A Melilla, Espagne et Maroc violent les Droits de l’Homme

Afriquinfos Editeur
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Quatre organismes et associations espagnoles ont effectué une visite à Melilla, du 3 au 6 juillet, parcourant les deux côtés de la frontière et rencontrant de nombreuses associations locales. La campagne d’Etat pour la fermeture des Centres d’internement d’étrangers (CIE), le coordinateur étatique pour la prévention et la dénonciation de la torture, le groupe d’action humanitaire et l’observatoire du système pénal et des droits humains de l’Université de Barcelone ont effectué cette visite ensemble. Face à la situation alarmante qu’ils ont trouvée sur place, ils sont actuellement en train de rédiger un rapport qui sera remis d’ici une quinzaine de jours au Sub-comité de prévention de la torture de l’ONU et au Comité européen de prévention de la torture du Conseil de l’Europe. En attendant, ils ont déjà rendu public un rapport préliminaire, regroupant leurs principaux constats. Il est disponible sur le site de la campagne d’Etat pour la fermeture des CIE.

– Des violences policières des deux côtés de la frontière –

Les organisations dénoncent une situation dans laquelle les polices espagnole et marocaine se livrent en permanence à des actes de violence. Du côté marocain, l’utilisation de méthodes de torture et de mauvais traitement est une constante. Ces pratiques sont devenues la norme et, des réflexes chez les policiers. Elles sont d’autant plus importantes en cas de renvoi immédiat des étrangers vers le Maroc, phénomène que les associations nomment « retour à chaud ». Du fait d’accords de coopération, les forces de sécurité marocaines peuvent agir des deux côtés de la frontière, ce qui rend la situation encore plus sensible. Actuellement, plusieurs organisations sont en train d’enquêter sur la mort d’au moins 5 personnes au cours de ces derniers mois. Voici une vidéo, filmée le 18 juin 2014 et qui montre certains actes de violence commis par la police marocaine :

Violencia, ilegalidad e impunidad sin límites en la frontera de Melilla. from Asociación Pro.De.In. Melilla on Vimeo.

Du côté de la police espagnole, la situation est la même, et les mauvais traitements infligés aux migrants sont nombreux. Les associations rappellent qu’un drame c’est ainsi produit le 24 avril dernier. Lors d’une intervention contre une tentative de franchir la barrière de Melilla, la police a fait usage de bombes lacrymogènes, faisant au moins 50 blessés. Les gaz ont en effet été lancés directement au visage des migrants, qui se trouvaient parfois à plus de cinq mètres du sol.

– Des « retours à chaud » souvent illégaux –

Face à l’afflux sans cesse plus important de migrants, les autorités marocaines et espagnoles se sont peu à peu affranchies des procédures juridiques. D’après le rapport des organisations, les « retours à chaud » sont de plus en plus nombreux, et dans la majorité des cas, ils sont illégaux. Ils se produisent lorsque des migrants illégaux sont arrêtés au sein de l’enclave de Melilla. Dans la plupart des cas, ceux-ci sont immédiatement remis aux autorités marocaines, dans respecter le cadre juridique prévu.

– Un centre d’accueil pour migrants surpeuplé –

Au cours de leur visite, les organisations ont pu visiter le CETI (Centre de séjour temporaire pour immigrants) de Melilla. Celui-ci a une capacité d’accueil de 480 places, mais accueille aujourd’hui trois fois plus de migrants. En conséquence, il n’est pas en mesure de leur fournir les services et les protections adéquates. Plusieurs personnes d’origine syrienne se trouvant dans le centre devrait pouvoir bénéficier d’une protection internationale en tant que déplacés de guerre. Pourtant, ce n’est pas le cas et elles vivent le même cauchemar que les autres migrants. Souvent, les familles syriennes ne font pas de demande d’asile, car cela supposerait de rester à Melilla pendant de longs mois, dans un centre où les conditions de vie sont inhumaines. Enfin, le manque de place prive les familles d’intimité et sépare parfois des enfants d’un de leurs deux parents.

– Des mineurs non-accompagnés non pris en charge –

L’éthique et le droit veulent que les mineurs non-accompagnés et candidats à l’immigration soient pris en charge le plus tôt possible par l’Etat et, quand celui-ci est absent, par des associations. Les législations espagnole comme internationale sont claires à ce sujet : l’Etat a le devoir d’accueillir et de prendre soin des mineurs sur son territoire. Seulement à Melilla ce n’est pas le cas. De nombreux enfants vivent dans la rue faute de prise en charge. Ils se retrouvent donc déscolarisés, analphabètes et sans famille. Leurs conditions d’hygiène sont dramatiques et la vie dans la rue les expose à de nombreuses situations de violence. Le rapport des organisations déplore cette situation, alors même que l’Etat devrait prendre sous sa tutelle les enfants.

– Une assistance sanitaire en voie de disparition –

La loi espagnole autorise les personnes se trouvant en Espagne de manière illégale à bénéficier gratuitement d’une assistance sanitaire d’urgence. Là encore, c’est avant tout une question d’éthique et de respect des Droits de l’Homme et de l’humanité. Toutefois, à Melilla, les migrants qui sont pris en charge à l’hôpital sont contraints à signer un papier qui les engage à payer leurs soins, avant de pouvoir les recevoir. Cette pratique, bien qu’illégal, s’est généralisée à Melilla. Quand elle n’est pas observable, c’est parce que les autorités sanitaires répondent aux malades et blessés d’aller se faire soigner de l’autre côté de la frontière, au Maroc.

– Dénonciation des travaux d’amélioration de la barrière –

Dans leur rapport, les organisations condamnent les travaux de renforcement de la barrière, entrepris actuellement par le Maroc. A une cinquantaine de mètres de la barrière actuelle, le Royaume est en train d’en construire une nouvelle, fortement équipée, qui fera au total 3 mètres de haut. Un durcissement de la barrière qui serait dommageable, puisque selon les organisations, il conduira à une hausse significative de la gravité des blessures dont souffrent ceux qui essaient de (ou réussissent à) passer la barrière.

En somme, si tous les faits dénoncés par ces associations sont avérés (elle invite l’ONU à aller les vérifier dès qu’elle aura reçu son rapport), l’Espagne et le Maroc pourraient bien avoir de sérieux problèmes, et subir des réprimandes internationales conséquentes.

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