Rabat (Afriquinfos 2016) – Le Parti justice et développement (PJD), à la tête du Gouvernement marocain depuis cinq (05) ans, a remporté les législatives du 07 octobre dernier. Selon les résultats, sur un total de 395 sièges, il en a remporté 125, devançant ainsi son principal rival le Parti authenticité et modernité (PAM) qui a obtenu 102 sièges. Istiqlal, le parti de la lutte pour l’indépendance, est arrivé en 3ème position avec 46 sièges.
Cette victoire confirme l’ancrage du PJD dans le pays. Mais en même temps, elle est un signal fort adressé aux responsables du parti. Car, le score réalisé par les libéraux du PAM révèle leur montée en puissance. C’est pourquoi ce deuxième mandat que le peuple marocain vient de conférer au «Parti de la lampe» devra lui permettre de «continuer la réforme» comme il l’a promis et consolider la confiance que les électeurs ont placée en lui. Pour ce faire, le parti du Premier ministre Abdelilah Benkirane devra s’atteler à la formation d’un Gouvernement qui puisse lui permettre de continuer le vaste chantier des réformes.
Difficile coalition en vue
Le système électoral marocain est conçu de telle façon qu’aucun parti ne peut obtenir la majorité absolue des suffrages d’une chambre qui compte 395 sièges. Le vainqueur du scrutin est obligé de former un Gouvernement de coalition. Toutefois, la désignation du Premier ministre revient au roi. Il choisit le chef du Gouvernement issu des rangs du parti vainqueur des élections.
Ainsi, le Premier ministre qui sera choisi par Mohamed VI devra former un Gouvernement de coalition qui s’annonce difficile. D’ores et déjà, le PAM a exclu toute participation dans cette future équipe gouvernementale. Ses membres accusent non seulement le PJD d’être responsable de la situation économique que traverse le pays, mais aussi de la montée de l’islamisme.
«Notre problème avec le PJD vient de son projet et de son idéologie (…) Récemment, le Premier ministre a dit se référer, en sa qualité de chef du parti, à la doctrine d’Ibn Taymiyya (un théologien sunnite du XIVe souvent instrumentalisé par certains groupes jihadistes», a dénoncé Ilyas El Omari, le Secrétaire général de cette formation prônant la modernité.
«Leur idéologie nous fait peur. Ce qui se passe dans notre société fait peur, (…) avec de violentes réactions contre la modernisation, des mœurs, des agressions», a-t-il déploré. Aussi, le PAM (fondé en 2008 par un proche du roi, Fouad Ali El Himma) regrette-t-il le nombre très infime des femmes dans le Gouvernement. Les seules possibilités qui restent pour le PJD sont le rapprochement avec les sociaux-libéraux et Istiqlal.
Il devra «faire la cour» à ce parti conservateur qui avait quitté le gouvernement en 2013. Autrement dit, se réconcilier avec les membres d’Istiqlal. La deuxième option est celle de la consolidation de l’alliance avec le Rassemblement national des indépendants (Sociaux-libéraux), qui sont dans l’actuel gouvernement. C’est donc une formation hétéroclite (comme la précédente) qui devrait constituer la nouvelle équipe gouvernementale censée consolider le développement économique du Maroc, Etat incontournable dans la Méditerranée.
Une configuration dans l’ombre du «Printemps arabe»
L’effet de contagion du «Printemps arabe» avait amené les autorités du Royaume chérifien à anticiper sur les événements. Dans un Maghreb pris dans l’effervescence de revendications politiques, le roi Mohamed VI a engagé des réformes constitutionnelles. Le 1er juillet 2011, les Marocains avaient ainsi approuvé par référendum l’indépendance de la justice, l’égalité civile et sociale aux femmes, le respect des libertés politiques, etc.
Néanmoins, le roi garde toutes ses prérogatives ainsi que le Premier ministre. «En 2011, plutôt que d’égarer notre pays dans des aventures (…), nous avons choisi la réforme dans la stabilité (…) Aujourd’hui, vous pouvez lever la tête et être fiers, vous avez sauvé le pays de la catastrophe», s’est félicité Abdelilah Benkirane lors de la campagne législative.
A la tête d’un Gouvernement de coalition composé de communistes, de libéraux et de conservateurs, le PJD est aux commandes du pays depuis 2012. A ce titre, il est le seul parti islamiste issu des «Printemps arabes» à être allé au bout de son mandat. «Nous avons géré notre relation avec la monarchie ces cinq dernières années avec un souci de coopération», clame fièrement le Premier ministre Benkirane à ses détracteurs qui l’accusent de faire le jeu de la monarchie.
Anani GALLEY