Mendiant, un métier à part entière

Afriquinfos Editeur
5 Min de Lecture

Il y a des postes pour les week-ends, des « parkings » pour les jours de la semaine, des tarifs établis, bref, toute une organisation qui dénote l’existence d’un véritable réseau de mendiants dans la capitale.

Un peu comme un employé modèle, du lundi au vendredi, ils se réveillent et prennent le chemin des différents endroits où ils exercent. Il y a aussi ceux qui passent les nuits à la belle étoile devant les magasins couverts de cartons pour être au poste dès le premier appel du muezzin. Ce sont généralement des enfants passés sans transition à l’âge adulte, des femmes enceintes ou allaitantes, des handicapés de tous genres sur une béquille ou sur deux tiges d’eucalyptus, des aveugles, parfois des lépreux qui grouillent dans le centre-ville et ses avenues.

Certains se rendent volontairement hideux pour attirer l’attention et susciter la commisération. Ils semblent porter la misère du monde sur le visage. Pour beaucoup d’entre eux, la mendicité estun métier.

À l'image de ces vieilles édentées ou de ces vieux bougres qui louent des enfants à des familles pauvres des quartiers populaires comme Buterere et Kinama. Dans la journée, ces enfants loués se perdent dans les cohues du marché central. Ils se faufilent dans les jambes des citadins et tendent la main à tout venant.

Les hommes en cravate et les femmes bien mises constituent leurs premières cibles. Refoulés, ils pleurent pour susciter la pitié. « La location de ces petits enfants leur rapporte 4000 Fbu par jour. Il leur arrive parfois d’oublier à qui remettre la recette du jour », raconte Emmanuel, commerçant au marché central.

L'entrée nord du marché est le coin d'une fille souffrant d’hydrocéphalie. Elle est là depuis 5 ans, endormie sur son lit déplaçable, changeant de propriétaire chaque jour. Et cela « rapporte » : les billets de 500  et de 1000 Fbu tombent. Lorsqu’ils atteignent une certaine épaisseur, le locataire du jour surgit et vide le carton à aumônes ….

Non loin de là, près de l'entrée principale de la Poste, une femme d'une vingtaine d'années avec des traces de maquillage au niveau du visage  raconte pourquoi elle en est arrivée là : «  Ma patronne m’a virée lorsque je suis tombée enceinte. Je n’ai pas d’autre choix que de mendier si je veux m’en sortir. »

La mendicité est devenue à un tel point rentable qu'il n'est même plus étonnant de croiser un monsieur bien mis demandant 500 Fbu pour « sa femme en soin à l'hôpital Roi Khaled … » Quelques dizaines de minutes plus tard, vous croisez le même quidam cent mètres plus loin à la recherche de « 1000 Fbu pour le lait de son nouveau-né. »  

« La pauvreté, la dégradation de la culture burundaise, le laxisme de l’administration, la non-incrimination de la mendicité des adultes par le nouveau code pénal » sont les principales causes de l’éclosion des mendiants dans la ville de Bujumbura selon Aimable Barandagiye, de la Fédération Nationale des Associations engagées dans la protection de l’Enfance au Burundi (FENADEB). Il indique que ces mendiants sont constitués à 60% par les enfants de rue.

Dans cette stratégie, précise-t-il, il est prévu la prévention, mais aussi la prise en charge des enfants par des actions de soutien aux familles vulnérables. Elle a été élaborée par le ministère de la Solidarité nationale, des Droits de l’homme et du Genre. Et si les familles deviennent autonomes, poursuit-il, elles seront capables de répondre aux besoins de leurs enfants, voire de les scolariser. 

A cet effet, le ministère a mis en place deux centres, mais la capacité de chacun d’entre eux ne dépasse guère les 150 personnes. Une goutte d’eau dans un océan de misère…