Nouakchott (© 2025 Afriquinfos)- À 40 ans, Dr Leïla Bouamatou est la première femme administratrice et Directrice Générale de la Générale de Banque de Mauritanie pour l’Investissement et le Commerce (G.B.M). Elle est diplômée d’une école de commerce en Suisse, d’un master en Espagne et d’un doctorat aux États-Unis. Précédemment, elle a travaillé chez Deloitte en Tunisie, puis à la BMCE à Londres. Elle a été classée en 2023, par le magazine Forbes parmi les 10 personnalités africaines de moins de 40 ans les plus talentueuses.
Dr. Leila Bouamatou boucle en 2025 sa cinquième année de résultats positifs à la tête de l’institution. En dépit d’une conjoncture économique demeurée difficile depuis 2018, le total bilan de la banque a progressé de 11 % par rapport à l’exercice précédent, lui faisant passer de la 10éme position en 2018 à la 8éme en 2020. Au niveau de la structure de l’actif, les créances sur la clientèle représentent plus de 74 % du total bilan (la GBM garde toujours sa 7éme place en terme de positionnement), illustrant la vocation de la banque et son engagement en faveur du soutien à l’économie Mauritanienne. Au niveau du passif, les dépôts de la clientèle représentent plus de 61% du total du bilan. Le produit net bancaire de l’année 2020 s’inscrit en hausse de 44 % sur trois ans à méthode constante, positionnant la banque à la 9 éme place.
Un héritage paternel
A 35 ans, Leïla Bouamatou a amorcé la digitalisation de l’établissement, l’a ouvert aux petites et moyennes entreprises, et a créé une filiale consacrée à la finance islamique. Cette banque, c’est son père, Mohamed Ould Bouamatou, l’une des plus grandes fortunes du pays, qui l’a fondée il y a près de vingt-cinq ans. Leïla Bouamatou est fière de son père, mais elle ne veut pas lui devoir sa carrière. Alors elle étudie et elle voyage : école de commerce en Suisse, master en Espagne, doctorat aux États-Unis. Leïla Bouamatou est née avec des facilités, mais elle ne s’en est pas contentée. « L’un des défis les plus importants pour moi, confie la jeune dirigeante, c’était de ne pas être vue juste comme la ‘fille du patron’. J’ai essayé à tout prix de grimper les échelons, petit à petit. Je dois ma réussite à ma détermination. Pour mériter sa place, il faut se faire respecter. »
Leïla Bouamatou veut réussir par elle-même, mais elle ne renie pas l’héritage de son père, dont elle se dit extrêmement fière. D’ailleurs, c’est bien lui qui a influencé ses choix professionnels. Depuis le début. « Moi je voulais faire de l’architecture !, se souvient sans regret la banquière, mais il m’avait conseillé de faire de la finance parce que c’était beaucoup plus intéressant. Et de le faire en anglais. Il m’a dit “tu sais ma fille, dans dix ans, si tu ne parles pas anglais, tu seras l’analphabète du siècle.” J’ai suivi ces conseils et j’ai fait tout mon cursus en anglais. » Leïla Bouamatou se forme ensuite au sein du cabinet d’audit Deloitte en Tunisie, puis à la BMCE à Londres. « Et puis mon père m’a demandé de rentrer parce qu’il avait besoin de mon aide… c’était au moment où je m’apprêtais à signer un contrat de rêve à Londres. » Contrat de rêve d’un côté, papa de l’autre, le combat est inégal… À la demande de son père, Leïla Bouamatou revient dans le groupe familial en tant que trésorière, en 2008. Dix ans plus tard, elle est nommée directrice.
L’une des personnalités les plus talentueuses selon Forbes
Leïla Bouamatou a été classée en 2018 parmi les 10 personnalités africaines de moins de 40 ans les plus talentueuses.
Et pour construire son modèle, Leïla Bouamatou a dû commencer… par la racine : « l’un des défis qu’il a fallu surmonter, pour moi et certainement pour d’autres femmes africaines, c’est de se détacher des perceptions, des coutumes, des normes qui confèrent à la femme un rôle subalterne. En tant que femme africaine, je pense que nous ne devons pas accepter que ces traditions africaines soient exploitées pour incarner la domination de l’homme. Au contraire, ces traditions doivent être utilisées comme une force libératrice, un catalyseur, afin de promouvoir le leadership des femmes africaines. »
Souvent couverte de sa melhfa, le voile traditionnel mauritanien, des chevilles jusqu’au visage, Leïla Bouamatou assume sa religion. Cette mère de deux enfants les assume. Elle les vit. Elle en fait même un outil au service de l’émergence des femmes africaines. Une question d’égalité et, préciserait la banquière, un investissement forcément rentable pour le continent.
V.A.