Namibie: Les ‘born free’ contestent la SWAPO, l’opposant Itula veut de nouvelles élections générales

Afriquinfos Editeur
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Une jeune femme vend des boissons près d'un bureau de vote de la capitale de la Namibie, Windhoek le 30 novembre 2024.

Le principal opposant en Namibie a prévenu qu’il ne reconnaitrait pas les résultats des élections chaotiques qui se sont achevées samedi 30 novembre 2024 après quatre jours de vote, marqués par de nombreuses irrégularités et cafouillages, même s’ils lui étaient favorables.

Le candidat à la présidentielle Panduleni Itula, arrivé second en 2019, a lancé cet avertissement quelques heures avant l’annonce de premiers résultats, très partiels. Ces derniers donnaient la candidate du parti historique au pouvoir, Netumbo Nandi-Ndaitwah, en tête avec 48% des voix, suivie de Panduleni Itula crédité de 29%, après le dépouillement de 10 des 121 circonscriptions du pays.

Un Namibien met son bulletin de vote dans une urne, dans un bureau de vote de la capitale Windhoek, le 30 novembre 2024.

Panduleni Itula a annoncé devant la presse qu’il entendait faire ‘annuler selon les procédures prévues’ ce scrutin  indécis pour le parti historique au pouvoir, quel que soit le résultat qu’il ne reconnaîtra pas’. ‘Nous ne pouvons qualifier ces élections de libres, équitables et légitimes’, a dénoncé l’opposant après les scènes de mercredi 27 novembre 2024, quand certains Namibiens ont dû attendre jusqu’à 12 heures pour voter.

Une femme dépose son bulletin de vote dans un bureau de vote de la capitale Windhoek le 30 novembre 2024, en Namibie.

Dirigée par le même parti, la Swapo, depuis son indépendance en 1990, la Namibie, qui se targue de sa paisibilité et de sa démocratie, entre dans sa pire crise institutionnelle. M. Itula, ex-dentiste et avocat de 67 ans, a appelé le Président Nangolo Mbumba à ‘réunir son Cabinet pour trancher sur ce qui doit être fait’.

Le scrutin ouvert mercredi, pour élire le Président et le Parlement, a ainsi été prolongé à deux reprises après les files aussi statiques qu’interminables qui ont empêché de nombreux électeurs, parmi les 1,5 million d’inscrits, de déposer leur bulletin dans l’urne. ‘Les processus de vote ont été délibérément retardés dans plus de 63% des bureaux de vote du pays’, selon un rapport de l’Organisation des avocats en droits humains d’Afrique australe qui avait dépêché une Mission d’observation.

Celle-ci, déployée dans tout le pays, a rapporté aussi ‘des retards délibérés dans l’arrivée des bulletins de vote’.

– Appel à un nouveau vote –

Président des Patriotes indépendants pour le changement (IPC), l’opposant a demandé un nouveau vote ‘afin de garantir que le peuple namibien aura l’occasion d’exercer son droit démocratique’. La Swapo, représentée pour la première fois par une femme dans la course à la Présidence, Netumbo Nandi-Ndaitwah, a vu sa popularité s’éroder sous le poids du chômage massif des jeunes, devenus une large part de l’électorat, et des inégalités béantes dans ce pays riche en minerais.

M. Itula était arrivé deuxième lors de la présidentielle de 2019 avec 29,4% en tant que candidat indépendant, sans parti sur lequel s’appuyer alors. Le Président Hage Geingob, mort en février 2024, n’avait dû sa réélection au premier tour qu’à une demi-douzaine de points (56%). Ce qui laisse pressentir cette année un second tour inédit, selon nombre d’observateurs.

La prolongation des scrutins dans seulement 36 bureaux de vote ouverts, particularité du pays, à tous les Namibiens, a suscité la grogne de nombreux électeurs. ‘Il aurait fallu plus de bureaux’, estimait Sielfriedt Gowaseb, après avoir glissé samedi 30 novembre 2024 son bulletin dans le seul bureau de la région de Khomas, celle densément peuplée de la capitale Windhoek.

‘La plupart des Namibiens ne vivent pas en centre-ville’, déplorait ce juriste de 27 ans, avant d’ajouter que ‘si certains ne peuvent pas accomplir leur devoir à cause du transport, c’est injuste’. Naita Hishoono, Directrice exécutive de l’ONG Institut namibien pour la démocratie, estime aussi que ‘chaque circonscription aurait dû compter au moins un bureau de vote’. La Swapo redoute cette échéance après le vent de changement ayant secoué les partis de libération en Afrique australe cette année 2024 !

L’ANC a perdu sa majorité en Afrique du Sud, le BDP s’est effondré au Botswana et la victoire proclamée du Frelimo est contestée dans la rue au Mozambique depuis le 09 octobre 2024.

