CEMAC : Le FMI juge la politique monétaire limitée par le système de taux de change fixe accroché à l’euro

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Au terme d’un séjour entamé le 10 juillet, la mission de consultation régionale sur les politiques communes des pays membres de la CEMAC conduite par le Français Joël Toujas-Bernaté a confirmé le ralentissement de la croissance régionale au cours des deniers mois constaté auparavant par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) qui a révisé ses projections de 5,2 à 3, 2% pour l’année en cours.

De 4,5% au départ, le FMI fait à son tour état d’une décélération entre 3 et 3,5%. Pourtant en 2012, cette croissance économique régionale avait été établie à 5,2%, « stimulée par les investissements publics tandis que l’inflation restait maîtrisée, bien que légèrement au dessus du critère de convergence régionale de la CEMAC qui est de 3% », souligne-t-il dans un communiqué de presse.

« Cette performance a été grandement soutenue par un ensemble de plans d’investissement assez ambitieux qui ont été lancés à travers un certain nombre de pays visant à combler en particulier le déficit en matière d’infrastructures. Ces plans d’investissement ont été depuis quelques années un moteur important de croissance dans bon nombre de pays », a déclaré à la presse Toujas-Bernaté.

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Surtout, ces plans « ont permis à la zone finalement de mieux supporter les effets de la crise mondiale que l’on a pu voir dans d’autres zones à travers le monde », a précisé le chef de mission qui a salué par ailleurs l’accroissement des réserves extérieures à un niveau confortable de « près de 17 milliards de dollars, soit l’équivalent de six mois d’importation de biens et services ».

« Même si cette situation reste globalement favorable, tempère cependant l’économiste, il y a un certain nombre de risques qui pèsent sur la région. Le premier d’entre eux est la dépendance au niveau régional et à des degrés divers dans les différents Etats membres vis-à-vis des recettes tirées des ressources naturelles et en particulier du pétrole, qui rendent donc la zone vulnérable à un retournement possible des prix du pétrole. »

« Malheureusement, ajoute-il, on ne peut pas effectivement exclure que ces prix qui sont encore à des niveaux élevés se retournent en cas de ralentissement plus marqué de l’économie mondiale et notamment dans certains pays émergents qui représentent aujourd’hui des marchés importants pour les matières premières et en particulier le pétrole. »

A l’exception de la République centrafricaine (RCA), d’ailleurs déclarée en récession avec une croissance négative de – 14% contre 3% de prévision initiale pour 2013 par la BEAC à cause de la guerre, tous les autres cinq pays de la CEMAC que sont le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad tirent en effet principalement leurs recettes d’exportation de la production pétrolière.

Ces pays, hormis la Guinée équatoriale qui avait été colonisée par l’Espagne, sont pour la plupart des anciennes colonies françaises ou, cas du Cameroun, simplement administrés par la France dans le cadre d’une tutelle décidée après la première Guerre mondiale après l’échec de l’Allemagne par la Société des Nations (SDN), ancêtre de l’Organisation des Nations Unies (ONU).

De fait, y compris finalement la Guinée équatoriale qui avait décidé de plein gré de rejoindre le groupe, ces pays d’Afrique centrale font partie des quinze membres de la zone CFA, monnaie commune à parité fixe arrimée à l’euro après la disparition du franc français.

Malgré « une certaine marge de manoeuvre », Joël Toujas- Bernaté estime toutefois que la politique monétaire de la CEMAC « est limitée un petit peu par le système de taux de change fixe accroché à l’euro (..) ce cadre de politique monétaire là aussi tel qu’il est construit aujourd’hui ne répond pas tout à fait à la situation rencontrée pour le système financier qui bénéficie d’une très grande utilité ».

Un système financier qui, selon lui, « appelle à développer de nouveaux instruments pour la banque centrale afin de pouvoir intervenir et éventuellement influer sur l’évolution des agrégats monétaires dans l’ensemble de la zone ».

Pour lui encore, « il y a un effort de suivi et de coordination des politiques budgétaires qui permettent de soutenir l’accord en matière de taux de change. Notre constat, c’est que ces mécanismes de surveillance ne sont plus forcément les mieux adaptés à la situation, aux défis et aux risques qui se posent pour la région. Donc, ils devraient sans doute être réformés afin de mieux assurer la vitalité des positions budgétaires et mieux se prémunir des risques pesant sur les recettes pétrolières et les prix du pétrole qui, historiquement, sont très volatiles ».

C’est en raison de cette parité fixe du franc CFA par rapport à l’euro qu’après la Banque centrale européenne (BCE) en 2012 la BEAC vient de décider une réduction de 4 à 3,5% de son taux directeur (ou de crédit). Avant cette décision annoncée à la presse vendredi à Yaoundé, un écart accru était déclaré entre les taux sur l’euro et sur le franc CFA. « Donc, la réduction qui a été mise en place par la BEAC depuis hier ramène cet écart à un niveau plus minime », a expliqué Toujas-Bernaté.

Dans ses propositions de réforme du système reconnu en surliquidités, la mission du FMI a préconosé la mise en place d’instruments de marché « qui permettraient à la banque centrale d’absorber plus efficacement l’ensemble de ces liquidités. On pourrait penser à l’émission d’instruments particuliers de la BEAC mais également développer des principes de conduite d’opérations sur les marchés des accords-cadres de rachat ».

De l’avis de son chef, « ca devrait également s’appuyer sur un développement plus important du marché des titres publics. Mais là il y a besoin d’une coordination avec les Etats membres et notamment les différents trésors en matière de titres publics pour justement avoir une assiette de titres qui pourraient être utilisés également en termes de garanties dans les opérations interbancaires beaucoup plus développées que ce n’est le cas aujourd’hui. »

Il a recommandé une attention plus particulière au problème des prêts aux apparentés, c’est-à-dire des prêts à des personnes physiques ou morales qui sont actionnaires dans ces banques. « C’est une des sources des problèmes et des difficultés que nous avons pu observer dans un certain nombre d’institutions », a rapporté l’économiste.