Le Burundi submergé par 30 mille réfugiés en provenance de la RDC, le M23 poursuit ses conquêtes

Afriquinfos Editeur
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Des Congolais arrivent au camp de réfugiés de Rugombo, au Burundi, le 17 février 2025, après avoir fui la guerre dans l'est de leur pays.

Environ 30.000 personnes ont trouvé refuge au Burundi après avoir fui l’est de la RDC, un afflux inédit depuis 25 ans, a alerté le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) de l’ONU, laquelle s’est inquiétée dans la nuit du 19 février 2025 des nouvelles avancées du M23 et de ses alliés rwandais.

Après s’être emparés fin janvier 2025 dans une offensive éclair de Goma, capitale du Nord-Kivu, ces combattants ont pris dimanche 16 février le contrôle de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu situé à seulement une cinquantaine de km du Burundi.

Les combats continuent de s’étendre dans le Sud-Kivu, région frontalière du Rwanda et du Burundi, se rapprochant notamment de la capitale économique burundaise Bujumbura et poussant de nombreux civils à fuir. « C’est la plus grande vague de réfugiés que le Burundi connaît depuis le début des années 2000 », a affirmé mercredi après-midi la représentante du HCR au Burundi, Brigitte Mukanga-Eno, lors d’une conférence de presse à Bujumbura, en présence d’officiels et de diplomates.

Une petite fille avec sa poupée au camp de réfugiés de Rugombo, au Burundi, le 17 février 2025. De nombreux Congolais y sont arrivés ces derniers jours après avoir fui la guerre dans leur pays.

Elle a estimé le nombre de réfugiés à « 30.000 ». Les autorités burundaises avaient évoqué lundi 17 février 2025 le chiffre de 10.000 personnes. « Ces chiffres sont tout à fait temporaires puisque malheureusement, les gens continuent d’affluer par milliers chaque jour », a-t-elle ajouté, pointant les provinces frontalières de Bubanza et de Cibitoke.

Avant cette vague, le Burundi comptait déjà selon le HCR environ 90.000 réfugiés sur son sol, essentiellement congolais, venus notamment pendant les deux guerres du Congo (1996-1997 et 1998-2003). La frontière entre Bujumbura et Uvira, côté congolais, est un couloir économique et humain crucial dans cette zone enclavée des Grands Lacs.

« J’ai fui avec ma femme et mes deux enfants avant même l’arrivée du M23 », a déclaré Kitenge, un taxi-moto de 25 ans ne souhaitant pas donner son nom complet. Les soldats et miliciens congolais « se sont mis à tirer dans tous les sens et à piller les boutiques, nous avons préféré fuir pour sauver nos vies », a-t-il ajouté. Amissi, un instituteur de 30 ans, a déploré par téléphone être « enfermé dans un stade » dans la province de Cibitoke, « sans droit de sortir pour aller se ravitailler, même si on a de l’argent ».

Lors du même point presse, le ministre de l’Intérieur Martin Niteretse a affirmé que le Burundi octroierait le statut de réfugié à tous les Congolais entrés depuis le début d’année 2025.

– « Repli tactique » –

Le Burundi, pays extrêmement pauvre de 13 millions d’habitants, a déployé depuis octobre 2023 plus de 10.000 soldats pour aider l’Armée congolaise face au M23 et à d’autres groupes armés. Mercredi, l’AFP a appris de sources militaires et officielles que le Burundi retirait discrètement, malgré les démentis officiels, une partie de ses troupes, opérant selon l’une d’elles « un repli tactique sous l’attaque ennemie ».

Plusieurs centaines de soldats et policiers congolais sont arrivés mercredi à Gatumba, ville frontalière burundaise, a affirmé une source sécuritaire, ajoutant qu’ils ont « été désarmés, fouillés » puis « acheminés vers une destination inconnue ».

Dans la nuit de mercredi à jeudi 20 février 2025, l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs, Huang Xia, a affirmé devant le Conseil de Sécurité de l’ONU que le M23 et ses alliés poursuivaient leur avancée vers « d’autres zones stratégiques » au Nord et au Sud-Kivu.

« Le risque d’un embrasement régional est plus que jamais réel », a-t-il souligné. « L’Histoire se répète ». La cheffe de la Mission de maintien de la paix de l’ONU en RDC (Monusco), Bintou Keita a, elle, souligné que le M23 est désormais « au point de jonction des trois frontières entre la RDC, le Rwanda et le Burundi ».

Des réfugiés congolais, fuyant l’avancée des combattants du M23 alliés aux troupes rwandaises vers Bukavu au Sud-Kivu, arrivent au camp de transit de Gihanga au Burundi le 17 février 2025, tandis que l’Union africaine s’inquiète d’un possible éclatement de la RDC.

Les combats des dernières semaines font notamment craindre une répétition de ce que l’on a appelé la deuxième guerre du Congo (1998-2003), impliquant de nombreux pays africains, et entraînant des millions de morts par la violence, les maladies et la famine.

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