Les Bongo toujours poursuivis pour ‘détournement de fonds publics’ malgré l’exil

Afriquinfos Editeur
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L'épouse franco-gabonaise de l'ex-Président du Gabon Ali Bongo Ondimba, Sylvia Bongo Ondimba Valentin (centre), au côté de celui qui était alors encore Président, à Libreville le 10 juillet 2023.

L’ancien Président gabonais Ali Bongo Ondimba, qui était en résidence surveillée à Libreville depuis le coup d’Etat du 30 août 2023 l’ayant chassé du pouvoir, est arrivé dans la nuit de jeudi à vendredi en Angola avec son épouse et son fils, a annoncé la Présidence angolaise sur ses canaux digitaux. Un déplacement qui suscite moult interrogations en interne et à l’étranger.

« La famille Bongo a été libérée et vient d’arriver à Luanda », a indiqué un communiqué sur la page Facebook de la Présidence angolaise. Ali Bongo dont la famille a dirigé pendant 55 ans le Gabon, avait été renversé le 30 août 2023 par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, et était depuis assigné à résidence dans la capitale Libreville. La Présidence angolaise a également publié des photographies montrant l’ancien dirigeant accueilli à l’aéroport de Luanda, mais pas sa femme, ni son fils.

Ali Bongo Ondimba et N. B. Valentin.

Cette libération fait suite à des contacts entre le Président angolais Joao Lourenço et Brice Oligui Nguema, élu Président du Gabon en avril 2025 avec près de 95% des voix, précise le communiqué officiel angolais, sans donner de détails.

-« Séquestration »-

L’épouse d’Ali Bongo, Sylvia Bongo, 62 ans, et son fils Noureddin, 33 ans, emprisonnés dans l’attente de leur procès pour détournement de fonds publics, avaient été récemment libérés, et également placés sous résidence surveillée, selon plusieurs médias gabonais. Dans un communiqué, les avocats français de la famille Bongo, François Zimeray, Catalina de la Sota et Pierre-Olivier Sur, ont déclaré: « Cette libération est le fruit de longs efforts tant sur le plan judiciaire que diplomatique. Après vingt mois d’une séquestration aussi arbitraire que cruelle accompagnée de tortures, la famille est enfin réunie autour de l’ancien Président Ali Bongo« .

Image prise et diffusée par la Présidence angolaise le 16 mai 2025, montrant l’ex-Président gabonais Ali Bongo Ondimba (au centre) marchant vers un véhicule après être descendu d’un avion sur un aéroport de Luanda, en Angola.

Toutefois, à Libreville, le parquet a tenu à préciser que l’épouse et son fils se trouvent actuellement sous un régime de liberté provisoire en attendant leur procès pour détournement de fonds publics. Leur remise en liberté « n’interrompt nullement le cours normal de la procédure qui se poursuivra jusqu’à la tenue d’un procès juste, transparent, équitable et dans les délais raisonnables« . Le général Oligui, ex-chef d’une Transition militaire, a prêté serment début mai 2025 après un scrutin pour lequel les observateurs internationaux n’ont signalé aucune irrégularité majeure.

Le principal rival du général Oligui, Alain-Claude Bilie By Nze, dernier Premier ministre sous M. Bongo, a jugé que la libération de la famille démontre que sa détention « ne respectait pas le cadre de la loi et de la justice« . « Le Président Oligui Nguema n’a pas fait preuve de clémence: il a dû s’incliner face aux exigences internationales après ce que tout le monde a compris comme un abus de pouvoir« , a-t-il déclaré.

Les avocats de l’épouse d’Ali Bongo, née en France, et de son fils ont affirmé plusieurs fois qu’ils avaient subi des tortures pendant leur détention. Plusieurs médias gabonais avaient récemment rapporté qu’ils avaient été transférés de cellules situées dans une annexe de la Présidence vers une résidence familiale à Libreville. Un député du Parlement gabonais de Transition, Geoffroy Foumboula Libeka, a qualifié le transfert de la famille, « au milieu de la nuit et dans un silence total« , de « véritable honte pour les premiers jours » du nouveau Gouvernement.

Image prise et diffusée par la Présidence angolaise le 16 mai 2025, montrant l’ex-Président gabonais Ali Bongo Ondimba (au centre) marchant vers un véhicule après être descendu d’un avion sur un aéroport de Luanda, en Angola.

« Où est la souveraineté du Gabon?« , s’est-il interrogé sur les réseaux sociaux, accusant la libération de la famille Bongo d’être « le prix à payer » pour la réintégration du Gabon au sein de l’UA (Union africaine), actuellement présidée depuis février 2025 par Joao Lourenço. L’UA a annoncé le 30 avril 2025 avoir levé les sanctions contre le Gabon. Le pays avait été suspendu de l’organisation après le coup d’État d’aout 2023.

– Santé précaire –

Ce pays de 2,3 millions d’habitants souffre d’un chômage élevé, de coupures régulières d’électricité et d’eau, ainsi que d’une lourde dette publique malgré sa richesse pétrolière. La Présidence gabonaise avait annoncé lundi 12 mai 2025 sur les réseaux sociaux que M. Lourenço avait rencontré M. Oligui à Libreville. Les deux hommes ont évoqué la levée des sanctions après la réintégration du Gabon au sein de l’UA.

Âgé de 66 ans, Ali Bongo Ondimba dont l’état de santé serait précaire, était arrivé au pouvoir en 2009, succédant à son père, Omar Bongo Ondimba, Président pendant 41 ans. En 2016, il avait été réélu de justesse pour un second mandat avec quelques milliers de voix d’avance, battant le candidat de l’opposition de l’époque, Jean Ping, après une campagne marquée par des affrontements sanglants et des accusations de fraude.

Couple Bongo (DR)

Ali Bongo a été victime d’un AVC en octobre 2018 lors d’une visite en Arabie saoudite, suscitant des spéculations sur sa santé et sa capacité à gouverner. Ali Bongo a dirigé le Gabon durant 14 ans jusqu’à son renversement, quelques instants après avoir été proclamé vainqueur d’une élection présidentielle que l’Armée et l’Opposition avaient déclarée frauduleuse.

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