 Pourtant, il y avait eu une séance de rattrapage autour des votes

Les Namibiens ont saisi vendredi 29 novembre 2024 leur deuxième chance de voter après la prolongation partielle et jusqu’à samedi soir des élections, auxquelles le principal opposant Panduleni Itula a finalement appelé à « continuer » de participer.

‘Je ne dis pas que nous approuvons le processus’, a toutefois insisté le candidat à l’élection présidentielle et principal adversaire du parti historique au pouvoir, dont la formation avait d’abord demandé de ‘cesser le vote’. Un désastre organisationnel mercredi 27 novembre 2024 a forcé certains Namibiens à attendre jusqu’à douze heures pour voter aux scrutins présidentiel et législatifs, quand ils n’y ont pas renoncé.

Des électeurs dans un bureau de vote à Windhoek lors d’une prolongation du scrutin, le 29 novembre 2024 en Namibie.

La situation est d’autant plus tendue que la participation s’annonce comme l’une des clés de ces élections les plus indécises pour la Swapo, parti à la tête du pays depuis l’indépendance en 1990. Après une première prolongation confuse des bureaux de vote bien au-delà de leur fermeture prévue à 21H00 locales décidée tard mercredi, la Commission électorale a rouvert 36 bureaux pour deux jours vendredi et samedi. Particularité du pays, les Namibiens peuvent voter dans n’importe lequel d’entre eux.

L’opposant Panduleni Itula, ex-dentiste et avocat de 67 ans, a incité le 1,5 million d’électeurs inscrits à ‘rester calme’ après cet épisode de tension inédit dans ce pays d’Afrique australe, qui se targue d’ordinaire de sa paisibilité et de sa démocratie. Pour la première fois, la candidate de la Swapo, l’actuelle Vice-présidente Netumbo Nandi-Ndaitwah, qui ambitionne de devenir la première femme à la tête de la Namibie, pourrait être contrainte à un second tour inédit. La grogne monte à l’encontre de la Swapo dans ce territoire riche en minerai, en particulier chez les jeunes accablés par le chômage.

‘Je veux un nouveau Gouvernement’, témoigne dans la file du seul bureau rouvert de la région de Windhoek, Kangwe Methodus. Ce mécanicien de 26 ans est sans emploi comme 46% des 15-34 ans selon les derniers chiffres diffusés en 2018, qui se sont, de l’avis général, dégradés.

– Chômage massif et inégalités –

‘Mon diplôme n’est qu’un bout de papier prenant la poussière à la maison’, grommelle-t-il. ‘Quatre ans après, je n’ai toujours pas de travail’. Les disparités sociales sont béantes dans ce pays, le deuxième plus inégalitaire au monde, derrière son ex-occupant sud-africain, d’après la Banque mondiale.

‘J’espère qu’il y aura du changement, ce parti politique ne nous a fait que des promesses sans lendemain’, estime Johanna Kaiko, professeure de 54 ans. ‘L’équité n’est pas au rendez-vous’. Par centaines, les électeurs ont défilé vendredi 29 novembre 2024 dans le seul bureau où le vote a été prolongé dans la région de la capitale Windhoek, malgré les 34 degrés Celsius. ‘Si le taux de participation est élevé, en particulier dans les grandes villes, y compris la capitale Windhoek, c’est une mauvaise nouvelle pour la Swapo’, prédit l’analyste Ndumba Kamwanyah, Professeur à l’Université de Namibie.

Reste à savoir quel a été l’impact de l’attente interminable du mercredi 27 novembre et des réouvertures très parcellaires de bureaux de vote décidées depuis. ‘Dans la plupart des régions, des électeurs ont abandonné les files d’attente en raison de leur lenteur’, a décrit vendredi le Centre africain pour la gouvernance, qui disposait de 38 observateurs en Namibie.

Les différentes Missions d’observation ont unanimement rapporté des pénuries de bulletin et des ‘pannes répétées’ des tablettes servant à vérifier les identités ayant considérablement ralenti le vote. Devant l’hôtel où elles tenaient un point presse à Windhoek, une trentaine de personnes ont manifesté avec des pancartes comme ‘les élections en Namibie ne sont ni libres ni équitables’, ou ‘Virez l’ECN’, à savoir la Commission électorale.

‘Ne rouvrir qu’un seul Bureau à Khomas (la province de la capitale, NDLR), est absurde’, s’agaçait dans la matinée de ce 29 novembre 2024 Ensley Engermund. Cet agent de sécurité avait renoncé mercredi après avoir tenté sa chance à quatre différents endroits. ‘Il n’y a que 1,5 million d’électeurs inscrits et on se retrouve avec ce chaos ? C’était pour décourager les gens’. Un sentiment partagé par une frange de l’électorat qui manifeste de la défiance envers le parti au pouvoir depuis 34 ans.

Une électrice vote à Windhoek lors d’une prolongation du scrutin, le 29 novembre 2024 en Namibie.

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