Abidjan (© 2024 Afriquinfos)– Jean-Luc Agboyibo (CEO d’OSH-Omega Sports Holding-) a pour mantra «la structuration et le développement de l’industrie du sport en Afrique». Inconditionnel de la balle orange et acteur du décollage de la BAL (Basketball Africa League) en Afrique, il œuvre aux côtés de Cheick Sanankoua (fondateur d’OSH) pour un ‘rebranding’ de l’économie africaine d’ici 2050 à travers un investissement prodigieux et bien structuré dans l’industrie sportive qui monte en puissance sur le continent berceau de l’Humanité. Plongée dans les réalisations massues de l’OSH en Afrique occidentale et ses projections sur le moyen terme.

Omega Sports Holding, plateforme d’investissement, projette d’injecter sur les prochaines années 50 millions de dollars dans l’économie du sport en Afrique. Qu’est-ce qui vous pousse à fonder des espoirs prometteurs sur le devenir du sport en Afrique en général?
En Afrique, le sport est un domaine en plein essor qui offre d’immenses opportunités économiques et sociales. Au-delà de super-évènements qui relancent la dynamique du développement du sport en Afrique, des initiatives doivent être prises plus localement. En investissant au sein de clubs sportifs locaux, nous voulons miser sur cette industrie locale naissante car l’Afrique, avec ses talents sportifs innombrables, se trouve à un tournant. La Coupe d’Afrique des Nations 2023 organisée en Côte d’Ivoire a captivé l’attention mondiale (+ de 2 milliards de téléspectateurs en cumulé) tandis que la BAL (Basketball Africa League) a connu en 2024 sa 4e saison. L’intérêt pour le sport local africain est grandissant, et nous avons plus que jamais l’opportunité de créer sur place ce qui peut faire rêver ailleurs.
Ces compétitions ne sont pas seulement des vitrines pour nos talents, elles représentent aussi des moments-clés pour réfléchir aux stratégies permettant de surmonter les obstacles qui entravent le développement du sport sur notre continent. Or, le constat est sans appel: malgré́ une richesse en talents, le sport local africain peine à se frayer un chemin vers la professionnalisation en raison d’un manque criard d’infrastructures, de formations adéquates et de financements.
L’économie sportive africaine, ne représentant que 0,5% de notre PIB contre 2% à l’échelle mondiale, illustre parfaitement ce défi. La disproportion des retombées économiques des événements sportifs internationaux, souvent organisés par des acteurs étrangers, souligne l’urgence d’une réappropriation et d’une valorisation de nos ressources internes. Conscients de ces défis multiples, nous avons créé Omega Sports Holding avec l’ambition de contribuer à la valorisation et au développement de l’industrie du sport sur notre continent. Dans cette optique, nous avons déjà̀ investi dans deux actifs significatifs qui illustrent notre vision à long terme: l’Abidjan Basketball Club et le Racing Club d’Abidjan.
Mais l’engagement d’Omega Sports Holding ne se limite pas à la possession et à la gestion de clubs sportifs. Il embrasse une vision plus large qui s’appuie sur une expertise financière et sportive de premier ordre pour mettre en place des infrastructures modernes, promouvoir des formations de qualité́ et assurer des financements adéquats.
Pourquoi Omega Sports Holding a-t-elle choisi de commencer à miser sur le sport africain en choisissant Abidjan Basketball Club et le Racing Club d’Abidjan comme partenaires stratégiques, et non d’autres formations emblématiques sportives en Côte d’Ivoire?
Ce sont deux des sports les plus pratiqués sur le continent africain, en particulier le football. Au-delà de l’investissement financier, nous allons vers des clubs avec qui nous partageons les mêmes valeurs et la même vision de développement. Ça a été le cas avec l’ABC (Abidjan Basketball Club), qui s’est imposé comme une référence dans le basketball ivoirien et africain. De même avec le Racing Club d’Abidjan, qui a terminé au 2è rang dans le Championnat de 1ère Division en Côte d’Ivoire (saison 2023-2024), qui reflète notre volonté de participer activement à la promotion du football local.
Cheick Sanankoua (le fondateur) et moi étant tous deux passionnés de basketball, nous partageons une histoire de longue date avec l’ABC. Pour ma part, j’ai travaillé pendant presque 4 ans au sein de la Basketball Africa League, la première ligue africaine de basketball sur le continent, développée par la NBA et dans laquelle l’ABC a atteint les play-offs lors de la 3è édition. Cheick a, quant à lui, siégé au Conseil d’administration de l’ABC avant de souhaiter y investir. Aussi, étions-nous déjà conscients que le football reste le sport-roi sur le continent comme nous l’avons vu lors de la dernière CAN en Côte d’Ivoire. Concernant le RCA, notre actif le plus récent, nous avons rencontré le président du club, Souleymane Cissé, et avons souhaité investir au-delà du sport élite sur du sport à impact. Nous sommes particulièrement attachés à des modèles de clubs, comme le RCA, qui ont un pouvoir transformateur sur les communautés au sein desquelles ils évoluent.
«Développer des initiatives locales à fort impact pour le développement du sport et l’accompagnement des jeunes» est une niche qui intéresse tout particulièrement OSH dans son cœur de métier. Pourquoi ce choix?
