Lyon (© 2019 Afriquinfos)- Une enquête démarré en 2016 grâce à un témoignage dénonçant le rôle de proxénète d’un pasteur, Stanley Omoregie, propriétaire de plusieurs appartements loués à des prostituées qu’il exploitait. a conduit à emmener dix-sept victimes à la barre, dans le cadre d’un procès en France d’un vaste réseau de prostitution, qui s’ouvre mercredi, illustre le trafic en pleine croissance de jeunes femmes entre le Nigeria et l’Europe.
Le phénomène a pris « une ampleur considérable » ces dernières années en France, est-il souligné dans l’ordonnance de renvoi des 24 prévenus devant le tribunal correctionnel de Lyon (centre-est) pour aide au séjour irrégulier, proxénétisme aggravé, traite d’êtres humains et blanchiment d’argent en bande organisée.
Dans les rues de France, les Nigérianes ont pris le pas sur les péripatéticiennes venues de Chine ou d’Europe de l’Est. Dans l’agglomération lyonnaise, des contrôles de police en ont recensé 250, soit la moitié des femmes battant le pavé, durant le démantèlement de ce réseau qui aurait rapporté jusqu’à 150.000 euros par mois.
Alors que le pasteur conteste les accusations contre lui, des multiples conversations téléphoniques versées au dossier l’index. « Je veux les meilleures, celles qui sont mûres et qui ont de beaux corps. Celles qu’on peut contrôler, pas celles qui causent des problèmes », déclare pourtant ce trentenaire dans une. Mais pour l’homme de Dieu, ceci est une erreur de traduction, d’après lui.
L’accusation le présente comme la « clé de voûte » d’un réseau actif sur Lyon, Montpellier et Nîmes, essentiellement familial et composé de 10 femmes pour 14 hommes, dont « une proxénète de premier ordre » exploitant 7 prostituées et négociant l’arrivée d’une dizaine d’autres.
Comme les victimes, les mis en cause sont Nigérians, à l’exception d’un Français. Âgés de 24 à 58 ans, onze comparaissent détenus, douze sous contrôle judiciaire.
Une prévenue manque à l’appel : Jessica Edosomwan, née en 1993, est une des 18 criminelles les plus recherchées en Europe, soupçonnées de se cacher en France, en Belgique ou en Allemagne.
Des mois d’écoutes et de surveillance policière ont précédé l’interpellation des suspects en septembre 2017 puis janvier 2018. Ils encourent dix ans d’emprisonnement.
Âgées de 17 à 38 ans, les victimes sont originaires pour la plupart de Benin City dans l’État nigérian d’Edo, où les filières recrutent beaucoup depuis 2015 sur fond de récession économique et d’essor de la traite des migrants.
Avant d’échouer à Lyon, beaucoup ont parcouru le même chemin à travers l’Afrique, la Méditerranée et l’Italie, le réseau s’appuyant sur des passeurs en Libye et disposant d’un relais dans un camp de réfugiés à Milan.
Un exil synonyme d’abus de faiblesse : à des mères isolées ou des filles maltraitées, on fait miroiter un avenir de coiffeuse ou couturière. Avant de les contraindre, en vendant leurs corps, à rembourser une « dette » de plusieurs dizaines de milliers d’euros extorqués lors de la cérémonie du « juju » avant leur départ.
L’emprise de ce rituel vaudou, récurrent dans les témoignages et demandes d’asile, est « réelle », soulignent les magistrats.
AFP