Abubakar Shekau n’est plus l’homme de main sur le terrain pour l’Etat islamique qui l’a remplacé par Abu Musab al-Barnawi. Ce que conteste le chef du groupe islamiste nigérian qui l’a fait savoir à travers un message audio. C’est à travers des médias que la brouille s’est révélée au grand jour. En effet, dans la revue Al Naba (l’hebdomadaire de propagande de Daech), Abu Musab al-Barnawi est présenté comme son nouvel émir au Nigeria.
En réponse à cette nomination, Abubakar Shekau a fait part de sa surprise face à cette décision et déclaré qu’il ne reconnaîtra plus aucun émissaire de l’EI à part ceux qu’il pense être «vraiment engagés dans la cause d’Allah». Une allusion faite à son «successeur» qu’il accuse de l’avoir trompé et l’a traité de mécréant.
Visiblement, Abubakar Shekau ne compte pas céder le pouvoir à son «rival». Son message audio dans lequel il a déclaré «Je suis toujours présent» est assez révélateur. Sauf qu’il y aurait un montage derrière cette sortie. En tout cas, c’est ce que croient savoir les spécialistes. Selon eux, le message ressemble curieusement à la vidéo diffusée le 24 mars 2016 (qui remonte à la dernière communication de Shekau). La voix et le message sont pareils, font observer les spécialistes qui ajoutent qu’il y a une troublante coïncidence dans les gestes. Pour certains, si cela s’avérait vrai, il y aurait une crise au sein de la branche nigériane de l’Etat islamique et qui daterait de plusieurs mois.
«Ces messages entérinent une situation de fait: l’éclatement du mouvement», analyse Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute. A l’en croire, une scission s’est dessinée au sein de Boko Haram. Il y a d’une part, les fidèles de Daech et de l’autre de côté ceux d’Abubakar Shekau.
L’Etat islamique en perte de terrain en Afrique…
La nouvelle nomination est visiblement une stratégie de reconquête. En effet, depuis l’accession à la présidence de Muhamadu Buhari, Boko Haram a sensiblement perdu sa capacité de nuisance. Contrairement à son étonnante liberté d’action sous Goodluck Jonathan. Le groupe islamiste a perdu du terrain. De plus, non seulement Abubakar Shekau peine à donner une dimension internationale à son «jihad», mais aussi sa position est jugée confuse. D’où, peut-être son remplacement par une aile plus dure en la personne d’Abu Musab al-Barnawi.
«Depuis l’élection de Buhari à la tête du Nigeria, on a une réponse beaucoup plus cohérente, donc Boko Haram a quand même pris des coups», fait remarquer Vincent Foucher, Chercheur à l’International Crisis Group. Il ajoute qu’ «il y a au fond l’idée que Shekau n’est pas bon commandant, ne choisit pas les bonnes cibles, ni les bons outils ou les bons hommes. Et donc l’Etat islamique s’investit un petit peu. Sans doute, ont-ils décidé de pousser une fraction de gens avec lesquels ils ont des liens». Pour Vincent Fourcher, cette nomination est une stratégie de reprise de pouvoir. Car, la branche islamiste au Nigeria subit des revers.
L’Etat islamique est dans une spirale de revers sur le continent africain. L’armée égyptienne a annoncé ce jeudi 4 août avoir tué Abou Douaa al-Ansari, le chef de la branche de Daech dans la péninsule du Sinaï. «Plus de 45 terroristes du groupe ont été tués et des dizaines d’autres blessés», a informé l’armée dans un communiqué. Elle a précisé que c’est sur la base de «renseignements précis» que l’opération a été menée.
Toutefois, l’information reste à être confirmée, surtout que l’Etat islamique n’a pas encore réagi.
Anani GALLEY