L’Afrique est aujourd’hui le continent le plus jeune au monde et, en 2050, plus de la moitié de la population du continent aura moins de 25 ans. Il faut donc que ces jeunes aient des débouchés en termes d’emploi, de construction de vie et de développement personnel.
Nous pensons que le sport peut contribuer à l’autonomisation de ces jeunes et répondre à une partie de la demande d’emploi. L’industrie du sport est vaste et regroupe un nombre significatif de métiers spécifiques. Mais pour pouvoir saisir ces opportunités, les jeunes du continent doivent être prêts. Cela passe par la formation, le renforcement de leur employabilité et un travail sur le développement de soft skills.
Il faut commencer à préparer cela dès aujourd’hui. Nous voulons recréer ici ce qui fait rêver les jeunes ailleurs, et pour cela, nous devons nous adresser directement à eux et leur proposer des solutions qui sont adaptées à leurs préoccupations, leurs rêves. À ce titre, nous essayons de développer des partenariats qui vont au-delà du sponsoring. Par exemple, en plus du sponsoring, et en collaboration avec la BNI (Banque Nationale d’Investissement) de la Côte d’Ivoire qui est un partenaire de l’ABC, nous avons développé un volet «Education et inclusion financière des joueurs, des joueuses et du personnel». Ils ont notamment reçu des cartes VISA prépayées pour faciliter leurs paiements, renforcer les bonnes pratiques financières et les accompagner dans leur bancarisation.
L’athlétisme et le cyclisme sont également des disciplines sportives hyper populaires en Afrique, les seules qui vont vers les publics, mais les clubs de base dans ces disciplines sont les parents pauvres d’investissements massifs. Que peut faire OSH pour rectifier le tir en la matière?
Nous sommes une société d’investissement avec une volonté d’accompagner le développement de l’économie locale du sport. Même si nous souhaitons avoir un fort impact sur le continent, nous devons porter une attention à la rentabilité des projets, que ce soit à court, moyen ou long terme. Ainsi, nous décidons d’accompagner ou non un projet sur la base de sa maturité. Néanmoins, nous échangeons et conseillons régulièrement des porteurs de projets qui ont besoin d’expertise et d’accompagnement pour structurer leurs initiatives.
Sur les cinq sous-régions que compte le continent africain, dans quelle zone comptez-vous injecter dans les prochains mois des investissements après l’Afrique de l’ouest?
Nous souhaitons dans un premier temps renforcer nos investissements en Afrique de l’Ouest. Par la suite, nous sommes susceptibles d’investir dans les autres régions d’Afrique, tant que le projet est cohérent, que les valeurs sont communes, que la vision est partagée, et que le marché est porteur. Et pourquoi pas dans d’autres régions du monde, si cela permet de nourrir le secteur du sport africain.
De quelle manière OSH peut-elle apporter une plus grande plus-value aux sous-segments de la «formation» et du «E-sport» dans le secteur sportif africain qui souffre d’un retard criard dans ces domaines sur les autres continents ?
Le continent accuse un retard en matière de connectivité. La digitalisation est une priorité pour les décideurs et des efforts importants sont faits aussi bien au niveau du public que du privé pour que le continent puisse prendre le train de ce nouveau monde. Une fois que ces obstacles seront levés, le secteur connaîtra un boom. Néanmoins, nous sommes d’ores et déjà en contact avec des acteurs du E-sport en Côte d’ivoire et au Maroc. Nous suivons de près les initiatives menées, même si ce n’est pas encore un secteur sur lequel nous avons décelé une opportunité.
Au-delà des disciplines sportives populaires en Afrique comme le football et le basket-ball, que peut faire OSH pour booster un peu plus le handball et le volleyball qui drainent également des foules sur le continent?
À date, nous devons faire des choix stratégiques afin d’avoir un impact significatif, avec des répercussions positives sur l’ensemble de la filière sportive africaine. Nous avons vocation à créer des émules et favoriser l’émergence d’un écosystème divers afin que d’autres acteurs nous emboitent le pas et, à leur tour, participent au renforcement de l’industrie du sport sur le continent via d’autres disciplines telles que le handball ou encore le volleyball. L’objectif est vraiment que chaque acteur prenne ses responsabilités, qu’il s’agisse aussi bien des acteurs privés, que publics et associatifs.
Mieux le secteur se structurera et arrivera à générer de l’attractivité économique et financière, plus cela impactera positivement l’ensemble des sports sur le continent.
Les 50 millions de dollars de projections d’investissements sur les 36 prochains mois en Afrique ne sont-ils pas faibles au regard des énormes défis qui se posent au développement du secteur sportif dans sa globalité en Afrique?
Nous ne serons pas seuls à investir pour le développement du secteur sportif en Afrique. D’autres acteurs ont commencé avant nous, et nous souhaitons que d’autres nous emboîtent le pas. La notion d’écosystème est très importante si nous voulons que notre action soit efficace et pérenne. L’ensemble de la chaîne de valeur doit être dynamique et travailler ensemble. Nous ferons notre part et nous souhaitons contribuer durablement à la structuration et au développement de l’industrie du sport sur notre continent.
Interview réalisée par Edem Gadegbeku