Pour les économistes de la MCB, "on peut déjà observer que le caractère récurrent et laborieux des perturbations économiques mondiales soumet l'économie mauricienne à des défis complexes et embarqués".
Effectivement, les deux plus importants secteurs économiques, soit le textile et le tourisme, essuient de plein fouet les effets néfastes de la crise économique dans la zone Euro. Les exportations mauriciennes de textile ont enregistré une régression de 13% pour les six premiers mois de cette année. Quant au secteur touristique, la décroissance, qui se situait à 2,4% au mois de juillet, s'est confirmée au mois d'août avec des chiffres en baisse de 1,4% par rapport à le même période l'année dernière, indiquent le dernier relevé de Statistics Mauritius.
Au total, pour les huit premiers mois de l'année, la croissance aura été quasi nulle. Le principal marché, l'Europe et en particulier la France, reste en crise et rien n'indique une amélioration dans un futur proche, estime la MCB dans sa dernière édition de MCB Focus.
Selon MCB Focus, l'économie française a stagné pendant le troisième trimestre consécutif au cours de la période se terminant à juin 2012 et l'économie britannique a enregistré son troisième trimestre successif de croissance négative. Par ailleurs, la MCB tire la sonnette d'alarme par rapport à la détérioration du taux de chômage, qui devrait être de l'ordre de 8, 1% cette année et la banque fait remarquer que la création d'emplois reste quasi nulle cette année.
La première banque de Maurice s'inquiète également des difficultés de trésorerie dont font face les opérateurs économiques avec la crise en Europe et ses répercussions sur les créances douteuses dans le secteur bancaire. "La propagation des chocs économiques mondiaux dans l'économie mauricienne peut se traduire par des indications d'une détérioration relative des indicateurs de qualité des actifs du secteur bancaire dans le sillage des difficultés de trésorerie rencontrées par les opérateurs étant dans certains secteurs économiques. Ainsi, en dépit de rester gérable, le ratio des prêts non performants au crédit total accordé à l'île Maurice s'est détériorée de 4,6% en mars dernier, comparativement à 4,3% à juin 2011", relève MCB Focus.
Des signes d'essoufflement sont également visibles dans le secteur de la construction avec la baisse dans les investissements privés et des délais dans la mise à exécution d'importants projets d'infrastructure. Pour la troisième année consécutive, les investissements privés par rapport au PIB ne représenteront que 22, 9% du PIB.
La MCB place de gros espoirs sur le prochain budget national pour 2013 qui sera présenté dans quelques semaines par le ministre des Finances pour fournir les armes nécessaires car, " Indéniablement, il y a une nécessité urgente pour renforcer sensiblement le programme national de réforme, avec la portée et la profondeur du programme de politique étant proportionnelle à la gravité des problèmes qui assaillent l'île Maurice, tout en répondant au besoin de soutenir l'économie de façon approprié au milieu du climat mondial exigeant".
Une demande qui rejoint celle du Conseil économique conjoint (Joint Economic Council- JEC) qui, dans un mémorandum soumis au vice-Premier ministre et ministre des Finances, Xavier-Luc Duval, dans la perspective du budget 2013, tiré la sonnette d'alarme sur la tendance baissière de l'économie. Le JEC relève que "la plupart des analystes sont préoccupés par le risque croissant de détérioration économique encore en 2013". Le secteur privé craint que la croissance sera inférieure à 3,5% en 2012.
"Le taux de croissance inférieur à 3,5% du PIB confirme une tendance sur trois ans de la diminution de la croissance de 4,2% en 2010 et 3,9% en 2011. Toutefois, si l'économie ne se conforme pas aux attentes des prévisions de Statistics Mauritius, le taux de croissance du PIB pourrait plonger davantage. Cette tendance à la baisse pourrait bien montrer une perte progressive de la résilience et les faiblesses structurelles de notre économie", s'alarme le JEC. Le JEC relève également que le taux d'investissement est en baisse et devrait atteindre 22,8% dans le cours de l'année, contre 23,7% en 2011 et 24,9% en 2010. Les investissements du secteur privé ont aussi baissé par 3,3% alors qu'une croissance de 1,5% avait été enregistrée l'année dernière. Par rapport aux quatre dernières années, les investissements sont passés de 26,4% en 2009 à 22,8% à ce jour. Les taux d'investissements sont passés de 19,8% à 17% du PIB. Mais le JEC est particulièrement inquiet de la hausse du chômage avec le taux passant au-dessus de la barre de 8% cette année. Le JEC répartit les secteurs économiques en trois catégories, soit celle avec un réel risque potentiel de compression de personnel, et les deux autres avec de faibles possibilités de création d'emplois.
Le premier groupe comprend des secteurs comme le tourisme, l'industrie sucrière, le textile, la construction, le commerce en gros et au détail, l'agriculture et le transport."Les activités de cette catégorie représentent environ 70% du total des emplois. Si l'on ajoute les 7% des emplois de l'administration publique, environ 77% de nos activités économiques ne seraient pas en mesure d’ajouter de nouveaux emplois ", prévoit le JEC, qui rejoint l'analyse de la MCB. Le JEC se dit très préoccupé du fort taux de chômage parmi les jeunes. "Au cours des trois dernières années, le taux de chômage dans le segment des jeunes est resté dans les 22% à 23%. La persistance d'un haut niveau de chômage des jeunes au cours des dernières années montre la faiblesse sous-jacente à absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail".
En attendant la présentation du prochain budget, les opérateurs économiques se tournent vers la Banque de Maurice qui doit revoir le taux directeur, actuellement à 4,9%, lundi 24 septembre. Le président du JEC, Ahmed Parkar, souhaite voir une roupie mauricienne compétitive qui, selon lui, est surévaluée de l'ordre de 12 à 15 %, préconisant une baisse du taux d'intérêt à cause du contexte actuel. Il s'attend à ce que le comité de politique monétaire réduise le taux d'intérêt de l'ordre de 50 points de base. Cet avis est partagé par Harold Mayer, CEO du Ciel Textile Ltd, entreprise qui exporte 75% de sa production vers l'Europe, pour lequel une légère détente du taux directeur est souhaitable.
De l'avis du directeur de Thomas Cook (Mauritius) Ltd., Feroz Dahoo, il y a possibilité de baisser de 25 points de base le taux directeur, ce qui renforcera, dit-il, dans une certaine mesure la capacité des industriels à rembourser leurs emprunts.