The Conversation -Les émissions de gaz à effet de serre, dues aux activités humaines, ont provoqué un réchauffement climatique rapide. Depuis 70 ans, cela a intensifié les épisodes de chaleur extrême partout dans le monde.
Les canicules, par exemple, peuvent causer de graves dommages aux infrastructures en endommageant les ponts et les voies ferrées. Elles dégradent également les écosystèmes et peuvent entraîner des pertes humaines.
Les émissions de gaz à effet de serre ont récemment atteint de niveaux records. D’après des études récentes, le monde ne parviendra pas à atteindre l’objectif international qui vise à limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Si ce seuil est franchi, les scientifiques prédisent des risques accrus pour la santé, la sécurité alimentaire et en eau, ainsi que pour la croissance économique.
Pour éviter cela, les émissions de dioxyde de carbone doivent être réduites à un niveau suffisamment faible pour que les puits de carbone naturels et artificiels puissent les absorber, de sorte qu’il ne reste plus aucune émission de dioxyde de carbone d’origine humaine dans l’atmosphère. C’est ce qu’on appelle la « neutralité carbone » et cet objectif doit être atteint d’ici 2050. Un objectif que beaucoup de pays se sont engagés à atteindre d’ici 2050.
Mais atteindre cette neutralité carbone suffira-t-il à réduire les vagues de chaleur, notamment en Afrique ?
En tant que chercheurs en climatologie, nous avons mené des simulations pour voir à quoi ressemblerait le climat mondial si nous atteignions le zéro net. Nos résultats montrent qu’après avoir atteint cet objectif, l’intensité des chaleurs extrêmes diminuerait dans la plupart des régions du monde, mais avec des variations selon les zones.
Les perspectives pour l’Afrique australe sont incertaines. Depuis les années 1950, la température dans cette région a augmenté. C’est également une zone très sensible aux événements extrêmes et destructeurs causés par le réchauffement climatique, comme la sécheresse « Day Zero » au Cap.
Il est essentiel de comprendre comment les températures extrêmes évolueront après la neutralité carbone afin d’éclairer la planification et l’élaboration des politiques futures. Même si les émissions de gaz à effet de serre sont réduites, différentes régions du monde pourraient encore être touchées par le changement climatique.
Savoir ce qui pourrait se passer permettra aux gouvernements nationaux et aux organisations internationales (telles que les Nations unies) de se préparer à toute une série de scénarios possibles.
Canicules après la neutralité carbone
Les émissions de gaz à effet de serre qui ne sont pas naturellement absorbées par la terre et les océans restent dans l’atmosphère. C’est ce qui crée l’effet de serre, qui entraîne un réchauffement de la planète à mesure que ces gaz s’accumulent.
Les températures moyennes annuelles à la surface des terres augmentent plus rapidement que celles des océans, et varient également de manière très différente selon les régions du monde.
Cela crée des « points chauds » régionaux où les températures extrêmes sont particulièrement élevées, notamment en Afrique australe, en Amazonie et dans les régions méditerranéennes. Les climatologues tentent depuis des décennies de comprendre les changements dans les extrêmes thermiques régionaux dans les points chauds climatiques. Cependant, la plupart des recherches sur les extrêmes thermiques se concentrent sur ce qui se passera si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent.
Dans notre récente étude, nous avons voulu explorer un autre scénario : celui où les émissions nettes seraient réduites à zéro. Nous avons utilisé des modèles climatiques pour simuler comment les vagues de chaleur pourraient évoluer si cet objectif était atteint.
Nous avons comparé deux situations : les épisodes de chaleur extrême 100 ans après l’atteinte du zéro net et ceux observés au moment même où cet objectif serait atteint. Cette approche revient à comparer un climat en réchauffement rapide, comme aujourd’hui, avec celui d’avant l’industrialisation.
Nos recherches ont montré qu’après la neutralité carbone, les pics de chaleur diminueraient dans la plupart des régions terrestres. Cependant, il y aurait des différences marquées entre les différentes parties du monde.
Pour comprendre ces fortes différences, nous nous sommes penchés de plus près sur l’Afrique australe, une région où les changements liés à la neutralité carbone sont très incertains et où les effets des vagues de chaleur extrême sont importants.
Une situation incertaine pour l’Afrique australe
Dans nos simulations, certains modèles indiquent que la tendance de « point chaud » observée en Afrique australe avec le réchauffement climatique pourrait s’inverser une fois le zéro net atteint. Mais d’autres modèles prévoient au contraire très peu de changements dans l’intensité des vagues de chaleur dans cette région après l’atteinte la neutralité carbone.
Certains modèles montrent que les précipitations augmenteront, en particulier dans la région la plus méridionale de l’Afrique australe après la neutralité carbone, tandis que d’autres indiquent que la région deviendra plus sèche. Cela aura également une incidence sur le climat local dans son ensemble. Par exemple, lorsque le sol est plus humide à cause de la pluie, cela a un effet refroidissant sur les températures terrestres. Lorsque l’eau de pluie s’évapore, cela refroidit également la terre
Les modèles eux-mêmes sont produits par différentes agences de modélisation internationales (par exemple, le Met Office au Royaume-Uni ou la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation en Australie). Chaque agence de modélisation fait ses propres choix quant à la manière dont certains phénomènes physiques sont représentés dans ses modèles. Cela signifie que les projections climatiques futures peuvent être très différentes d’un modèle à l’autre, comme le montre notre étude.
Pour l’instant, ce que nous savons, c’est que les changements dans les précipitations régionales et les conditions des sols joueront probablement un rôle clé dans l’évolution des vagues de chaleur dans un futur où les émissions auront atteint la neutralité carbone.
Que faut-il faire maintenant ?
D’un point de vue scientifique, il est utile de produire davantage de données sur la manière dont le climat réagira à la neutralité carbone. Les projets de modélisation climatique sont utiles pour étudier comment des phénomènes météorologiques dangereux pourraient se développer. Ils permettent de déterminer si le monde se dirige vers des points de basculement, où le changement climatique aura causé des dommages irréversibles à la Terre.
Du point de vue de l’élaboration des politiques et de la planification, l’incertitude actuelle quant à la manière dont les modèles prévoient la réponse locale à la neutralité carbone ne doit pas décourager les engagements en faveur de la neutralité carbone. Les décideurs politiques et les planificateurs doivent utiliser les recherches sur les différents types de changements climatiques après la neutralité carbone pour se préparer à une série de scénarios possibles.
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