Maroc : Les orphelins pris en otage

Afriquinfos Editeur
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Les injustices qui se jouent depuis maintenant plusieurs mois autour de la kafala laissent les futurs parents sans voix, en proie au désespoir. Ce système d’adoption, qui permet à des musulmans d’adopter des orphelins marocains, fait l’objet d’une sape discrète mais acharnée de la part du premier ministre Mustafa Ramid.

La circulaire qu’il a fait passer en septembre dernier n’a pas force de loi, et les juges n’ont donc aucune obligation formelle à s’y plier. Pour autant, depuis lors, impossible ou presque pour les futurs parents non Marocains de voir leur dossier avancer d’un iota. Leur requête, sans motif clair, est qualifiée d’irrecevable et rejetée sans appel, comme pour Hakim et Nadia, jeune couple suisse récemment converti à l’Islam. Eux qui, depuis plus d’un an déjà, se rendaient chaque semaine à Casablanca pour voir le petit Omar grandir, se heurtent à un mur de refus, qui les brise.

D’autant que les arguments avancés sont, d’après maître Nadia Mouhir, totalement irrecevables. Mustafa Ramid évoque le risque que les enfants adoptés à l’étranger puissent basculer au christianisme ; or quand bien même un tel risque existerait, seuls 9,22% des enfants adoptés par kafala sortent effectivement du territoire national, l’Islam n’est donc pas en voie de disparition.

Deuxième argument, le ministre plaide que le suivi de l’enfant est quasiment impossible à l’étranger ; alors qu’en fait, il y est même plus facile, grâce aux infrastructures de la plupart des pays européens. Du reste, le suivi dont parle Mustafa Ramid n’est même pas effectué pour les kafils marocains de parents marocains et résidant au Maroc.

Et désormais, ce que futurs parents et associations craignaient le plus est maintenant en marche : le projet de loi qui vient d’être discrètement déposé par le PJD rendrait obligatoire que l’un des parents au moins soit de nationalité marocaine pour avoir recours à la kafala. Pour des femmes et des hommes partout en Europe, c’est un cauchemar qui devient réalité, un véritable déchirement.

Les enfants sont les premiers perdants de l’histoire. Les orphelinats marocains sont surpeuplés, et le personnel encadrant très réduit, ne permettant pas d’apporter aux enfants des conditions de vie, de développement et d’éducation satisfaisantes. Moins de 10% des enfants élevés dans des orphelinats parviennent à s’intégrer par la suite dans la société. Sans parler des conséquences psychologiques désastreuses que produit immanquablement ce deuxième « abandon », cette promesse de parents qui, finalement, ne se réalisera pas.

Quand on lui a objecté ces arguments, et demandé quelle alternative il proposait, le premier ministre Mustafa Ramid a répondu que « si les Occidentaux se préoccupaient tellement du sort de nos enfants, ils n’avaient qu’à financer des orphelinats ».

De quoi se sentir plus orphelin que jamais.