Sofiane Ben Ahmed et Yamina El Attari, tous deux militaires français d’origine marocaine et algérienne, ont convolé en justes noces le 22 juin dernier sous le regard de leur famille et de leurs amis. Quelques jours plus tard, le 2 juillet, un article paraît sur leur mariage dans l’hebdomadaire d’extrême droite Minute, avec comme titre « Le mariage qui fait honte à la France », montrant une photographie du couple tirant la langue.
Une copie de l’article a été publiée sur le site Citoyens Français. Ecrit avec dédain et mépris, il dénonce entre autres le déploiement « des drapeaux marocains et algériens », des infractions routières notamment un carrefour bloqué par des « voitures archipleines » avec des invités « assis ou debout, nez au vent, aux portières grandes ouvertes, sur le capot et même sur un pare-brise ».
Toujours selon l’article, une plainte a été déposée auprès de l’officier du ministère public avec les noms et qualités des mariés, des vidéos et un « descriptif détaillé des faits ». Le dépositaire, dont l’identité est restée secrète, se plaint du fait que les mariés n’ont pas respecté la « Charte du bon déroulement de la cérémonie », en vigueur depuis 2011, qu’ils avaient pourtant signé avant de se dire oui.
Le front de Gauche du Vaucluse et la fédération départementale du Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) ont qualifié hier lors d’une conférence de presse cet article de « lynchage médiatique ». Ils en dénoncent le contenu qui reproche aux nouveaux mariés d’avoir créé un remue-ménage en sortant de la cérémonie civile.
Toutefois, les convives qui ont enfreint les règles de sécurité routière ont été verbalisés et « les mariés ne peuvent endosser juridiquement les infractions de leurs invités », a déclaré Fabienne Haloui, conseillère municipale à orange et conseillère régionale du Front de Gauche du Vaucluse.
« C’est un traumatisme, c’est choquant à 23 ans de se voir salir comme ça quelques jours après leur mariage », s’est indignée Fabienne Haloui. Elle rajoute que les photographies illustrant l’article ont été prises sur les profils Facebook des jeunes mariés à leur insu. Pour l’élue, le but de l’hebdomadaire ne saurait être plus évident : «au-delà du fait que l’article déforme la réalité, bafoue le droit à l’image et détourne une photo n’ayant rien à voir avec ledit mariage, il y a une volonté de contester leur appartenance à la nation française avec des propos stigmatisants, racistes et xénophobes ».
En effet, l’hebdomadaire est allé jusqu’à traiter les jeunes mariés de « Français ‘de la France d’après’ ». Ces propos blessants ont fait l’objet de « commentaires injurieux sur les sites et blogs d’extrême droite », selon fabienne Haloui.
Tout ce boucan est d’autant plus pitoyable que Sofiane, en service à Rennes, faisait partie des troupes françaises envoyées au Mali, où il a perdu un pied. Il marche désormais avec une prothèse.
Fabienne Haloui affirme que tout ceci n’est qu’ «une manipulation de plus de l’extrême droite […] L’immigration est constitutive de l’identité française, avec d’abord les Belges, les Suisses… et aujourd’hui les Algériens, les Comoriens, les Marocains… »
Le couple, piqué au vif, va sans doute saisir la justice. Il pourrait, avec l’aide et l’assistance de la fédération départementale du Mrap, déposer plainte pour « propos mensongers et incitation à la haine raciale » et aussi pour « atteinte à la carrière professionnelle ».