Mort d’Awa Traore, un homicide de trop qui révolte les Mauritaniennes sur la durée

Afriquinfos Editeur
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Meurtre d'Awa Traoré en Mauritanie (Dr-Aliya Abass)

Nouakchott (© 2025 Afriquinfos) – Un féminicide de trop ! Et c’est celui d’Awa Traoré, une jeune femme Mauritanienne de 18 ans dont le corps sans vie a été découvert dans une maison située à El Mina, un quartier populaire de Nouakchott le 29 mai dernier. Elle avait disparu depuis la veille, après avoir quitté sa mère à la suite d’un appel vidéo reçu d’une amie.

Awa, entrepreneure dynamique, mère d’un enfant d’un an et récemment mariée, a été violée, assassinée, puis abandonnée nue et enroulée dans un tapis, un ventilateur dirigé vers elle. Son corps en état de décomposition témoigne de la cruauté du crime et du temps écoulé sans intervention, selon plusieurs témoignages dans la capitale mauritanienne.

Le plus choquant reste l’appel reçu par la famille le lendemain de sa disparition, émis par l’auteur présumé du crime, qui a cyniquement indiqué le lieu où se trouvait le corps, lançant une menace à l’époux de la victime.

Malgré l’urgence et la gravité du drame, les forces de l’ordre et le parquet ont brillé par leur lenteur et leur absence. La Police est intervenue tardivement, et le procureur attendu n’était toujours pas présent sur les lieux plusieurs heures après l’appel sus-mentionné. Ce n’est qu’à 23h que les pompiers ont été mobilisés pour transporter le corps à l’hôpital de l’Amitié, où il est resté en attente d’autopsie et de décisions judiciaires.

Un fait sordide, des réactions vives

Dans un communiqué, l’ONG ‘Femme et Résilience pour les droits Humains en Mauritanie’ a qualifié le « meurtre d’odieux ». Elle a dénoncé avec la plus grande fermeté un « crime ignoble à l’encontre d’une jeune femme innocente ». Ou encore « le silence inacceptable et la négligence des autorités judiciaires et policières, l’absence de protection réelle des femmes face aux violences sexuelles et aux féminicides ».

L’ONG a en outre appelé à l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante et transparente, à l’arrestation rapide et au jugement exemplaire de l’auteur de ce crime, ainsi qu’à une réforme profonde des procédures de prise en charge des violences faites aux femmes en Mauritanie.

’La vie de Awa Traoré ne doit pas s’ajouter à la longue liste des femmes sacrifiées dans l’indifférence. Nous demandons justice. Nous exigeons des réponses’’, s’est insurgée la même source.

La Mauritanie championne de l’impunité face aux VBG (Violences basées sur le genre)?

Et pourtant, ce n’est pas un cas isolé. Depuis plusieurs années, la Mauritanie est le théâtre silencieux d’une tragédie. Les violences sexuelles et des meurtres de femmes se multiplient, tandis que l’État reste presque muet.

En 2024, « 366 cas de viols » ont été enregistrés par l’Association Mauritanienne pour la Santé de la Mère et de l’Enfant (AMSME). Parmi eux, 225 concernent des filles mineures. Dix-huit de ces viols étaient collectifs, selon la même source.

En 2021, elles étaient 336 victimes à avoir survécu à l’horreur. Et combien d’autres n’ont jamais pu parler? Le pays a pourtant ratifié la Convention pour l’élimination des discriminations envers les femmes (CEDAW) en 2001. Le projet de loi «Karama» censé criminaliser le viol et les violences basées sur le genre est bloqué depuis 2016, selon des spécialistes de cette question.

Pire encore: porter plainte, c’est risquer d’être poursuivie. En Mauritanie, une victime de viol peut être accusée de «relations hors mariage», une double peine, une double injustice.

V. A.