Portrait. Andrée Blouin, la femme de main de Patrice Lumumba

Elle meurt en avril 1986, discrètement à Paris, loin des hommages internationaux et de cette Afrique qu’elle a si ardemment servie.

Afriquinfos.com
3 Min de Lecture

Elle naît en décembre 1921, en Centrafrique, métisse écartelée entre deux mondes raciaux. À l’âge de trois ans, on la place dans un orphelinat de Brazzaville tenu que tiennent des religieuses françaises.

À quinze ans, elle s’échappe de force. Fuyant un mariage religieux imposé et la domination des sœurs coloniales. Son fils René naît en 1940, meurt de malaria faute de traitement colonial. Cet évènement déclenche sa vocation militante. Elle rejoint le mouvement panafricain dès 1955, s’immerge dans les cercles de Nkrumah et observe l’Afrique en devenir.

En 1958, elle accompagne Sékou Touré à travers la Guinée. Prêche dans les villages pour le “Non” au référendum colonial. Touré la décrira comme “d’une force morale incomparable”, confidente et porte-voix de femmes aspirant à l’égalité politique.

Elle contribue directement au “Non” guinéen du 28 septembre 1958. Ecarte l’influence colonialiste française, séduit l’opinion occidentale. Son lien avec Touré dépasse la politique : il la considère comme une sœur en lutte et généralement comme mentor. Elle côtoie Félix Houphouët-Boigny en 1959, lors de sommets ouvriers à Abidjan. Echangeant sur visions économiques post-indépendance.

En 30 juin 1960, s’impose à Kinshasa pour organiser la marche triomphale du Congo vers son autonomie politique durable.

Elle devient la cheffe du protocole de Lumumba en 1960.

Rédigeant ses discours et orchestrant ses réceptions diplomatiques officielles. Une anecdote de son amitié avec Lumumba : elle refuse un verre offert par diplomates belges, par principe moral intact. On surnomme leur duo « Lumum‑Blouin ». Tant leur collaboration stratégique et émotionnelle se révèle complice et efficace.

Elle assiste Lumumba dans les négociations internationales. Impressionnant l’ambassadeur américain lors des échanges à New York.

Après l’assassinat de Lumumba en janvier 1961, elle est accusée de trahison envers les intérêts occidentaux et menacée d’extradition. Elle fuit vers Alger, accueille par Ahmed Ben Bella, révélant ses talents oratoires en public et consolidant son réseau panafricain.

Elle s’installe à Paris en 1962, s’attelant à la rédaction de ses mémoires : Mon pays, l’Afrique : autobiographie noire passionaria.

Dénonce les pratiques de corruption africaines dans ses écrits. Y compris celles de dirigeants post-indépendance comme Touré ou Houphouët-Boigny.

Elle meurt en avril 1986, discrètement à Paris, loin des hommages internationaux et de cette Afrique qu’elle a si ardemment servie.

Ses mémoires sont réédités récemment. Suscitant une renaissance de débats historiques et féministes autour des indépendances africaines.

Article publié en partenariat avec Pouvoirs Magazine