un changement intérieur chez nos concitoyens.
Les mots ont un pouvoir. Le nom que l’on porte agit sur notre comportement. Inconsciemment, chacun veut préserver son nom, sa réputation. Si l’on vous dit que vous êtes une reine ou un roi de l’Ivoire — une Ivoireine, un Ivoirois — cela vous élève, cela crée une estime de soi nouvelle. Ce n’est pas anodin. Ce type de langage pousse à la dignité, à l’excellence, à la fierté d’appartenir à cette nation.
Aujourd’hui, nous faisons face à un profond déficit de confiance chez les Ivoirois. Beaucoup ont sombré dans une mentalité d’assistés, parfois même de mendiants. C’est dramatique. Il faut inverser cette tendance. Et si un outil aussi simple que le langage peut nous aider à le faire, il ne faut pas le négliger.
Le concept d’« Ivoirois » et d’« Ivoireine » s’inscrit dans cette logique. Il ne s’agit pas d’un simple slogan. C’est un instrument psychologique, culturel et politique. Et dans mon projet pour la Côte d’Ivoire, le changement des mentalités sera une priorité absolue.
Des gros noms comme Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, Soro Guillaume et Tidjane Thiam sont radié de la liste électorale. Qu’en pensez-vous ?
C’était malheureusement une situation prévisible. En Côte d’Ivoire, depuis les années 1990, nous avons vu des gouvernants prendre des décisions taillées sur mesure, souvent dans leur propre intérêt politique. Il ne faut pas se voiler la face : ce sont des pratiques bien ancrées.
Cela dit, nul n’est censé ignorer la loi. Si certaines conditions juridiques empêchent la participation de certaines personnalités, il appartient aux partis politiques concernés d’en tenir compte et d’anticiper.
Personnellement, j’aurais souhaité que tous puissent être candidats. Ce serait l’idéal pour la démocratie. Une élection inclusive renforce la légitimité des institutions. Mais si une issue politique n’est pas trouvée pour permettre la participation de ces grandes figures, alors il faut être réaliste et préparer des alternatives.
C’est pourquoi je recommande aux partis comme le PDCI ou le PPA-CI de prévoir un plan B. C’est dans leur propre intérêt. On ne peut pas tout miser sur un seul candidat sans anticiper les risques juridiques ou politiques. Même si une solution politique est encore envisageable, il serait irresponsable de ne pas se préparer à toutes les éventualités.
Vous avez été député-maire de Zuénoula. En quoi cette expérience vous a-t-elle préparé à briguer la magistrature suprême ?
Être élu local, c’est assumer de grandes responsabilités, même à une échelle territoriale. Cette fonction m’a permis de développer une proximité réelle avec les populations, d’être à l’écoute de leurs préoccupations quotidiennes et de comprendre concrètement les besoins du terrain. C’est une école exigeante de gestion, de leadership et de pragmatisme.
Malgré des moyens limités, nous avons réussi à poser des actions significatives à Zuénoula. Nous avons construit plusieurs écoles, mis en place des bibliothèques pour favoriser l’accès à la lecture, créé des emplois locaux et surtout, instauré une brigade de sapeurs-pompiers volontaires, une première dans la région.
J’avais également engagé un projet ambitieux : implanter la première centrale voltaïque de Côte d’Ivoire à Zuénoula, sans aucune aide de l’État. Ce projet aurait permis non seulement de produire de l’énergie propre, mais aussi de créer des opportunités économiques locales. Malheureusement, il n’a pas abouti en raison d’obstacles d’ordre politique et administratif.
Mais au-delà de ce revers, le bilan reste largement positif. Parmi les 102 communes de Côte d’Ivoire, Zuénoula est aujourd’hui citée en exemple pour la qualité de son développement local. Notre action a donné à la commune une visibilité qui dépasse nos frontières nationales.
Cette expérience m’a préparé à assumer des responsabilités plus grandes. Elle m’a appris à gérer les ressources avec rigueur, à bâtir des projets innovants malgré les contraintes, et surtout, à rester connecté aux réalités du peuple. C’est avec cet esprit d’optimisation et de proximité que je me projette vers la magistrature suprême.
Si vous n’êtes pas élu Président de la République au soir du 25 octobre, reviendrez-vous tenter à nouveau le poste de maire de Zuénoula ?
Je suis à la disposition de mes parents, de mes concitoyens. Contrairement à certains qui s’engagent en politique par ambition personnelle ou pour les avantages liés aux postes, mon engagement repose sur une conviction profonde. J’ai quitté un poste bien rémunéré dans le secteur privé pour me mettre au service de Zuénoula. Avant même de revenir en Côte d’Ivoire, en quittant la France, j’ai accepté de diviser mon salaire par deux. Et une fois élu maire, mon revenu était à peine le dixième de ce que je gagnais auparavant.
Mais cela ne m’a jamais freiné. J’ai investi de mon patrimoine personnel, j’ai mobilisé mes relations pour mettre en œuvre des projets concrets au service de la population de Zuénoula. C’est un engagement personnel, un choix de vie, et les populations me l’ont bien rendu. Leur reconnaissance me touche profondément.
Donc, si je ne suis pas appelé à d’autres fonctions qui pourraient m’empêcher d’assumer ce rôle localement, et si les populations de Zuénoula expriment le souhait que je continue à les servir, je le ferai avec joie et fierté. Servir ma commune, c’est servir ma patrie.
Fin partie 1
Interview réalisée par DOH Bi Tah Augustin, pour Afriquinfos.com