Niamey (© 2025 Afriquinfos)- Ces dernières années, outre la lutte sur les théâtres d’opération contre les terroristes et bandits armés de tout acabit, les Armées des pays du Sahel, notamment celles de l’AES (Burkina Faso, Mali, Niger) sont confrontées à une véritable guerre de l’information. Leurs dirigeants dénoncent fréquemment la promptitude avec laquelle les attaques terroristes sont relayées et commentées par les médias occidentaux, pendant qu’à contrario, les succès des Armées de l’AES sont passées sous silence. Ou traitées sous l’angle d’exactions commises sur des civils. Une situation qui pousse les dirigeants de l’AES à vouloir contrôler eux-mêmes leur communication.
Des plateaux télés avec des analystes curieusement bien renseignés sur les modus operandi des terroristes, appuyés par des images de première main ou encore des interviews exclusifs accordés par des chefs terroristes, ils s’en déroulent très souvent sur des médias occidentaux. Il n’en fallait pas plus pour que les dirigeants des trois pays de l’AES, montent au créneau pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme un soutien au terrorisme dans le Sahel. Ce n’est en effet pas rare de voir sur ces médias, ces analystes commentés images à l’appui, des attaques terroristes en mettant l’accent sur la débandade des troupes régulières, les pertes qu’elles ont subies, le butin emporté par les terroristes ou encore l’utilisation de drones et autres technologies par ces derniers.
On a en mémoire, en septembre 2024, une action judiciaire et des investigations entamées par les parquets du Mali, du Niger et du Burkina Faso, contre le journaliste de la chaîne française France 24, Wassim Nasr, lui reprochant ses sources dans les milieux djihadistes et l’accusant de soutenir leurs actions au Sahel. « L’analyse combinée des différentes interventions de Wassim Nasr sur les différents médias où il intervient laisse apparaître des prises de positions et des commentaires s’assimilant à des actes de publicité et de soutien flagrant aux terroristes et aux actions des terroristes sévissant au Sahel », ont souligné les appareils judiciaires des pays de l’AES. Les faits visés par les enquêtes étaient « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, complicité d’acte terroriste et apologie du terrorisme ». Pour ce pays, il ne faut aucun doute que Wassim Nasr a des contacts fréquents avec les djihadistes affiliés à Al Qaîda qui lui communiquent leurs objectifs, leurs positions ou le bilan humain de leurs attaques.
Les pouvoirs militaires de Niamey, Bamako et Ouagadougou, ont au fil des années, suspendu des médias français, dont France 24 et RFI et expulsés des correspondants de nombreux médias étrangers, les accusant de faire le jeu, des terroristes. Si ces médias dénoncent des entraves à la liberté d’expression, au sein de l’AES, on parle d’une guerre de l’information qu’il faut à tout prix, gagnée. On assiste désormais à une « réponse du berger à la bergère » en cas de diffusion d’informations jugées erronées ou mensongères par des médias. L’exemple de l’attaque de Moura au Mali, illustre bien cette confrontation des récits. Alors que les médias internationaux et les organisations de défense des droits humains ont rapporté, en mars 2022, que l’armée malienne et le groupe Wagner auraient exécuté environ 500 civils, le gouvernement malien a présenté cette opération comme une victoire militaire ayant permis de neutraliser 203 terroristes.
On comprend donc le lancement de projets de création de médias (radio et télé, web TV) dédiés à l’AES pour selon les dirigeants de l’AES « contrer les narratifs étrangers et fournir aux populations de l’espace sahélien, des informations de qualité ». Cette maitrise est aussi selon un moyen de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent (et) de garantir auprès de l’opinion nationale et internationale la diffusion des informations claires et du coup briser le monopole de la communication des anciennes puissances coloniales ».
Boniface T.