À première vue, il peut sembler paradoxal de suggérer que l'agriculture devrait être la priorité numéro un de l'Afrique, surtout quand il s'agit de l'emploi. Mais il y a de très bonnes raisons à cela, assure l'OIT.
Plus de 60% de la population économiquement active d'Afrique travaille et vit de l'agriculture; plus d'un tiers de la valeur ajoutée totale provient de l'agriculture; et, étonnamment, l'Afrique importe près de 50 milliards de dollars de nourriture chaque année, essentiellement pour nourrir une population urbaine en plein essor.
C'est l'équivalent de ce que le continent reçoit en aide publique au développement, et plus de cinq fois plus que ce que la Banque africaine de développement investit pour sa future croissance économique. La réalité est que l'agriculture africaine a été négligée tant par les gouvernements que par les bailleurs internationaux et les conseillers politiques, explique l'OIT.
Le coût de cette négligence est élevé: la production alimentaire par tête a à peine progressé au cours des 50 dernières années, à un rythme de 0,06% par an. Avec une population qui s'accroît au rythme annuel de 2,6%, les importations de nourriture ont augmenté à un taux de 3,4% par an depuis 1980, les céréales en représentant la plus grande part.
L'Afrique reçoit près de la moitié du total de l'aide alimentaire céréalière dans le monde. Les rendements sont comparativement faibles, avec une moyenne de 1,3 tonne à l'hectare de terre cultivée, moins de la moitié de la moyenne mondiale. Les rendements ont augmenté à un taux annuel à peine supérieur à 1%, tandis que la moyenne mondiale augmentait de 2%.
Selon l'OIT, l'Afrique doit donc se focaliser sur l'augmentation de la production alimentaire à l'hectare parmi la grande majorité des petits propriétaires. Une stratégie de « priorité à l'agriculture » consisterait à augmenter le taux de change des devises actuellement utilisées pour importer des denrées alimentaires qui pourraient être produites en Afrique. Cela la protégerait des aléas de la volatilité des prix des denrées alimentaires et permettrait de relever le niveau des revenus dans les régions rurales, de réduire la pauvreté et d'accroître la demande pour stimuler la croissance. Cela devrait favoriser aussi la création d'emplois plus productifs pour une grande partie de la jeunesse africaine.
Le commerce peut jouer aussi un rôle considérable. La priorité doit aller au commerce intra-africain, afin d'accroître les échanges entre pays excédentaires et déficitaires sur le plan alimentaire. Actuellement, ce sont les importations alimentaires en provenance de régions qui accordent de fortes subventions aux producteurs qui ont la faveur, ce qui fait baisser artificiellement les prix mondiaux.
En Afrique, il n'y aura pas de croissance durable et diversifiée sans croissance soutenue de l'agriculture, qui renforce l'emploi et les revenus d'une large majorité de la population active. Concrétiser cet agenda est une tâche immense pour les dix à vingt prochaines années, prévient l'OIT.